Une autre vie

Supernova

Lorsqu'un matin, quelqu'un frappa violemment à leur porte, Severus et Hermione échangèrent un regard inquiet. Qui que soit leur visiteur, il était sur le point de défoncer la porte, vu l'énergie désespérée qu'il mettait à frapper.

Avec un grognement, Severus se leva, baguette en main, prêt à réagir si c'était un piège. Il ne ferait pas l'affront à Hermione d'ignorer ses avertissements et de faire comme s'il n'y avait aucun danger.

S'il avait jeté un coup d'oeil à sa compagne à cet instant, il aurait probablement compris que tout était en train de basculer.
Lorsque Severus s'était levé en maugréant, elle avait machinalement jeté un coup d'oeil sur le calendrier, et une vague de nausée l'avait submergée.

Premier novembre mille neuf cent quatre vingt un.

Avant même de voir qui était à la porte, elle sut. Pâle et tremblante, elle attendit que le couperet ne tombe, le coeur au bord des lèvres.

Lorsqu'il ouvrit la porte, Severus fut presque repoussé par leur visiteur affolé. Il leva sa baguette, crispé, avant de le reconnaître et de se détendre légèrement.
- Black ?

Sirius était pâle comme un fantôme, les yeux rouges. Des cernes sombres lui mangeaient le visage et il était hirsute, les pupilles dilatées. Ses vêtements étaient tachés et déchirés, et il tremblait, visiblement incapable de se rendre compte que Severus aurait pu lui lancer un sort sans peine s'il s'était montré un peu trop menaçant.

Même s'il s'était assagi depuis le départ de Poudlard et qu'ils avaient enfin fait la paix, Sirius avait gardé une certaine distance avec Severus. Il ne l'appréciait pas vraiment - sentiment réciproque. Il tolérait sa présence chez les Potter parce que c'était ce que Lily voulait, et James exauçait toutes les demandes de son épouse... Sans quoi, il aurait probablement continué à s'attaquer à lui.

Cette fois pourtant, il n'avait pas la moindre agressivité. Il agrippa le bras de Severus.
- Ils sont morts !

Hermione avança lentement, avec l'impression d'être hors de son corps, de ne plus rien contrôler.
- Qui est mort ?

Mais Sirius, dévasté, fixait Severus, comme si le potionniste était le seul à pouvoir le comprendre.
- Ils ont été piégés. Quelqu'un... Quelqu'un les a trahi et j'ignore qui... Ils disent que c'est moi mais je jure que non...

Hermione fronça les sourcils, essayant de démêler les paroles de Sirius. Le fier Auror, habituellement un peu imbu de lui même, ressemblait terriblement à sa cousine en cet instant, alors qu'il se trouvait aux portes de la folie.
A bout de patience, et surtout terriblement inquiet, Severus attrapa les épaules de Sirius et le secoua brutalement. Un éclair de lucidité traversa le regard gris, et Sirius se mit à pleurer.
- James... Lily... ils ont été tués...

Severus lâcha Sirius et tituba, reculant comme si s'éloigner de l'homme changerait les choses. Hermione prit une inspiration hoquetante.
- Quoi ? Mais... Personne ne savait où ils habitaient !

L'Auror laissa échapper un gémissement de bête blessée.
- Ils les ont attiré à l'extérieur ! Ils sont sortis de chez eux, et ils sont tombés dans un guet-apens.

Si une supernova venait d'exploser au milieu de la pièce, les trois jeunes gens n'auraient pas semblé plus assommés. Même si Hermione l'avait pressenti, l'entendre dire à voix haute le rendait réel. Surtout, ce n'était plus seulement les parents inconnus de Harry qui venaient d'être tués. C'était des amis, qu'elle avait côtoyé et appris à apprécier malgré des débuts chaotiques.

Severus était blême, et il restait silencieux. Ses yeux onyx brillaient d'un éclat fiévreux alors qu'il dévisageait Sirius comme s'il espérait que le Maraudeur allait se mettre à rire et avouer que c'était une plaisanterie de très mauvais goût.

Sirius les regarda l'un après l'autre, et il se frotta le visage nerveusement. Il se fit visiblement violence pour reprendre un peu de calme et il ferma les yeux.
- J'ai reçu un message de James. Un truc stupide, au sujet d'un dossier. Ce foutu Mondingus qui a encore été pincé à cambrioler... Et il y avait cette phrase, à la fin, où il me disait qu'on se verrait dans la soirée. Mais c'était pas prévu, je le jure ! On en a jamais parlé !

Severus hocha la tête mais ne le coupa pas, et Sirius eut l'air soulagé d'être écouté. Il continua.
- Je lui ai renvoyé un hibou pour lui demander de quoi il parlait. Je croyais avoir oublié une invitation de Lily. Il a répondu au sujet d'une réunion de l'ordre. Juste ça. Une réunion de l'ordre. Mais je suis certain qu'il n'y avait rien de programmé...

Hermione intervint doucement, les sourcils froncés.
- Tu n'étais peut être pas concerné ?

Sirius écarta l'objection d'un geste nerveux de la main.
- J'ai eu un mauvais pressentiment et je l'ai appelé par cheminette. Mais il était déjà parti. Lui et Lily... ils étaient partis. J'ai pris la moto et... J'ai foncé aussi vite que possible. Il n'y avait que Dumbledore au siège de l'Ordre. Et ce cinglé de Fol Oeil.

Severus plissa les yeux.
- Ils n'étaient au courant de rien ?
Sirius se mit à trembler légèrement, et cligna des yeux.
- Quelqu'un est arrivé et a dit que... Que quelque chose se passait. Que les Mangemorts semblaient en difficultés. Beaucoup se sont effondrés en se tenant le bras, comme s'ils souffraient. Et Dumbledore... Il m'a dévisagé avec tellement de... colère et il m'a demandé ce que j'avais fait. Il croit que c'est moi ! Il...

Hermione échangea un long regard avec Severus, puis elle attira Sirius dans ses bras, essayant de l'apaiser. Le Maître des potions s'éloigna et se dirigea vers la cheminée et il s'agenouilla, pour appeler Lucius.
La jeune femme ferma les yeux.
- Tu es sûr qu'ils sont morts ?
- Quelqu'un l'a annoncé à Dumbledore, au moment où j'ai pris la fuite. J'ai compris qu'ils allaient m'arrêter alors j'ai fui... comme un lâche. Alors que mes amis...
Hermione le stoppa.
- Tu as bien fait Sirius. Et Harry ? Où est-il ? Est-ce qu'il est blessé ?

L'animagus se mit à sangloter nerveusement les poings serrés.
- Je ne sais pas ! Je ne sais rien de plus ! Je n'ai pas de nouvelles !
La jeune femme essaya de l'apaiser en le berçant entre ses bras, lui murmurant des paroles de réconfort, se sentant un peu hébétée par ce qu'elle venait d'apprendre.
- On va le retrouver Sirius. On va le retrouver tu verras.