Chapitre 9-3

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Le grillage hexagonal d'un camoblindage se transforma au-dessus de leurs têtes en lieu et place du ciel noir. Le vaisseau de descente, presque invisible, fit rugir ses propulseurs au moment où il apparut, puis il se posa lentement dans un nuage de poussière. Un arbre s'effondra sous le souffle des réacteurs. Les soldats, impassibles, regardaient le vaisseau s'ouvrir avec une sorte d'émerveillement, ou peut-être comme des enfants devant un père dont ils voulaient la validation. Santhe n'arrivait pas exactement à lire leurs expressions.

D'autres militaires débarquèrent de l'astronef. Tous paraissaient soignés, disciplinés, impeccables. L'Archicolonelle y reconnut le rêve de tout meneur. Ils s'alignèrent en un couloir puis leur supérieur apparut. Lentement, d'une démarche noble et conquérante, le jeune homme traversa la voie créée par ses guerriers d'élite en les saluant. Son regard était vif, aux yeux verts, avec un sourire immaculé. Le seigneur — car Santhe ne pouvait y voir un parvenu — faisait frémir ses hommes presque religieusement. Ceux-ci l'admiraient, sinon le vénéraient. À sa droite, en retrait, se trouvait un homme bien plus âgé, et plus simple. Il paraissait aigri, usé par le temps comme son front par l'agacement. C'était probablement un membre de la noblesse korrisienne lui aussi, mais il demeurait anecdotique tant son jeune congénère illuminait tous les regards.

Le chef de la patrouille de commandos s'agenouilla devant son lige, tête vers le sol.

— Nous avons accompli notre quête et attrapé la cible, sieur Pelias.

Le jeune homme posa sa main sur le front de son vassal. Celui-ci ferma les yeux et sourit, inondé par le bonheur.

— Vous avez été les plus braves et les plus nobles combattants que j'ai vus. Levez-vous, commandant, et félicitez vos hommes avec ma bénédiction. Pleurez vos frères morts pour accomplir cette mission, car ils ont sauvé des milliards d'âmes en se sacrifiant, puis emmenez leur corps dans le vaisseau afin que nous leur offrions des funérailles dignes d'eux sur Korrin.

Le soldat acquiesça et partit diriger les troupes tandis que Pelias s'arrêtait devant Santhe qui, à genoux, atteignait juste la poitrine du vicomte.

— Ne vous approchez pas tant d'elle, sieur Pelias, intervint le vieux seigneur dans son dos. Vous connaissez sa réputation.

— Bien sûr, monsieur le marquis. Vous avez raison.

Il fit un pas en arrière. Comment un simple vicomte parvenait-il à susciter plus de respect que le marquis ?

Elle le défia du regard, mais il sourit. Des sentiments depuis longtemps refoulés chez Santhe ressortirent. Elle serra des dents et fit son possible pour rester intimidante.

— Je suis enchanté, dit-il avec une révérence qui surprit ses hommes. J'ai rarement l'honneur de rencontrer quelqu'un d'aussi légendaire que vous, Archicolonelle. Personne ne sait séparer l'Histoire du mythe en ce qui vous concerne.

— Je ne puis que saluer votre parfaite maîtrise de ma langue, Humain. Néanmoins, je suis navrée, car je crains ne pas vous connaître.

— Ce n'est pas grave. Je suis jeune et feu mon père, le duc Pelias, m'a légué mon titre il y a moins d'un an. Si mon cher lige ci-présent, le marquis Débène, ne m'avait pas pris sous son aile, jamais je n'aurais eu l'occasion de vous stopper.

L'Archicolonelle se souvint de ce nom — issu d'un ancien langage perdu — qui la ramena au milieu de la seconde bataille spatiale de Lorus. Elle reconnut sous les traits du marquis l'amiral Débène, visiblement anobli et vieilli entre-temps. Elle le fusilla du regard à son tour, ce qui le poussa à hocher la tête et à s'exclamer :

— Ne tardez pas à l'enfermer dans la prison du vaisseau, ainsi que ses compagnons, cher vicomte. Ne gaspillez pas vos nobles efforts de stratégie mis en place depuis un an.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant