Chapitre 3-2

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Elle frappa trois fois à la porte avec sa paume ferme, faisant secouer les gonds.

— Vous être qui ? demanda une jeune voix dans la langue humaine.

— Des voyageurs, fit Santhe avec un accent parfait, prudente.

— Vous venir Korrin ?

Halekeis levait les épaules, il ne comprenait rien au korrisien.

— Je suis Archelanne, répondit Santhe en parlant cette fois en archelaüsien.

D'abord un bruit sourd vint à leurs oreilles, puis quelques pas dans leur direction. La porte s'ouvrit sur une jeune Archelanne, en milieu d'adolescence. Elle possédait des cheveux roses et pourtant ternes, le teint orangé tendant légèrement vers le brun, et le regard doré et fier. Quelque chose en elle lui rappelait une Humaine. Presque.

— Bordel ! lâcha l'enfant. J'ai cru que c'était des connards d'Humains !

La petite s'arrêta sur le visage de Santhe, les yeux plissés.

— Vous êtes l'Archicolonelle !

— Tu as un problème avec ça ? dit Santhe d'un ton neutre.

L'adolescente les regarda de haut en bas, puis remarqua l'épée au flanc de l'aristocrate.

— Non. Aucun. Entrez. Je suis Kaal.

Santhe et Halekeis s'aventurèrent dans la maisonnette. Tout apparaissait comme ancien, usé et retapé d'une façon ou d'une autre. Sur leur gauche se tenait ladite cheminée en marche et derrière une cuisine en vieux bois. Par habitude, l'Archicolonelle repéra aussitôt les couteaux à viande, le tisonnier et la bêche sur le bord de la porte. Ça pouvait se présenter utile, pensa-t-elle.

Sur leur droite se trouvait une autre Archelanne, adulte et attablée, qui regardait dans le vide devant elle. Halekeis la salua, mais Santhe lui fit comprendre que c'était vain.

— Elle a raison, acquiesça Kaal. La vieille Feraeth est un légume. Asseyez-vous, allez-y.

L'aristocrate se plaça devant la dame. Santhe se mit à ses côtés.

— Depuis combien de temps ta mère est-elle dans cet état ? s'enquit Halekeis avec un regard qui trahissait son empathie.

L'Archicolonelle remarqua un sac rempli de composants électroniques au-dessus d'une armoire aussi ancienne que la maison.

— C'est pas ma mère, rit l'enfant en récupérant du four à bois un rôti. On est pas de famille. Feraeth m'a accueilli y'a deux mois, trois jours, cinq heures et... (elle regarda son ligebrace au poignet) trente-huit secondes. Je fouillais dans sa maison à la recherche de bouffe. Du coup, elle a été gentille et m'a nourri et logée. Elle a quatre cent trente-six cycles, dix mois et trente-et-un jours. Je connais pas son heure de naissance.

— Cela reste très précis, sourit Halekeis.

— Les chiffres, c'est mon fort.

Elle donna des assiettes d'argile à ses invités, puis le plat chaud. Elle les servit et caressa les cheveux de la vieille handicapée.

— Quand je me suis rendu compte qu'il lui manquait des étages, continua-t-elle, c'est moi qui l'ai aidé. Son état s'est empiré, et maintenant je m'occupe d'elle. Heureusement, elle a un grand verger et des réserves, sinon on serait mortes toutes les deux.

Santhe dévorait son plat à nouveau, ce qui choquait visiblement Halekeis, qui le toisait de biais. Kaal rit en les voyant.

— Bah dites donc ! Vous êtes coincé, l'aristo ! Vous venez d'où ?

Larmes Inhumaines [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant