Chapitre 6-3

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On les attabla dans une auberge chaleureuse. Des bougies illuminaient la seule pièce du rez-de-chaussée, faite de plâtre remodelé et de carrelages taillés de façon hasardeuse.

— C'est... authentique, tenta de complimenter Halekeis.

— Je sais, je sais, ce n'est pas un palais. Nous avons beaucoup de mal à reprendre un train de vie préindustriel.

— Préindustriel ? s'exclama Kaal. Bordel ! Pourquoi ?

Le cueilleur s'arrêta un instant, surprit, sur la méchaniste. Santhe comprit que la vulgarité leur était étrangère.

— Veuillez pardonner ma camarade, elle n'est pas habituée aux échanges normaux entre personnes.

— Aucun de problème. Cela apporte de la couleur à notre vie bien plate. Une grande militaire, un noble aristocrate et une... franche méchaniste. Pouvez-vous me donner vos patronymes ?

— Santhe. Je suis Santhe. Tout court.

— Vous n'avez qu'un nom ? C'est très rare.

— Non, mais j'ai rarement besoin de les préciser.

— Très bien. Je ne vous forcerai pas. Et vous ?

Kaal caressait son poignet dénudé. Elle se redressa lorsqu'elle comprit qu'il lui adressait la parole. Santhe la présenta, puis fit de même avec Halekeis. Le cueilleur sembla surpris en entendant ses noms.

— Vous êtes de la lignée des Vázhari et des Rhos ? C'est de l'or qui coule dans vos veines !

— Cela je le sais, merci.

— Selon nos anciens, ces deux familles appartenaient à l'opposition lors des guerres civiles. Ne sont-elles pas maintenant à la tête de la Hiérarchie ?

— Elles le furent. Je suis le dernier représentant. Un assassin a anéanti les miens.

— Toutes mes excuses.

— Pourquoi avoir tout abandonné ? intervint Kaal, surexcitée. À votre époque, ou celle des vieux, les premiers ordinateurs existaient déjà. Et la médecine aussi, et l'électricité...

— Je ne suis pas sûr de pouvoir vous le dire pour l'instant. Les anciens du village ne sont pas encore là. Je ne sais pas si je peux vous faire confiance...

Santhe se pencha vers lui.

— Comment gagner votre confiance ?

— Parlez-moi de votre chemin. Où allez-vous et pour quelle raison ?

Halekeis et Kaal se tournèrent vers l'Archicolonelle, incertain de la méthode à suivre.

— Nous sommes en route pour sauver l'espèce archelanne, laissa-t-elle tomber comme une hache trop lourde. Nous partons vers les camps de concentration korrisiens à l'est pour libérer nos frères et nos sœurs et refonder notre civilisation dans les zones difficiles de la planète.

Eagar ne répondit pas. Il fixait derrière lui, dans l'encadrement de la porte.

Santhe se tourna aussi pour voir les trois Archelans qui venaient de les rejoindre. L'âge ne transparaissait pas sur leurs visages ; seulement dans leurs yeux, ruines d'innocence barrées des cicatrices que le temps grave chez les vieillards. Leur regard s'approchait du sien, avec cependant moins de Mort et de sang.

— Je suis Peá, se présenta celui au centre, le plus petit des trois. Voici Reùj et Keelp. Nous avons tout entendu de votre discussion. Dites-vous vrai ? Notre espèce est-elle donc sur le déclin ?

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant