Chapitre 11-4

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Les jambes de Santhe cédèrent sous son poids. Elle s'effondra à genoux dans les cendres de ses congénères. Renze, lui, pleurait.

— Ce que tu as infligé au vicomte a poussé les autres korrisiens à vider les camps d'Archelaus. Ils ont massacré les nôtres, comme dans une usine. Un par un, enfants, blessés, affamés, enceintes, handicapés, ils les ont tous tués puis brûlés pour qu'il ne reste plus rien du peuple de la terrible Archicolonelle Santhe. Ils ont lancé leur dernière pique, ne pouvant plus rien faire sur Archelaus à cause des monstres que tu as libérés.

Elle arracha des poignées de cendres encore tièdes. Son cœur lâchait. Elle perdit le sens du toucher et du goût. Son odorat, bercé d'un parfum âcre, disparu lui aussi peu après.

— Tu as voulu ça, Santhe. Je sais pourquoi tu t'en es pris à Pelias. Il t'est apparu comme le dernier korrisien digne et tu l'as tué devant tous les Humains pour te venger des agissements de Korris. Ce n'est pas juste pour secouer le royaume que tu as perpétré cela. Tu ne peux pas me le cacher.

Prostrée, elle essayait de se relever, mais tombait de façon pathétique en boucle. Sa voix tenta d'articuler des mots inaudibles, puis des phrases sans sens.

— C'est de ta faute, reprit Renze. Ta seule faute. J'ai vu que tes compagnons se sont rebellés quand tu as commis cela. Et ce n'est pas la première fois qu'ils doutent de tes ordres, n'est-ce pas ?

Il se tourna vers Halekeis et Kaal, qui le regardaient avec colère.

— Exactement, continua le limier. Voilà ce que tu leur as imposé. À eux comme à moi, comme aux milliers des nôtres sous tes pieds ! Tu as voulu les libérer du joug korrisien ? C'est de la vie que tu les as affranchis, Santhe ! Sans toi, nous aurions encore pu les sauver, tous ! J'avais des accords pour garder les nôtres !

Les hurlements de Renze se perdaient dans des échos lointains. Du sang coula des yeux et des oreilles de l'Archicolonelle, puis de son nez et de sa bouche. Elle tenta de se redresser, mais tomba en arrière, puis elle rampa, se plaça sur ses genoux et se releva, vacillante.

— Tu étais déjà une honte pour tout notre peuple, mère, mais cette fois tu t'es dépassée.

Elle le dévisagea avec dédain quand il la nomma ainsi. Halekeis, Lasber, Kaal et Tsy'kar fixaient Renze, ahuris.

— Vous n'aviez pas compris ? Elle vous a toujours caché ses patronymes ? Elle est ma mère. L'Archicolonelle s'appelle Santhe Faśae Daine Rhogòth, presque comme moi, sans son prénom principal. Je l'ai retiré par dégoût de ce qu'elle est devenue et n'ai gardé que celui de mon père, Háyar.

Il se dressa face à elle, haut.

— Ton nom s'évanouira dans la haine, quand les derniers Humains s'entre-tueront. D'ici moins d'un siècle, de ta faute, plus aucun être intelligent ne vivra dans l'univers connu. L'Histoire se noiera dans l'immensité du temps.

Santhe chancela de nouveau. Des hurlements résonnaient en elle. Elle y répondait par le silence.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant