Larmes Inhumaines [Terminé]

Chapitre 4-4

— Quel était l'objet de votre visite ?

— J'avais des projets, avant, mais j'ai compris que je courais après le vent. Je vais maintenant refonder notre civilisation à l'abri des regards de Korris.

— Mais vous aviez des consignes. D'autres missions plus réalistes.

— Ces frivolités ? Je ne peux pas me permettre de laisser notre espèce disparaître pour ces bêtises, Hiérarque.

— Vous êtes une soldate, Archicolonelle, pas une héroïne. Vous devez suivre les ordres.

Elle plaça ses mains dominatrices sur son bureau.

— Même s'ils nous mènent à notre perte ? Hiérarque, je dois accomplir cette mission. J'ai besoin de colons, de combattants et de matériel.

— Le tout servi sur un plateau d'argent ? Nous n'en avons pas les moyens. La guerre mobilise tout et tous. Nous ne pouvons pas jeter tant de ressources par les fenêtres !

Santhe arbora un sourire sans joie.

— Et cette réception, en bas, n'était-ce pas des ressources jetées par les fenêtres ?

— Ça ? Non. Je m'arrange avec les notables, propose des affaires, engage des contrats de guerre. Je renforce le noyau du pouvoir autour de la ville. C'est l'unité qui nous fera résister. Votre projet nous dissociera.

— Vous-même avez dit qu'il faut savoir faire des sacrifices. Qu'est-ce que quelques gros lards et imbéciles qui ne s'engraissent pas pendant une soirée par rapport à des millions de vies épargnées ? Par rapport à la survie de l'espèce ?

Le Hiérarque, lui, frappa sur son bureau.

— Vous souhaitez régner en dictatrice sur les cendres de notre peuple ?

— Je veux sauver les Archelans !

Le vieux dirigeant lâcha un rire nerveux.

— Vous ? Nous sauver ? Vous vous prenez pour qui ? Vous pensez réellement pouvoir vous racheter un jour pour toutes les horreurs que vous avez commises ? Je ne suis pas aussi idiot que mes défunts co-Hiérarques. Je sais que vous êtes une criminelle de guerre et que vous le resterez.

— Donnez-nous une poignée d'Archelans. Des prisonniers, des clochards, n'importe qui !

— Tous sont mobilisés.

— Permettez-moi au moins de prendre avec moi tous ces gens dans les bidonvilles ! Vous les empêchez de rentrer dans Zinth.

Le Hiérarque s'arrêta un instant. Il marcha en direction de la fenêtre et observa les abords des quartiers.

— Toute cette main-d'œuvre n'attend que d'être utilisée, affirma-t-il. L'administration de Zinth ne peut pas digérer une telle arrivée.

— Combien sont-ils ?

— Près de cinquante-mille. La cité contient autant d'habitants.

— Ne pouvez-vous pas nous fournir quelques milliers d'entre eux ? Vous serez soulagés.

— Je ne pense pas, Archicolonelle. Nous pourrions les utiliser pour former une milice.

— Pour quoi faire ? Préserver la ville des Humains ? S'ils décident d'un jour à l'autre d'attaquer Zinth, ils la balayeront aussitôt. Se défendre est futile. J'ai même vu les batteries orbitales : elles sont en plein entretien.

— Je ne suis pas d'accord avec vous. Ce matin, j'ai reçu le rapport du colonel Izhar. Il viendra comme prévu. Demain, nous aurons ses divisions au service de la ville. Et vous connaissez sa renommée au combat.

Santhe se força à ne pas lever le sourcil. Izhar avait, il y a longtemps, été l'un de ses supérieurs. C'était un grand meneur de troupes, un fin tacticien et un guerrier hors pair, mais elle avait entendu, une semaine avant qu'elle ne se fasse capturer, qu'il avait été trahi et tué par un proche.

Elle ne souleva pas l'incohérence, bien que cela pouvait constituer une conspiration ennemie, car elle voulait garder l'argument à son avantage :

— Si vous avez déjà les divisions de vétérans d'Izhar, une milice désarmée de civils en colère vous sera inutile. Alors, puis-je recruter deux-mille Archelans et Archelannes du bidonville ?

— Nous allons voir. Je ne peux pas prendre une telle décision seul. Mes ministres arrivent. Je les ai appelés il y a exactement seize minutes (il quitta les yeux de son ligebrace démilitarisé). Nous devrions bientôt les accueillir.