Chapitre 7-6

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Les bottes de Santhe martelaient la terre battue. Suivie de Halekeis, elle se dirigeait vers l'est du village, son pistolet et son épée dégainés. D'un rapide coup d'œil, elle surveilla leurs arrières. Renze et Tsy'kar ne les talonnaient plus après l'incendie que Halekeis avait provoqué sur le lieu de l'embuscade. Elle se tourna vers celui-ci.

— Gardez votre Lente Vindicte en main. Nous ne connaissons pas ce Lasber.

Ils devaient se dépêcher. Si Kaal avait effectivement envoyé le message au comte Luskier, ce dernier se lançait déjà probablement dans leur direction. Peut-être possédaient-ils encore cinq minutes, sûrement moins.

Des pas sombrèrent dans les échos de leur propre course. Par réflexe, l'Archicolonelle saisit l'aristocrate et le tira avec elle dans un carrefour. Une bouffée de plasma vitrifia la zone où ils se trouvaient un instant plus tôt. Elle ne vit pas Renze, car ses yeux perdaient de leur netteté, mais elle reconnut sa démarche caractéristique. Un géant l'accompagnait. Elle jura.

Ils parvinrent enfin à l'est du village, suivis de près. La grande forme rouge de l'Itharis, tout d'archalène, apparaissait derrière la silhouette aux larges épaules d'un vieil homme. Quelque chose de difforme le dominait... Non, il portait Kaal. Santhe plissa durement ses paupières afin d'améliorer sa vue et pointa son pistolet vers Lasber, raffermissant les muscles de son avant-bras pour ne plus trembler.

— Lâchez-la, Lasber.

Surpris, le méchaniste leva aussitôt les mains en l'air, Kaal glissa sur lui et tomba au sol en jurant. La petite se redressa, saisit son sac et courut dans le dos de l'Archicolonelle tandis que celle-ci menaçait toujours l'ancien nomade. Derrière, Santhe entendit Renze l'imiter, un revolver plasmique pointé sur sa nuque.

— Et toi lâche cette arme, Santhe.

Halekeis se retourna, paniqué, pour tendre sa lame en direction du limier et du Vaal. Santhe gardait son sang-froid.

— Ce n'est pas le moment, Renze. Il nous reste peu de temps devant nous.

— N'allonge pas la sauce. Jette ton arme... au sol. Jette-la au sol et pas sur nous, puis ton épée aussi. Ordonne à Halekeis de faire de même.

Tout ce qu'il obtint fut le regard noir de l'aristocrate. L'Archicolonelle sourit en imaginant Halekeis obéir si facilement. Elle dégaina sa propre lame de sa main gauche pour menacer Renze, les bras en « T ».

— Tu me fais perdre un temps trop précieux. Nous devons emmener les villageois hors d'ici.

— Je sais. Tu les as cachés pour ne pas que je les trouve. C'est futile et juvénile ! C'est moi qui vais les sauver de ta poigne tyrannique.

— Ça va pas être facile, intervint Kaal.

— Oui. Et ça, c'est à cause d'elle. Il nous faudra du temps pour leur faire comprendre, mais quand je leur raconterai qui les a trompés, ils me suivront sans hésiter.

— Tu es si naïf, lâcha Santhe. Et idiot. Pars d'ici ou meurs.

Tandis qu'elle ne le regardait pas, Lasber tenta de poser un pas en arrière. Elle releva son pistolet en se tournant vers lui.

— Tu sais bien que tu n'es pas en position de force, continua Renze.

Santhe serra les dents, frustrée. Elle ne pouvait plus l'intimider. Elle rangea ses armes, trop endolorie par son corps et son esprit torturés. Halekeis, certes étonné, retenait sa lame pointée vers le géant.

— S'il te plaît, Renze, demanda-t-elle avec impatience, laisse-moi prendre les habitants avec moi. Suis-nous si tu veux vraiment ma peau, mais ne me ralentis pas ici !

Il ne la quittait pas des yeux. Ferme comme de l'acier, il braquait toujours son arme korrisienne sur son ancienne supérieure.

— Ne joue pas à ça avec moi.

Les poils de l'Archicolonelle se dressèrent tandis qu'elle remarqua — entre les cris atroces du fond de son crâne — un terrible vrombissement. Tous virent les formes dorées qui apparaissaient loin sur l'horizon topaze du soir. Les vaisseaux du comte approchaient.

— C'est la raison de ma hâte, avoua Santhe. Luskier arrive. Il va scorifier le village et, à cause de toi, je ne pourrai pas sauver tout le monde !

— Qu'avez-vous fait ? s'exclama Halekeis, en rage.

— Bordel ! lâcha l'enfant. C'était ça le message qui a failli me tuer ?

Renze demeura de longues secondes bouche bée, visiblement égaré, puis soudain se tourna vers Tsy'kar, puis Lasber.

— Venez, nous devons en sauver un maximum.

L'homme secoua la tête.

— Nous avons trop perdu de temps. Si nous partons à l'instant, nous éviterons peut-être le bombardement.

— Non ! C'est impossible.

Il se lança, prêt à courir, mais Tsy'kar le retint.

— Il a raison, Renze. Nous ne pouvons plus les sauver. Vous trouverez d'autres des vôtres si nous survivons.

Un air de folie passa sur son visage. Santhe avait déjà vu cela chez lui. Le limier frappa le sol du pied, hurla, puis la saisit au col avant même qu'elle ne pût le dévier.

— Je te maudis, Santhe ! Tu resteras pour périr avec ceux que tu as toi-même condamnés !

Il s'enfuit, encore rouge, avec Tsy'kar et Lasber qui prenaient leurs jambes à leurs cous. L'Archicolonelle aperçut les larmes au bord de ses yeux.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant