Chapitre 6-5

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Un bruit sourd secoua le sous-sol. L'Archicolonelle ouvrit aussitôt les yeux. Un deuxième choc les ébranla. De la poussière tombait sur son visage.

— C'est quoi, cette fois ? explosa Eagar, plein de rage.

— Je vous avais prévenu, affirma-t-elle, calme.

— Des humains ?

— Ils y sont probablement pour quelque chose.

Un nouveau tremblement survint, cette fois beaucoup plus proche. Santhe se tourna vers ses compagnons, toujours pas réveillés.

Eagar courait aux quatre coins de la pièce, paniqué. Il se dirigea vers une table sur laquelle se trouvait leur matériel, mais aussi ceux d'autres avant eux. Il prit le pistolet de Santhe en frémissant, mais le lâcha aussitôt, surpris de son poids. Il le resaisit maladroitement et rampa vers l'escalier qui menait à l'extérieur.

— Où allez-vous, triple idiot ? Pensez-vous réellement pouvoir sauver les vôtres sans même savoir comment vous servir de cette arme ? Vous allez mourir sans rien accomplir.

Une série d'explosions les secouèrent de nouveau. Eagar s'abandonnait à la peur et à l'incertitude. Il courut en bas des marches et chut. Les quelques babioles et armes qu'il avait prises se répandirent au sol.

— Détachez-moi, Eagar Fanceth. Je vous aiderai.

Il la fixa dans les yeux, incapable de choisir.

— Si nous mourons ici, continua-t-elle, les Archelans disparaîtront. Les vôtres sont probablement le dernier rempart face à l'extinction.

Elle vit quelque chose s'altérer dans le regard du cueilleur. De la détermination ? Une illumination ? Elle ne savait pas, mais il se dirigea vers elle et la détacha.

L'Archicolonelle se massa les poignets, puis retira les liens de ses compagnons, qui tombèrent au sol en grognant.

— Avez-vous un antidote ? demanda-t-elle sans se retourner.

— Euh... oui... Ici, tenez...

Il lui tendit une petite fiole avec un liquide bleuâtre qu'elle reconnut comme de l'essence d'Ushì, une solution amère qui contrait les effets de certains poisons. Elle la fit boire à Kaal et Halekeis, puis en absorba une gorgée par prudence. Plusieurs secousses les surprirent à nouveau. La tactique de leurs ennemis n'était pas bonne. Pas pour les tuer.

— Vous allez les repousser ? demanda Eagar entre quelques spasmes de terreur ou de folie. Ou nous conduire en sûreté ?

Santhe ne lui répondit pas. Elle se pencha vers ses compagnons lorsqu'ils commençaient à émerger de leur sommeil sans rêves, puis elle se dirigea vers la table et s'équipa. Son regard se porta sur un grand fusil de sniper laissé là. Il apparaissait comme moderne, plus que d'habitude. Elle l'attrapa et prit les munitions adaptées. Elle engaina son épée au métal maintenant régénérée et ramassa son pistolet au sol pour le ranger. Puis elle jeta Lente Vindicte à côté de Halekeis et donna à Kaal son ligebrace. Lorsqu'elle serra le sien à son poignet, elle posa son autre main sur l'épaule du cueilleur d'âmes. Celui-ci tressaillit légèrement au contact de la plus infâme personnalité de son époque.

— Vous êtes quelqu'un de bien, Eagar. Vous cherchez à protéger ceux qui vous sont chers, sans qu'eux ne vous apprécient. Cela demande beaucoup de courage et de maîtrise. Vous feriez un bon compagnon d'armes...

Il vit l'Archicolonelle sourire. Elle savait ce qu'il pensait à cet instant. Il ressentait quelque chose d'étrange à la découvrir, elle, cet être si mauvais, afficher un visage aussi doux.

Elle serra sa poigne sur sa clavicule.

— ... mais vous êtes un risque que je ne peux prendre en ces temps difficiles.

Ses doigts saisirent le bas de son cou tandis qu'elle attrapait sa tête avec l'autre main, lâchant son sniper. Le cueilleur hurlait au supplice. D'un geste expérimenté et bref, l'Archicolonelle lui brisa la nuque. Elle laissa ensuite le corps sans vie tomber à côté de ses compagnons qui se relevaient, chancelants.

— Dépêchez-vous, ordonna-t-elle avec un ton grave en ramassant le long fusil. Nos chances de réussite s'effilent de seconde en seconde.

— Bordel, que s'est-il passé ? demanda la méchaniste tandis qu'elle saisissait son ligebrace à côté du cadavre d'Eagar.

— J'ai empêché la corde de se rompre définitivement. Maintenant, venez !

Elle se dirigea à pas rapide vers l'escalier, suivie de ses compagnons. L'Archicolonelle défonça la trappe d'acier qui les séparait de l'extérieur. La lumière d'Orumae lui roussit les rétines. Elle serra les dents sous la douleur et continua au-dehors.


Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant