Chapitre 4-3

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Pour un Archelan, il était petit. Ses cheveux d'améthyste tombaient si bas qu'il donnait une attention particulière afin de ne pas les piétiner. Santhe s'attendait presque à voir certains de ces filaments blanchir sous le poids de l'âge du Hiérarque, mais la condition archelanne les en empêchait. Le crépuscule des jours ne s'abattait jamais sur les Archelans. Uniquement de brutales et définitives éclipses comme le meurtre, les accidents ou la maladie. Mais ce vieil imbécile n'en avait connu aucune, non sans tentatives.

Sous l'appel de Deòs il se tourna pour toiser l'Archicolonelle avec un regard aussi mauve que vaniteux. Ses lèvres effilées lui sourirent.

— Santhe ! Quelle... intéressante surprise !

Elle le salua d'une révérence calme et maîtrisée qui visiblement étonna Halekeis par sa finesse. Le visage du Hiérarque demeurait impassible. Santhe lui adressa enfin la parole :

— Je dois vous parler de toute urgence. En privé.

— Je ne m'attendais pas à vous voir de sitôt.

— Ne m'avez-vous pas entendue prononcer le mot « urgence » ?

Quelques murmures parcoururent la salle.

— Toujours aussi provocatrice, hein ? Normalement vous auriez dû vous agenouiller et me baiser la main, avant de me demander poliment de vous parler. Mais vous n'êtes pas du genre révérenciel.

— Non.

Il souffla, puis releva ses yeux vides vers elle.

— Venez.

Le dernier dirigeant de la Hiérarchie salua quelques notables, renvoya l'archilieutenant garder les portes de l'hôtel de ville et emmena Santhe et ses compagnons à travers quelques couloirs et escaliers. Les deux prétoriens les suivaient de près, couverts de la tête aux pieds d'une tenue noire qui empêchait de les identifier.

— Si jamais il refuse de nous aider, murmura Halekeis, qu'allons-nous faire ?

Santhe leva les épaules et ironisa :

— Je suppose que nous devrons trouver des colons chez les prisonniers de guerre que détiennent les korrisiens.

Le dernier Hiérarque dispersa ses gardes et invita les trois Archelans à rentrer dans son bureau. Il lança un sourire gentillet à la méchaniste.

— Comment t'appelles-tu, petite ?

— Kaal.

— Et que fais-tu avec l'Archicolonelle ?

— Elle est mon enfant-soldat, intervint celle-ci, froidement.

Le Hiérarque se leva vers la criminelle de guerre.

— Recruter des enfants ? N'est-ce pas cruel ?

— Ce n'est pas vos affaires. De plus, vous m'avez déjà ordonné de faire bien pire.

Il acquiesça, muet, et se tourna vers un bar pour prendre une bouteille au liquide violacé.

— Vous avez raison, Santhe. Il faut bien faire des sacrifices. Désirez-vous de la vipérine ? Je me souviens que vous appréciez le cru de Ksaìth.

— Avec plaisir.

Santhe avait un penchant pour cette boisson. Elle réduisait de façon temporaire les effets de ses psychoses et de ses tremblements. Le Hiérarque lui en offrit un verre et en tendit un autre à Halekeis. L'aristocrate accepta gentiment, mais essuya une quinte de toux après une gorgée de l'alcool fort.

— Alors, Archicolonelle, quelles sont les nouvelles de la guerre ?

— Très mauvaises, vous le savez bien.

— N'étiez-vous pas prisonnière ?

— Je me suis enfuie. Le seigneur Yadorr est mort.

Le Hiérarque but sa vipérine de travers et toussota lui aussi.

— Yadorr ? Eh bien... je vous félicite. C'est un noble de Korris en moins !

L'Archicolonelle termina son verre. Aussitôt, le chef d'État lui offrit la bouteille entière, qu'elle fut forcée d'accepter. Elle la rangea dans son sac. Il ordonna également à des cuisiniers de leur rapporter des plats, car il semblait avoir entendu leurs ventres crier famine.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant