Chapitre 5-1

7 3 0
                                    

« Bien que les Insectes de Verre aient disparu il y a deux mille deux cents cycles, emportant avec eux leurs savoirs immenses, leurs technologies folles et leur culture riche, il est très commun de retrouver leurs restes un peu partout sur feu Garin, Archelaus, ou Elish. » Temps immémoriaux, Anthryth Sabeorth, 162e cycle | 2e ère angonne

Santhe se réveilla en panique après une vive douleur, haletante et transpirante. L'air sombre possédait une moiteur singulière. Elle se trouvait dans une grotte. La lueur d'un feu apparaissait non loin. Celle du jour, matérialisée en un mur presque blanc, brûlait ses pupilles dilatées.

Ce n'était qu'un autre cauchemar.

Elle s'apaisa. Son pouls ralentit. Les muscles de son corps se détendirent, sans pourtant cesser de frémir. Durant un instant, elle fixa son pistolet lourd. La bouche de son canon lui parut confortable pour sa tempe. Un seul geste pour tout arrêter.

Elle chassa cette vieille idée qui tentait encore de revenir à elle. L'Archicolonelle ne pouvait pas mourir. Pas encore. Elle se releva, titubante, et s'habilla en silence, puis s'équipa de son armure d'archalène.

Halekeis, qui entretenait le feu, remarqua l'Archicolonelle réveillée et la salua. Santhe le regarda, incisive.

— Pouvez-vous m'expliquer ce que nous faisons là ?

— C'est à Kaal qu'il faut demander, répondit-il sur un ton péremptoire. Elle a volé un cab et nous a emmenés ici. Vous porter n'a pas été aisé, vous savez ?

Santhe fouilla la grotte du regard.

— Où est-elle ?

Halekeis se releva avec adresse après avoir retourné les braises. Il fit de son mieux pour rester droit face à l'Archelanne.

— Elle est apparemment partie pour prendre des nouvelles de la guerre, mais je crains qu'elle n'ait déserté lorsqu'elle a compris qu'elle n'obtiendrait jamais ce que vous lui promettiez. Tout est fini.

Elle leva un sourcil et garda son silence. Elle se dirigea alors vers le feu de camp pour empoigner les rations qui y cuisaient. Elle s'assit pour dévorer la bouillie de céréales et de lentilles.

— Je ne me remémore plus de rien depuis l'attaque sur Zinth, avoua-t-elle en finissant son repas. Que s'est-il passé ?

— À partir de quand remontent vos souvenirs ?

— Lorsque nous avons sauté par la fenêtre et vu la flotte korrisienne.

Il se joua avec l'une des pointes dorées de ses cheveux, l'air absorbé.

— Disons que nous sommes tombés de haut et vous sembliez mal en point. J'ai d'ailleurs cru entendre vos os craquer. Vous vous êtes écroulée peu avant le bombardement massif de la ville. Puis nous sommes monté dans le cab et enfuis comme on a pu. Kaal a failli nous tuer plusieurs fois.

L'Archicolonelle souffla. Le regard de Halekeis demeurait fixé sur elle.

— Je ne sais même pas si Zinth est encore debout, ajouta-t-il. Ou si elle n'a pas été... vitrifiée.

— C'est fort probable, Halekeis. Raser une ville c'est détruire un symbole. Qui plus est la dernière. Mais expliquez-moi la suite des évènements, je vous en prie.

Il déglutit. Une goutte de transpiration perlait sur son front.

— Nous avons volé... flotté toute la nuit avant que le cab n'ait vidé ses accumulateurs il y a environ trois heures. Kaal s'est plainte, car nous croyions tous les deux que le véhicule fonctionnait avec de l'Oru. Nous nous sommes donc installés dans cette grotte et elle vous a allongé. Elle m'a certifié que vous n'étiez pas décédée. Seulement en... sommeil.

— Je ressens de la déception.

— En un sens, oui. J'aurais préféré user de ma lame sur vous, et non vous laisser mourir d'un accident.

Santhe remarqua la main de l'aristocrate posée sur le pommeau de Lente vindicte depuis qu'il l'avait vue réveillée. Elle leva à nouveau les yeux vers lui.

— Vous avez changé d'avis et désirez me tuer ici même, n'est-ce pas ?

Il resserra sa poigne sur son arme.

— Pourquoi devrais-je m'en abstenir ?

— Car notre mission n'est pas terminée.

— Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? Zinth est probablement détruite. Ses habitants éliminés. Où voulez-vous que nous trouvions assez de personnes pour sauver l'espèce ?

Un juron à faire pâlir le plus vulgaire des bateliers se perdit en échos dans la caverne.

— C'est justement ce que Kaal va nous dire, sourit Santhe en se dirigeant vers l'extérieur de la grotte.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant