Chapitre 10-2

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Le vicomte Pelias apparut au centre du KOR Lorel II sous forme d'image holographique, plusieurs milliers de kilomètres plus loin, tout comme sur les billions d'appareils du royaume korrisien. Renze se retourna enfin pour voir la réalité en face et tressaillit en comprenant que c'était l'Archicolonelle qui détenait prisonnier Pelias, et non l'inverse. Lasber, lui, cracha sur le côté en découvrant l'Archelanne. Dardarel fit la moue et Tsy'kar leva un sourcil.

Le vicomte s'apprêta à parler fièrement :

« Je...

— Bonjour peuples humains, coupa l'Archicolonelle dans la langue korrinienne, sujets du Roi Meruel le troisième. Je ne pense pas avoir à me présenter, car vous avez probablement tous déjà vu une de mes images dans vos films de propagande, holothéâtres mensongers et bulletins d'information manipulateurs. Voici votre cher vicomte Pelias. Il est mon otage. »

Renze se tourna aussitôt vers le grand-duc avec une lueur d'espoir dans les yeux.

— Comment ce fait...

— La garce ! fustigea Dardarel. Elle était...

— C'est une nouvelle ruse, grand-duc ! Elle va demander des concessions en échange de la vie du vicomte !

— C'est impossible, pauvre idiot Archelan ! Il n'a pas pu...

— La salope... lâcha Lasber.

« ... je suis navré si j'ai interrompu une séance de votre émission favorite, de votre jeu historique sur les guerres baarites ou de votre chemin vers votre mine de chlorite. Je souhaite annoncer quelque chose à tous, qu'ils soient de Korrin, d'Elbasan, de Lorün, ou encore de Jarlen. Le vicomte a tenté de m'attaquer, lui et ses fidèles soldats. Il a échoué. »

— Elle veut briser l'espoir des hommes, décela Tsy'kar sans être écouté.

— Mon seigneur et grand-duc, supplia l'Archelan, ne pouvez-vous pas couper son canal seigneurial ?

Dardarel ne répondit pas. Il fixa Renze avec désarroi dans une cacophonie des voix de Santhe qui émanaient de tous les appareils du vaisseau.

« ... Je sais que vous l'aimez, peuples écrasés. Je sais ce qu'il représente pour vous. Il est jeune, intelligent, ambitieux... Il symbolise à merveille la gloire passée de Korrin et est un espoir pour son futur. Il est unique. C'est le dernier. »

Elle le gifla gratuitement. La caméra trembla, mais l'Archicolonelle fusilla du regard son porteur anonyme.

« ... La vieille noblesse qui vous dirige n'a rien des anciens héros de votre Histoire, continua Santhe. Ils ne sont rien face à ceux qu'étaient Revr le bienheureux, Cocorui le second ou Dedquon le conquérant planétaire. Mais ce vicomte, lui, transpire ces temps glorieux et est la clé de la renaissance korrinienne... »

Elle s'arrêta de tourner autour du jeune homme et fixa la caméra en serrant avec fermeté son épaule frêle. Un sourire horrible traversa les deux parts de son visage. Elle se forçait, du moins en partie. Renze le sentait. Pelias semblait très surpris et la peur s'immisçait de plus en plus dans ses yeux.

C'est alors que Santhe prit dans sa main ce qui rappelait à un jerrican.

— Merde ! s'exclama le vieil ingénieur. C'est des hydrocarbures de lance-flamme !

— Faites quelque chose ! hurla Renze en direction de Dardarel. Envoyez le destroyer à sa poursuite ! Une flotte ! N'importe quoi !

Le grand-duc perdait sa maîtrise. Il ne ressemblait à plus rien de celui qu'avait connu l'Archelan.

— Je ne peux pas, sale vermine ! Toutes les communications sont paralysées ! Il n'y a qu'elle sur tous les réseaux !

L'Archicolonelle commença à verser le liquide sur le vicomte à genoux. Il essayait de la supplier, mais bafouillait, noyé sous les hydrocarbures qui entraient dans sa bouche agitée. La caméra tremblait encore. Santhe dégaina son arme pour braquer le porteur puis vers une autre personne hors champ, avant de pointer à nouveau le caméraman.

« Continue de filmer ! » ordonna-t-elle en archelaüsien, avec la voix la plus noire que son ancien acolyte ait entendue d'elle.

Santhe vida le réservoir sur un jeune homme qui appelait sa mère, puis elle jeta l'objet plus loin, sans regarder. Elle logea une nouvelle munition dans son pistolet cramoisi et tira dans la jambe du pauvre enfant.

C'était une balle incendiaire.

La lumière de la salle de communication du vaisseau tourna au jaune puis à l'orange. Renze se couvrit les yeux plus pour éviter des visions d'horreur que pour se les protéger de la soudaine clarté. Les hurlements atroces du vicomte s'échouaient sur les parois pendant quelques secondes, avant de s'éteindre dans un brasier ardent. Les autres cris continuèrent. C'était Halekeis et Kaal qui soit pleuraient, soit fustigeaient l'Archicolonelle.

C'est à ce moment que Renze se força à regarder. Santhe s'approchait de l'objectif et s'en saisit. Très vite, seul son visage devint visible à l'exception de quelques flammes dans son dos. La caméra tremblait toujours, mais le limier comprit que Santhe était cette fois la cause du problème.

La folie germait dans ces yeux froids. Renze savait que très bientôt elle se briserait. Combien de temps restait-il ? Une semaine ? Un jour ? Une heure ? Peut-être pourrait-il exploiter cela à l'avenir.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant