— Mon seigneur et grand-duc Dardarel, fit le geôlier avec respect, votre éminente personne est-elle sûre de rester seule avec cette bête ?
Ledit grand-duc lui fit signe de repartir.
— Mes ordres sont actes de loi, adjudant. Tenter de défier la loi réduit drastiquement l'espérance de vie.
Le geôlier disparut avec ses hommes, la queue entre les jambes. Dardarel lança un regard rieur vers l'Archelan, debout.
— Vous ne semblez pas surpris de ma personne, sourit le grand-duc. Saviez-vous qui j'étais avant que l'officier ne m'insulte par ses appréhensions ?
Renze délia sa langue pour la première fois depuis plusieurs mois. De sa gorge s'échappa une voix suave, douce et calme.
— Vos vêtements sont aussi nobles que vos manières, donc j'ai immédiatement pris conscience de votre position. De plus, vous êtes, avant le Roi et l'ancien compte de Kalgar avant son bannissement, la personne la plus célèbre. Il n'est pas difficile de vous reconnaître.
— Je dois avouer que j'ai pendant un instant douté de votre identité. Renze... Renze... Veuillez m'excuser, je n'arrive pas à prononcer vos patronymes. Ces sottises archelannes me sont étrangères.
— Renze Háyar Faśae Daine Rhogòth, pour vous servir.
— Ah, cet accent ! Et cette langue ! Je suis déçu qu'ils doivent disparaître. Je reste cependant très heureux que vous sachiez parler Korrinien. Mes compétences en olkelain... — ou arkeláis comme vous le dites si bien — sont loin d'atteindre un niveau convenable pour que nous puissions discuter correctement.
Renze sourit intérieurement sur sa prononciation gutturale, mais il ne laissa paraître qu'un vague air amusé.
— Le seigneur Yadorr, ajouta Dardarel, celui qui vous a pourchassé puis torturé et incarcéré, est mort hier soir lors d'un soulèvement de prisonniers dans un train magnétique qui se dirigeait vers Koth, dans la région de Talìhaku.
— Est-ce là la raison de votre présence ?
— Oui. J'ai usé de mon droit et hérité de ses possessions militaires, dont fait partie ce destroyer dans lequel nous discutons, ainsi que vous-même. Et j'ai d'autres plans pour vous, Renze, que de vous torturer pour le simple plaisir personnel. Vous êtes même l'occasion en or, presque inespérée, dont j'avais besoin.
— Vous voulez m'exécuter en public pour rehausser votre prestige ?
— Non, non. Pourquoi ferais-je une chose pareille ? Non, je souhaite que vous travailliez pour moi.
— Un Archelan qui obéit à un Humain ? Ce serait une première. Ne le prenez pas mal, noble seigneur et grand-duc, mais pour quelle raison accepterais-je une telle aberration ?
Dardarel s'assit au fond de son siège, puis invita enfin l'Archelan à faire de même sur une vieille chaise métallique, d'un geste qu'il voulait digne.
— Je pourrais déjà vous libérer, pourtant je sais que ce n'est pas assez pour une légende comme vous. Je vous propose l'obtention d'un territoire isolé sur votre planète pour y vivre dans le confort avec les ressources que je vous prodiguerai. Vous serez plus riche que vos Hiérarques ne l'ont jamais été !
Renze s'inclina avec respect.
— Je me dois de refuser votre offre. Mon honneur m'interdit une telle chose.
Un sourire large parcourut le visage du grand-duc.
— Vous êtes un vrai parangon, comme dans les romans historiques ou les holofilms ! Avant de proposer autre chose, je désire corriger une erreur que vous avez commise. Le Roi, et moi qui plus est, ne sommes pas aussi célèbres que vous le prétendez. Quelqu'un semble bien au-dessus de nous.
— Vous parlez bien de...
— Oui. C'est bien elle que j'ai en tête.
Un long silence s'installa, entrecoupé des battements de cœur de Renze. Ce dernier se décida alors à le rompre :
— L'Archicolonelle a-t-elle un rapport avec la mission que vous me donnez ?
— Oui. Elle en est même l'objet.
— J'accepte votre offre.
— Oh ! Déjà ? Je n'ai pas encore avancé d'autres suggestions de récompense.
— Avoir l'occasion de la rencontrer me suffit.
— Je vois, je vois. Je connais votre lien avec la terrible Santhe, mais pas dans les détails. Pouvez-vous me dire pourquoi vous lui en voulez tant ?
Le prisonnier prit un air grave. Lui aussi se reposa sur le dos de son siège. Il s'efforça de ne pas détourner les yeux.
— Cette Archicolonelle, ce monstre, est renommée pour ses horreurs. Moi je la connais. J'ai été proche d'elle. Son fidèle second. Et même plus encore. Elle est pire que ce que vos propagandes montrent. Je me dois de rendre justice.
— Vous voulez vous venger pour ce qu'elle vous a fait subir ?
— Me venger ? Jamais ! C'est vrai, elle m'a trahi et abandonné à la torture du défunt seigneur Yadorr. Je comprends que vous pensiez une telle chose. Mais elle doit payer pour les atrocités qu'elle a commises envers mes frères et les vôtres, et pas juste envers moi. C'est nécessaire.
— Très bien, très bien. Votre mission serait justement de la retrouver pour nous permettre de la tirer jusqu'au tribunal de guerre de Korrin — ou Korris dans votre langue. C'est d'ailleurs elle qui a tué le seigneur Yadorr. Elle s'est enfuie dans un aéronef depuis un train en marche.
— Ça ne m'étonne pas d'elle.
— Vous connaissez les difficultés de cet objectif, surtout si vous la trouvez. Vous êtes au fait de ses compétences au combat.
— Ce n'est pas impossible. Je réussirai. Je le dois.
— Oui, vous le devez. Autrement je devrai continuer ce que le seigneur Yadorr a commencé avec vous. Et j'ai de l'imagination dans ce domaine. Croyez-moi.
Dardarel se leva de son siège, imité par l'Archelan.
— Bien ! sourit l'Homme. Maintenant, nous allons vous équiper. Après tout, vous ne devrez pas mourir avant d'avoir trouvé votre proie sur Arkelaïn.
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Larmes Inhumaines [Terminé]
Science FictionRedoutée de tous les peuples, l'Archicolonelle Santhe est la plus grande criminelle de guerre de l'Histoire. En dépit de ses traumatismes, elle doit sauver ce qui reste de son espèce des mains d'une Humanité génocidaire. Alors qu'elle traverse un ch...