Larmes Inhumaines [Terminé]

Chapitre 2-8

— Voilà, souffla-t-il. Vous pourrez partir vers l'est, devant.

Santhe suivit du regard le geste de l'aristocrate.

— Je vous remercie, Halekeis, pour tout ce que vous avez fait pour moi, vous et vos compagnons. Je ne vous oublierai pas.

— Il est normal d'aider ses congénères. En revanche, je trouve étonnant que les Humains mettent autant de moyens pour vous éliminer. Qu'est-ce que vous avez commis, Irha, pour vous attirer de tels ennuis ?

— Ma mission est confidentielle, mais d'une importance capitale.

Santhe avait parlé avec son cœur, peut-être même trop, car son regard fit, un bref instant, lever son masque. Il n'en fallut pas plus pour que Halekeis ne s'en rende compte. Il fixa la criminelle de guerre avec un visage qui mêlait désarroi, haine et peur.

— Ne me dites pas que... que vous êtes vraiment l'Archicolonelle ?

Santhe ne répondit pas.

— Vous nous avez menti ?

Alors que l'aristocrate fulminait, les dizaines de navettes redécollaient pour se diriger vers le destroyer. Il les accueillit puis son ventre s'illumina de deux gros points roses éclatants. Bientôt enflés en orbes rutilants, ils explosèrent tous deux en un bref flash qui les aveugla.

— Comment avez-vous pu, Irha... Santhe ?

L'air se déchira en un vacarme d'une puissance sans pareille. Le choc les renversa. La chaleur de l'atmosphère leur roussit le visage alors que les vents s'affolaient de l'écart gigantesque des températures. Les deux rayons rosâtres scorifièrent le cœur de la ville. Halekeis tenta de s'y diriger, mais l'Archicolonelle le retint par le bras. En quelques instants, Rin avait laissé place à un cratère rempli de magma.

Les rayons Oru et leurs hurlements horribles moururent enfin. La besogne terminée, l'astronef reprit de l'altitude et s'envola calmement pour saisir une trajectoire orbitale dans le ciel d'Archelaus, comme si rien ne s'était passé.

Halekeis se redressa sur ses genoux, béat, tandis que Santhe se relevait de toute sa hauteur, dans son dos.

— Voilà ce dont les humains sont capables, fit-elle. C'est ce qui adviendra d'Archelaus et des Archelans, qu'ils soient orphelins, veufs, enfants, miséreux, malades ou blessés.

L'aristocrate ne répondit pas. Ses yeux brûlés paraissaient vides, désespérés.

— Halekeis Saí Dèlaes Faethák Rhos Vázhari, voulez-vous venger vos compagnons ?

Il se tourna vers elle, le visage ruisselant de larmes.

— Mon courroux s'abattra sur cette vile engeance qu'est l'Humanité. Mais d'abord, je vais vous tuer vous. C'est par vos mensonges qu'ils sont morts.

Il se leva et courut dans sa direction, l'épée dégainée. Sans se forcer, elle le désarma et le fit choir, presque nonchalamment.

— La meilleure vengeance que vous pourrez infliger à l'Humanité sera de les empêcher d'aboutir à leur objectif. Et je suis la seule qui puisse vous aider à réaliser une telle chose.

Il arracha l'herbe chaude avec ses mains. Ses larmes l'aveuglaient.

— Le Royaume de Korris veut nous supprimer, continua Santhe. Ils ne l'annonceront pas encore au public, mais c'est bien la vérité. Mon objectif est de regrouper un maximum de nos congénères et de reconstruire notre civilisation dans une région cachée de la planète. Nous serons en paix. Isolés, mais bien vivants.

Elle s'arrêta un instant, puis reprit :

— Voulez-vous m'aider à sauver l'espèce archelanne ?

Il se leva et tint tête à l'Archicolonelle.

— Je vous suivrai, Santhe. Je vous accompagnerai dans votre quête pour sauver notre espèce de ces monstres. Mais une fois terminés, je vous tuerai de mes mains.

Elle sourit.

— Soit.