Lisabeth lissa ses jupes en contemplant le haut portail ouvragé du manoir Ufiant.
Elle avait pourtant songé qu'elle ne remettrait plus jamais les pieds en ces lieux, depuis qu'elle avait tiré sa précédente révérence à coup de menace, de prise d'otage et de haute voltige. La décision avait longtemps été pesée, et prise sans certitude aucune. Elle aurait aimé pouvoir débattre de son dilemme avec quelqu'un. Ce n'était malheureusement pas ce cher Josué, ni même Aife, qui maîtriseraient les enjeux corrects du problème pour aider à sa conclusion.
Isaac lui manquait fichtrement.
Enfin, il lui aurait sans doute répondu qu'elle avait définitivement grillé ses derniers fusibles. Et peut-être aurait-il eu raison. Mais elle avait besoin de réponses. Avec un soupir, elle sonna la petite cloche du portail.
L'Archeduchesse d'Oslandres parut surprise, mais ravie de la voir débarquer à l'improviste au beau milieu de cet après-midi solitaire. Lisabeth en déduisit que ni son mari, ni sa fille ne lui avait rapporté les détails de sa disparition. Elle fut amenée par les domestiques jusqu'au salon de thé, où Rachel Ufiant déposa elle-même une petite assiette de sablés au citron sur la table basse, avant de prendre place sur le siège en face d'elle. Elle portait une longue robe vert pâle, aux dernières pointes de la mode, et paraissait bien moins souffrante que lors de leur dernière rencontre. Ses traits fins s'étaient légèrement emplis, et elle avait retrouvé de meilleures couleurs.
— C'est inattendu, mais je suis heureuse de vous revoir, Lisabeth, assura l'Archeduchesse en touillant son thé. Je suis navrée que vous ayez dû nous quitter si précipitamment, lors de votre précédente visite.
Elle observa un instant le tourbillon dans sa tasse, égoutta sa cuillère d'un tintement puis, après avoir visiblement pesé sa phrase, ajouta :
— Je suis également navrée pour votre père.
Lisabeth leva un sourcil. Même si elle croyait sincèrement que l'Archeduc avait gardé sa femme hors de ses magouilles, elle ne pouvait se comporter sans prudence face à Rachel Ufiant. Elle souffla sur son thé, le visage impassible, et répondit :
— Ne le soyez pas. Mon père est, après tout, un criminel.
Un air peiné voila la figure de l'Archeduchesse.
— Tout de même. Perdre un parent n'est jamais aisé, surtout si jeune.
Sans doute, mais elle n'avait jamais connu sa mère, et elle ne pouvait pas vraiment prétendre avoir eu de père, alors à quoi bon se morfondre ? Discussion qu'elle n'entretiendrait certainement pas avec la femme de Jeremiah Ufiant. Elle n'était pas venue échanger des civilités.
— Madame d'Oslandres, je dois vous avouer que ma visite n'est pas de simple courtoisie, soupira-t-elle après avoir bu une gorgée de thé.
L'Archeduchesse fronça les sourcils et reposa sa tasse. Certaines de ses expressions ressemblaient à Andrée de façon troublante.
— Oh. En quoi puis-je vous aider, Lisabeth ?
— Connaissez-vous le nom de Galderois ?
Trop direct ? Au point où elle en était, tourner autour du pot semblait vain. Si Rachel Ufiant parut surprise de l'angle pris par la conversation, le nom ne l'ébranla pas le moins du monde.
— Eh bien, évidemment, avoua-t-elle en toute simplicité. Jacob était le parrain d'Andrée.
Elle aurait craché une grenouille que Lisabeth en serait moins tombé des nues.
— Que... comment ?
— Il nous a récemment quitté... Une tragique agression.
L'Archeduchesse se mordit la lèvre. Ses yeux bruns se perdirent par la fenêtre.
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Avant la pluie
FantasyEn tant que fille unique du Vidomne d'Artemoires, Lisabeth a passé son enfance dans la solitude, enfermée sur les terres de son géniteur à subir une éducation destinée à la transformer en parfaite héritière : jolie, polie, sans cervelle. Elle rêve d...