Une autre vie

Toute la nuit

Hermione détestait attendre. Pourtant, c'était précisément la seule chose à faire. Les Potter étaient à l'abri, protégés par Severus. Les Longdubas avaient été prévenus, et Lily - grande amie d'Alice - les avait convaincu de se placer eux aussi sous Fidelitas, afin de se protéger.
Les deux familles menacées par Voldemort étaient hors d'atteinte.

Lucius avait avoué à demi-mots que la colère du Mage Noir avait été terrible, et que beaucoup de Mangemorts avaient eu à subir des moments difficiles. Severus avait proposé à son ami de changer de camp, mais Lucius avait fixé son bras gauche et avait haussé les épaules.
- On ne change pas de camp avec lui. On obéit ou on meurt.

Lorsqu'il avait raconté cette scène à sa compagne, Severus avait vu l'expression de la jeune femme et il avait compris que dans l'avenir qu'elle avait vécu, il était mort. Il ne posa cependant pas la moindre question, se contentant d'attirer Hermione dans ses bras et de l'embrasser avec tendresse. Les souvenirs de la jeune femme n'existaient plus que dans sa mémoire, et ils ne se produiraient jamais.

À compter du premier anniversaire de Harry, Hermione était devenue nerveuse, dormant mal et se perdant dans ses pensées. Severus savait pertinemment ce qui la hantait, et il ne pouvait qu'être présent pour elle et tenter de la rassurer au mieux.

Un matin, Severus s'était réveillé dans un lit vide de la présence d'Hermione, sa place à ses côtés déjà froide. Avec un soupir, il s'était levé et l'avait trouvé dans leur salon, le front collé contre le fenêtre une tasse de thé à la main.
- Hermione ? Tu es restée debout tout la nuit ?

Elle avait tenté de le rassurer d'un bref sourire, mais ses yeux ne mentaient pas. Finalement elle avait haussé les épaules et consenti à avouer ce qui la tourmentait.
- Et si en changeant tout j'avais empiré la situation ?

Severus était resté silencieux longuement, en la dévisageant, réfléchissant. Il savait qu'elle ne se contenterait pas de paroles de réconfort creuses. Finalement, il soupira.
- Ça ne peut pas être pire Hermione. Tu as apaisé les anciennes querelles. Tu t'es battue à nos côtés et tu as sauvé des gens. Tu m'as offert un avenir, et tu as fait en sorte de protéger ceux qui étaient en danger...

Hermione eut un sourire triste.
- Dans l'histoire que je connais, les Potter étaient tués chez eux après que leur ami Peter Pettigrew - gardien du secret - les ait trahi. Ce rat a conduit Voldemort en personne dans leur maison, et il les a froidement assassiné. Cependant lorsqu'il a voulu tuer leur fils Harry, le sort s'est retourné contre lui et l'a annihilé. Sirius Black a été accusé d'être le traître, et a été envoyé à Azkaban sans procès. Le petit Harry... Il a été emmené dans le monde moldu et déposé sur le pas de la porte de son oncle et de sa tante. Deux horribles personnages qui feront de son enfance un enfer.

Severus lui caressa tendrement la joue bien qu'un mauvais pressentiment étreignit son coeur.
- Et bien... Tu as démasqué Pettigrew à Poudlard avant qu'il ne puisse nuire. Ainsi, il ne peut pas trahir Lily et son mari. Black ne pourra pas être accusé, puisque nous pouvons témoigner qu'il n'est pas le gardien du secret. Même si je suis certain que quelques mois à Azkaban pourraient lui faire du bien.

Hermione ricana nerveusement et lui lança une bourrade affectueuse.
- Tu dis ça mais je sais que tu as accepté de faire la paix avec lui ! Tu fais semblant de grogner mais je suis certaine que tu commences à l'apprécier.

Severus leva un sourcil amusé, et resta silencieux. Refusant d'entrer dans son jeu, Hermione déposa un rapide baiser sur ses lèvres mais elle retrouva rapidement son sérieux.
- Cette attaque terrible, la mort des Potter. C'était ce qui réduisait Voldemort à un esprit impuissant.
- Le sacrifice de Lily ?
- Oui. De la Magie Ancienne selon Dumbledore. En offrant sa vie, elle a donné une protection à son fils, empêchant Voldemort de le tuer. J'ai fait beaucoup de recherches à Poudlard, mais je n'ai jamais rien trouvé à ce sujet.

Le jeune homme renifla d'un air méprisant.
- La Magie Ancienne... c'est un terme bien pompeux pour décrire l'interprétation des contes !
- Comment ça ?
- La magie des contes moldus ! Il n'y avait pas de code international du secret magique à l'époque. Pour éviter de finir brûlés sur des bûchers les sorciers inventaient des excuses comme le pouvoir de l'amour...
- Tu veux dire que ça n'existe pas ? Mais...
- Hermione. Ce que je veux dire, c'est que la Magie Ancienne est invoquée pour tout ce qu'on ne comprend pas.

Voyant le trouble de sa compagne, Severus lui frotta le dos, la serrant contre lui avec tout l'amour qu'il ressentait pour sa lionne si courageuse. Sa fille du futur qui avait choisi de vivre à ses côtés, son ange gardien.
- Donc pour toi, si Voldemort réussit à approcher Harry, ça peut donner le même résultat ?
- Je n'irais pas parier là-dessus. Mais c'est une possibilité. Nous ne savons pas ce qui s'est réellement produit cette nuit là. Lily a pu jeter un sort, Harry a pu faire de la Magie instinctive...
- Je croyais que personne ne pouvait survivre à l'Avada ?

Le Maître des potions soupira, secouant la tête.
- Non. Personne. Mais... D'après ce que tu me dis, il n'y a eu aucuns témoins. James et Lily ont reçu l'Avada, puisqu'ils sont morts. Qui peut témoigner que le petit Harry a été victime du même sort ?

Hermione ouvrit la bouche, puis la referma, sourcils froncés.
- C'est l'histoire qui a été racontée. Harry, le Survivant qui a défait le Mage Noir.
- Exact. Pas de témoins.

Effarée, la jeune femme souffla.
- C'était juste un conte de plus. Une histoire pour... justifier la prophétie.

Ils restèrent longuement enlacés, les larmes coulant sur les joues d'Hermione alors qu'elle prenait conscience que tous les sacrifices que son ami avaient été forcés de faire n'étaient basés que sur de simples suppositions.
- Pourquoi ?

Severus haussa les épaules, résigné.
- J'aimerais trouver une raison égoïste ou un dessein caché. Je voudrais te dire que c'est une machination ignoble que nous devons arrêter. Mais... Mais je pense que c'était juste pour donner de l'espoir au monde Magique. Pour permettre aux sorciers de vivre sans peur, et pour leur donner la force de se battre. C'était juste... un mal nécessaire pour apaiser les blessures de la guerre qui faisait rage.
Hermione ferma les yeux et murmura doucement.
- Pour le plus grand bien...