Chapitre 8-5

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Elle se réveilla en sueur. Les ténèbres semblaient faire de même. Ils se dissipaient pour laisser place à un vide plus habituel. Elle jura tout haut. Comment pouvait-elle interpréter cela ? Son esprit usé commençait à lui jouer des tours.

— Lasber ! hurla Kaal. Reviens !

Santhe se releva en chancelant et la redressa, puis la gifla gentiment. De son côté, Halekeis se réveillait avec le même regard fou.

— Vous aussi ? s'enquit-elle en inhibant ses propres émotions.

Il hocha la tête avec une haine non dissimulée

— J'ai revu ce jour maudit. Tsy'kar se tenait là. Puis les évènements se sont mêlés à la destruction de Rin et d'Anil, et le Vaal avait laissé place à l'Archicolonelle.

— Elle ? releva Santhe.

L'aristocrate n'ajouta rien. L'Archicolonelle reposa Kaal et lui sécha les larmes avec un geste qu'elle voulut doux.

— Et toi ? Qu'as-tu vu ?

Après avoir reniflé, l'ingénieure se ressaisit.

— Lasber. J'étais avec lui. On travaillait ensemble. Et là, les salopards d'Humains sont arrivés... Je veux dire, les autres... Enfin, lui aussi c'était un Humain, mais... ah merde !

Sous la force d'une bouffée d'empathie, Halekeis la serra dans ses bras.

— Ce n'est plus important, lança Santhe.

Quatre yeux brûlants la fixèrent. Elle resta indifférente.

— Et vous ? demanda Halekeis avec mépris. Quel fut votre rêve ?

Elle ne lui accorda pas son regard. Toutefois, elle s'efforça de répondre :

— Je n'ai imaginé aucun futur amer ni tendre passé. Seule une somme d'actes sous la forme d'agrégats de mon être. Oui, c'est cela. Je me suis vue.

— Comment était-ce ? s'enquit l'aristocrate avec une moue agressive. Je veux dire... Vous voir vous-même ?

Elle lui sourit.

— Familier.

Un sursaut d'appréhension lui vint soudain. Elle alluma son ligebrace : il était dix-sept heures. Elle jura.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Kaal.

— On a dormi bien plus que deux heures, annonça-t-elle en se tenant le front. Nous devons partir. Vos affaires sont prêtes ?

Ils acquiescèrent, séchèrent leurs larmes et la suivirent dans le hall à présent moins sombre. Aussi effrayant soit-il, leur profond sommeil leur avait donné une force qui inondait leurs membres. Ils réussissaient à s'engager dans la voie sans difficulté aucune. Ils avaient vaincu ce voile sans nom. Peut-être parviendraient-ils même bientôt à sortir de ces ruines lugubres. Une forme d'espoir emplit Santhe — ou plutôt ce qui s'en rapprochait le plus. Cependant, la réalité la rattrapa.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant