Chapitre 6-2

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Santhe se releva aussitôt, pistolet dégainé vers l'inconnu. C'était un Archelan de taille moyenne, le regard jaune et chaleureux, la mâchoire légèrement prognathe, les vêtements simples, quoique vieillots, et un grand sourire convivial qui se transforma vite en rictus de terreur. Comment ne l'avait-elle pas entendu arriver ? Il venait de lever les mains en l'air, faisant tomber un panier de fruits.

— Rangez votre pistolet, je vous en prie ! (Il s'agenouilla) Mon nom est Eagar Fanceth, habitant de ce village. Je ne vous veux aucun mal.

Elle détendit son bras, sans pour autant détourner son canon de son cœur.

— Comment êtes-vous arrivé ici ? demanda-t-elle, intriguée.

— Je cueillais des Courbes et des hau'asha lorsque j'ai vu que les buissons bougeaient bizarrement. Quand je me suis approché, je vous ai entendu. C'est à ce moment que je vous ai adressé la parole. Veuillez m'excuser, mais ne tirez pas, s'il vous plaît.

Elle rengaina son arme et laissa ses compagnons se relever. Eagar sembla apaisé.

— Faites-vous partie de cette bande qui fait disparaître des voyageurs dans cette forêt ? demanda Santhe, un peu moins dure.

— Comment ? Nous ? Non ! Bien sûr que non. Ces gens nous terrorisent ! Nous devons leur verser un tribut chaque semaine pour qu'ils nous laissent en paix.

— Vous n'allez donc pas nous faire de mal ?

— Oh, ça non ! Nous sommes heureux de voir des voyageurs arriver chez nous, mais ils sont de plus en plus rares de nos jours.

Santhe se maquilla d'un sourire sans joie.

— Ça se comprend.

— Voudriez-vous venir ? Nous serions vraiment contents d'apprendre à vous connaître.

L'Archicolonelle retint une réplique à ce sujet.

— Cela dépend. Nous passions dans les environs pour nous ravitailler...

— Parfait ! Nous allons vous faire un grand buffet et vous remplir vos sacs et vos ventres !

Puis Eagar se dirigea, enjoué, vers les habitations en les enjoignant de le suivre. L'Archicolonelle se tourna vers ses compagnons. Halekeis souleva les épaules. Kaal, elle, demeurait réticente.

— Je conserve mon arme, lui murmura Santhe. Nous allons les laisser faire, mais je reste moi aussi sceptique. Halekeis, gardez Lente Vindicte à votre portée.

Eagar les conduisit au centre du village. Une trentaine d'Archelans vivaient là, tous étonnés et heureux de voir arriver des étrangers. Leurs corps paraissaient maigres, malades. L'Archicolonelle eut presque des remords à leur demander des vivres. Presque.

Tous les emmenèrent à leur unique auberge, joyeux.

— Bienvenue à Anil, sourit Eagar en tendant les mains, notre village ! Je vais vous réclamer une seule chose, c'est de me donner tous vos appareils électroniques.

— Pourquoi ? s'exclama Kaal, sur la défensive.

— Car, comme vous l'avez deviné tout à l'heure, nous restons cachés de la Hiérarchie, et depuis peu des Hommes. Nous ne désirons pas intervenir dans cette guerre. Si ceux-ci détectent vos appareils...

— C'est pas possible, insista l'enfant. Vous n'y connaissez rien...

— Kaal...

Santhe fronça les yeux et tendit son ligebrace à Eagar, mais la méchaniste hésitait toujours.

— Ne vous inquiétez pas, fit l'Archelan, tout vous sera rendu en temps et en heure. Je les mettrai en notre lieu le plus sûr.

— Mais je ne pourrais pas...

— Peu importe, vous êtes en sécurité ici. Personne ne vous a suivi ?

Halekeis explosa de surprise. Ils avaient complètement oublié Renze. Mais l'Archicolonelle brisa ses doutes :

— Nous avons pris garde aux ennemis et guetté les vaisseaux korrisiens. J'ai moi-même effacé nos pistes, bien que certains ici auraient dû m'aider.

Elle se tourna vers l'aristocrate, qui fit de son mieux pour détourner le regard.

— Êtes-vous vraiment sûre de ce que vous dites ? continua Eagar, inquiet. Cela fait longtemps que nous ficelons notre disparition.

— Je le suis, affirma Santhe, déterminée. Seul un vaisseau-espion de l'ennemi nous aurait détectés.

Kaal rit quand Eagar manqua de tomber sous le poids de son sac. Il le donna très vite à quelqu'un de plus costaud, avec les ligebraces.

— Bien, sourit le cueilleur. Suivez-moi. Nous allons fêter votre arrivée.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant