Faucheuse

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À force d'assurer qu'elle allait parfaitement bien et qu'elle s'ennuyait, recluse dans l'infirmerie, Hermione fut finalement conduite dans le bureau du Directeur. Elle eut un choc de se rendre compte que le bureau de Dumbledore était identique à ce qu'elle avait connu.
Les mêmes bibelots qui s'entassaient un peu partout, des livres, visiblement anciens. Un bocal de friandises - visiblement Dumbledore avait toujours eu cet attrait pour les sucreries. L'homme en lui-même était à la fois semblable et différent. Les mêmes lunettes en demi-lunes, les mêmes robes sorcières bien trop bariolées, la barbe et les cheveux blancs - un peu plus courts cependant que dans son souvenir.

Elle resta silencieuse le temps que le vieil homme - un peu moins marqué par le temps - l'observe avec un léger sourire, les yeux éternellement pétillants.

Hermione se mordit la lèvre alors que les souvenirs liés à cet homme l'envahissaient. Jusqu'à sa mort, juste sous les yeux de Harry. Il avait été un guide précieux, un homme de bien. Toujours bienveillant, quelques soient les circonstances. Et selon Harry, même après avoir été emporté par la faucheuse, il avait encore trouvé le moyen de le guider.

Dans l'esprit de la jeune fille, Dumbledore était celui qui savait toujours tout, avant les autres. Le marionnettiste de l'ombre, celui qui conduisait chaque protagoniste là où il devait précisément se trouver. Avec ce souvenir en tête, Hermione hésita longuement à lui raconter son histoire. Sa naissance et sa scolarité dans le futur, la guerre. Harry. Puis, la bataille, sur les terres même de Poudlard, et enfin... à l'approche de la mort, le sort qui l'avait envoyé dans le passé.

Cependant, elle n'oubliait pas ce qui s'était produit avec Severus Rogue, son oubli de tout ce qu'elle lui avait révélé. Il n'y avait pas le moindre doute que la même chose se produirait avec Dumbledore, et même si elle pouvait espérer un conseil ou deux du vieil homme, elle préférait ne pas prendre de risques.

Lorsqu'elle avait découvert la magie, au tout début, elle s'était émerveillée des possibilités infinies qui s'ouvraient à elle. Il lui semblait alors que la magie n'avait aucune limite. Tout ce qui pouvait sortir de son esprit devenait soudain une possibilité.
Bien évidemment, elle avait pensé aux voyages dans le temps. Pour rencontrer des grandes figures du passé, peut-être. Découvrir d'anciennes civilisations. Réécrire le passé même ! Sauver ceux qui étaient morts injustement, empêcher des accidents. N'importe quoi.
Elle avait lu beaucoup sur ce sujet fascinant. Elle avait dévoré de lourds ouvrages traitant de ce sujet complexe, essayant de comprendre pourquoi aucun sorcier n'avait auparavant jamais pensé à ça.

Elle avait découvert la possibilité de créer des paradoxes, de créer des situations impossibles qui pourraient provoquer des cataclysmes. Elle avait appris qu'il valait mieux ne pas toucher au temps, bien trop complexe pour être modifié : les retourneurs de temps étaient la seule entorse à cette règle que les sorciers se permettaient, et ils ne remontaient jamais à plus de quelques heures en arrière. Sans compter que le Ministère avait édicté des règles strictes pour leur utilisation.

Il n'y avait que son ami si tête brûlée pour oser défier toutes les règles édictées et lancer un sort qui permettrait de tout recommencer... Une vague de nostalgie et de tendresse l'envahit, et sans le discret raclement de gorge de Dumbledore, elle se serait probablement laissé submerger.


La jeune fille soupira, et adressa un sourire hésitant au Directeur de Poudlard.
- Vous avez fait une entrée mystérieuse dans l'école, jeune fille. Si vous m'expliquiez comment vous avez pu vous retrouver inconsciente et blessée en plein milieu du parc ? Et surtout, qui vous êtes. Personne ici ne vous connaît après tout.


Hermione cligna des yeux. Puis elle hocha la tête.
- Je m'appelle Hermione Granger et j'ai dix-sept ans. Malheureusement, j'ai bien peur de ne pas... avoir le moindre souvenir du reste.

Dumbledore la fixa longuement, en se caressant la barbe d'un air pensif. Puis, il hocha lentement la tête.
- Vous ne le savez peut être pas, Miss Granger, mais le monde magique est en ce moment la proie d'un conflit qui se durcit de jours en jours. L'école de Magie Poudlard est pour l'instant heureusement épargnée, mais je me dois en tant que responsable me montrer prudent.

Hermione acquiesça avec bonne volonté, tout en se mordillant la lèvre. Elle n'oubliait pas sa scolarité chaotique, où chaque année un danger potentiellement mortel avait pénétré l'enceinte inviolable, sous la Direction de ce même homme.
Dumbledore reprit, baissant d'un ton.
- Selon notre infirmière, vos blessures étaient celles d'un duel.

L'adolescente lui renvoya un regard qu'elle espéra être le plus innocent possible.
- Oh. Vraiment ?
Le vieux sorcier gloussa gentiment, et secoua la tête. Il se pencha en avant, la dévisagea avec une expression calculatrice, puis il leva les yeux au ciel.
- Et bien. Supposons que vous ayez subi une agression. Et que cette même agression - qui a bien évidemment causé vos blessures - ait causé une perte de mémoire...
Hermione sourit, restant malgré tout prudente, bien que l'explication avancée par Dumbledore soit parfaite.
- Je pense que c'est plausible Monsieur. Cependant, en l'absence de mes souvenirs, j'ai bien peur de ne pas pouvoir affirmer que c'est ce qui s'est passé.

Une lueur approbatrice passa dans le regard bleu, et Dumbledore lissa sa barbe une fois encore, marmonnant, avant de soupirer.
- Et bien. Nous admettrons que c'est ce qui s'est passé. Je pense que vous avez pu entrer dans Poudlard pour y trouver du secours peut être ? Après tout, à Poudlard, une aide est apportée à toute personne qui en fait la demande, n'est-ce-pas ?

Hermione resta silencieuse, offrant juste un sourire reconnaissant au vieil homme. Elle avait la désagréable impression qu'il savait beaucoup plus qu'il ne l'avouait, comme toujours. Cette fois pourtant, elle allait s'accrocher à ses secrets et ne rien dévoiler.
Dumbledore se frotta les mains, visiblement satisfait.
- Et bien, compte tenu de votre âge, je pense que vous pouvez intégrer la septième année ici. Vous avez encore l'âge d'étudier, et il serait plus simple pour vous d'obtenir une... situation correcte dans le futur si vous étiez diplômée.

Hermione manqua de se trahir lorsqu'il évoqua l'avenir, mais elle se reprit rapidement, et elle saisit la perche tendue, qui allait lui permettre de vivre à Poudlard, et de rester près de Severus Rogue.
- Oh. Ce serait merveilleux Monsieur. Mais... Je n'ai rien pour... Enfin, acheter ce dont je pourrais avoir besoin ici. J'ai bien peur de ne rien posséder.

Le vieil homme laissa échapper un léger rire, s'amusant visiblement beaucoup.
- Ne vous souciez pas de ça Miss Granger. Poudlard prévoit de prendre en charge les étudiants qui n'ont pas la chance d'avoir les moyens d'étudier. Rien d'exceptionnel mais de quoi mener votre dernière année ici l'esprit tranquille.

A ces mots, Hermione comprit que Dumbledore savait quelque chose ou avait un plan la concernant. Cependant, elle le remercia poliment, prenant garde à chacune de ses paroles, veillant à ne rien dire qui puisse la trahir de façon trop évidente.

Une autre vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant