Chapitre 5-2

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Les deux Archelans quittèrent l'obscurité du sous-sol pour s'approcher du véhicule et de sa pilote. Éblouie, l'Archicolonelle s'abrita les yeux avec sa main. Elle reconnut le lieu grâce au paysage.

Ils dominaient une haute colline faiblement boisée. Dans le ciel bleuâtre du petit matin, tout autour d'eux, des archipels d'îles volantes flottaient. De gigantesques lianes et lierres reliaient certains îlots rocheux dont la plupart arboraient une végétation dense et tombante. En dessous, sur le « sol » d'Archelaus, des mers d'arbres immenses couvraient l'est. Çà et là, du relief semblait surgir sous la forme de montagnes et d'arches de pierre. Le sud, plus évidé, se déchirait d'une crevasse colossale où les fleuves Yashì et Arhúsh venaient s'enfoncer pour disparaître dans les profondeurs de la planète. Le sud-ouest s'illuminait du reflet du soleil Orumae grâce aux plaines de fleurs argentées qui côtoyaient les forêts roses du Jìchath. Santhe reconnaissait la région du Paùsì.

Halekeis demeurait ébahi devant cette vue, mais Kaal brisa leur ravissement par un nouveau juron, craché depuis le cab. L'Archicolonelle la cherchait des yeux.

— Que faisais-tu durant tout ce temps ? l'appela-t-elle en criant pour compenser le bruit du vent qui venait de se lever. Halekeis pensait que tu avais déserté.

L'enfant rampa hors du cab pour se redresser face à Santhe.

— Lui ? Penser ça de moi ? Tafiolle qu'il est ça m'étonne pas. Là j'essayais de trouver un moyen de bouger ce tas de ferraille, mais ça sert à rien.

— Pourrait-il voler loin ?

— Il fera pas cent mètres.

— Tu as des nouvelles de la guerre ?

L'adolescente perdit son sourire.

— Le Hiérarque a fui dans la forteresse de Hiyathàr. Les armées archelannes ont été massacrées et les derniers survivants sont traqués. Zinth est un tas de caillasses et les habitants qui ont eus la chance d'éviter les offensives du duc Lugderian se sont fait emmener dans les camps ou sur Lorus.

— Comment l'as-tu apprise ?

— J'ai bricolé les communications du cab et forcé les bandes hyperondes des korrisiens, comme aux Pétales d'ébène. Ça, c'est quelque chose que pourrait pas faire l'aristocrate, hein ?

— Pardon ? lâcha ce dernier en faisant la moue.

— Du calme, reprit Santhe. Tu dis que la population de Zinth a été déportée dans les camps. Sais-tu où ?

Elle se tâta le menton.

— Je me souviens plus. Les chiffres, ça va, mais les noms... En plus, les korrisiens, on pige pas un mot de leur putain d'accent. Un truc comme Zhaur, ou Jhael. Je crois qu'ils parlaient de Zhaìl, la ville.

— Zhaìl?

— Oui, c'est ça.

L'Archicolonelle s'assit sur le capot du cab pour réfléchir un instant.

— Nous avons ici une solution à notre mission. Zhaìl se trouve à près de... (elle consulta son ligebrace) cinquante kilomètres. Nous allons libérer nos congénères et nous enfuir avec les vaisseaux négriers vers des régions cachées.

— Là, ainsi ? intervint Halekeis. Nous ne savons pas si nous pouvons attaquer un camp ! Encore moins délivrer nos...

— T'as peur, c'est ça ? raillait Kaal.

— Silence, roturière !

Santhe tenta de les séparer, en vain. Elle hurla à pleins poumons et les poussa chacun d'un côté. Ceux-ci, encore ahuris par son ton, ne résistèrent pas.

C'est alors qu'une autre voix, masculine, éloquente, travaillée, mais profonde et tonnante, s'éleva d'entre les arbres à proximité :

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant