Chapitre 2-6

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Santhe se réveilla, engourdie, dans une salle sombre. Contrairement à ses souvenirs, aucun trou ne s'ouvrait dans le plafond. Quelqu'un l'avait déplacé. Elle se redressa aussitôt, mais la douleur se présenta de nouveau le long de son dos. Dans un geste raide, elle se cabra, ce qui fit raisonner un craquement horrible dans la pièce, puis elle se leva en ignorant le tourment. Son drap vola sur le bord du matelas taché, où elle remarqua des vêtements propres et pliés. C'est quand elle tenta de retirer ses haillons de prisonnière que Santhe comprit qu'elle était presque nue, en dehors des bandages et des plâtres. Elle les arracha puis s'habilla avec ce qui ressemblait à un uniforme archelan du début de guerre, en soie cramoisie renforcée çà et là de fibre balistique et de tissus anti-brûlure. C'est à ce moment qu'un Archelan apparut à travers l'ouverture de la porte. Il s'arrêta aussitôt.

— Veuillez m'excuser, fit-il en une révérence précise, je ne savais pas que vous alliez vous réveiller si vite.

Quelque chose de noble se ressentait dans le ton de sa voix, mais aussi d'un peu fier. Ses yeux roses rutilaient presque et ses cheveux d'argent tombaient en une cascade dont les pointes dorées atteignaient les omoplates. Il égalait Santhe en taille. Sa tenue rappelait les chefs aristocrates qui dirigeaient la Hiérarchie. Elle décelait néanmoins la jeunesse et la naïveté de cet Archelan au sourire passivement enjôleur.

— Il n'y a aucun problème, affirma-t-elle sans émotion. Est-ce vous qui m'avez soignée ?

— Je ne fus pas le seul. J'allais vérifier vos blessures, mais vous semblez en parfaite santé à présent. Mes noms sont Halekeis Saí Dèlaes Faethák Rhos Vázhari, pour vous servir. Je suis le chef de notre groupe de survivants, et vous êtes la bienvenue. J'aimerais vous présenter à mes compagnons.

L'Archicolonelle crut un instant reconnaître un ou plusieurs de ses patronymes, qui lui paraissaient familiers. Elle ne put cependant les associer à un visage.

Elle le suivit jusque dans une cour fermée par un immeuble effondré. Une végétation presque luxuriante couvrait les ruines autour. Entre les arbres, un pavillon se dressait avec des tables et de la nourriture. Une vingtaine d'Archelans se tenaient là, à discuter et à rire. Santhe installa un silence de plomb lorsqu'ils la virent.

— Veuillez nous excuser, sourit Halekeis. Lorsque nous avons aperçu votre aéronef filer droit vers notre ville, nous avons bien cru que les Humains nous avaient trouvés. Puis quand Thisù que voici (il désigna un bambin qui préférait rester éloigné) vous a découvert blessée dans une maison à quelques pas d'ici, nous avons présumé en vous voyant que vous étiez l'Archicolonelle Santhe. Heureusement pour vous, j'ai fait comprendre à mes compagnons que ce monstre avait été emprisonné il y a quelques semaines. Nous vous aurions tué sinon.

— Je vous remercie de m'avoir sauvée et soignée. Sans vous, et sans toi (elle se pencha vers l'enfant), je nourrirais les nécrophages.

— Comment vous appelez-vous ? s'enquit le jeune aristocrate.

— Mon nom est... Irha Mehis... Fùhon.

— Ne possédez-vous que deux patronymes ?

Elle se força à sourire bêtement et à se gratter la tête.

— Mes parents n'étaient ni nobles ni renommés, seulement des pêcheurs de la région du Rehìs.

— Je vois. Ça n'a pas dû être simple de ressembler autant à l'Archicolonelle. Beaucoup ont dû vous...

— Ce n'est pas facile tous les jours.

Halekeis lui sourit puis l'invita à s'asseoir à table entre le petit Thisù et sa mère. L'aristocrate se plaça en face d'elle.

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant