Chapitre 11-1

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« ... Tendre sœur, douce fleur de ténèbres, mène-nous vers la puissance de l'inconnu, de l'ignorance... » Recueil des noires pensées, Anonyme | Époque inconnue

Le monde paraissait brumeux et brûlait. Santhe voulait donner l'impression qu'elle menait ses compagnons vers leur périlleuse mission, pourtant c'était Kaal qui dirigeait la marche, les yeux encore rouges et humides. Halekeis restait en retrait. Quand l'Archicolonelle se tourna vers lui, elle vit qu'il portait toujours sa main sur son pommeau. L'on remarquait néanmoins de plus en plus de tension dans ses traits.

Ils formaient un groupe de trois Archelans pour libérer un camp de travail tout entier. Que feraient-ils si des akarins gardaient la zone ? Ou un astronef ? Cela troublait plus encore les pensées de Santhe.

Quand elle manqua de tomber à cause d'une racine de pin turquoise, Kaal et Halekeis commencèrent à s'inquiéter sérieusement — du moins était-ce une impression, voire une envie refoulée de Santhe, car elle ne parvenait plus à se concentrer sur leurs visages. Elle entendait des cris, des hurlements et des plaintes, pourtant, lorsqu'elle demandait à ses compagnons d'où les bruits provenaient, ils se regardaient chacun en silence avant de lui annoncer qu'il n'y avait rien.

Santhe comprenait au fond d'elle ce qui lui arrivait. Elle rejetait ces idées, car son expérience luttait avec sa raison. L'Archicolonelle, la terrible, l'horrible et la cruelle Archicolonelle ne pouvait pas se consumer ainsi. Impossible, se répétait-elle à voix basse.

Elle ne saisit pas quelle distance ils avaient parcouru lorsque Kaal s'arrêta. Elle se souvint d'un repas frugal et d'un sommeil tumultueux, rempli de frayeurs anciennes, puis d'être repartit, mais c'était tout ce qui lui revenait quand la méchaniste se tourna vers elle.

— On est arrivé. Enfin, je pense, parce qu'il n'y a pas d'Humains.

— Alors... allons-y, se leva Santhe en titubant.

Halekeis l'empoigna par la main et elle s'effondra contre un arbre. Il tenta de la relever, sans succès, avant de retirer ses pièces d'armures en regardant souvent au-dessus de son épaule.

— Halekeis, je ne te permets pas...

— Ce... ce n'est pas ce que j'avais en tête, Archicolonelle.

Quand il ôta toute son armure supérieure, il l'assit contre l'écorce rude et se tourna vers Kaal.

— Tu es sûre qu'il n'y a personne ? murmurait-il.

— Pas d'Humains, je t'ai dit !

Il plaça une main glacée sur son front.

— Elle est fiévreuse.

— Pas possible, soutint l'Archicolonelle. Je ne peux pas tomber malade. Les virus et les bactéries ne peuvent pas résister à mes défenses immunitaires. Il n'y a que les prions et champignons qui sont à même de m'affecter.

— Certes, toutefois vous n'allez pas bien.

Des rafales se firent entendre, puis le rugissement colossal d'un rayon d'Oru. L'Archicolonelle tenta de se relever. L'aristocrate dut demander à l'ingénieure de l'aider à la maintenir en place.

— Lâchez-moi ! Nous sommes en danger !

— Non, calmez-vous. Respirez. Il n'y a rien. Vous souffrez d'hallucinations.

L'Archelan resserra sa poigne sur elle. Il tremblait. Ou était-ce elle ?

— Halekeis, j'ai déjà inhalé des gaz toxiques, enduré des infections chroniques et de dangereux coups à la tête. Je sais reconnaître des délires.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant