Chapitre 80 : Ce qui était et ce qui sera

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NB : allez une dernière fois pour la route, je vous rappelle le rating adulte de cette histoire



Les grognements de Louise de Talemarne déchiraient les appartements depuis ce qu'il semblait être une agonie lorsque Morante en franchit le seuil. Un regard blasé embrassa l'agitation innommable. Trois domestiques couraient en tous sens comme des poules sans tête. Occupée à faire les cent pas, le visage cramoisi et soutenue par la sage-femme aux sourcils noués, la vicomtesse sifflait des jurons que la dignité réprouvait aux dames de son rang. Morante en apprécia une seconde la créativité, puis capta du coin de l'œil la figure ébouriffée de Lisabeth qui se tenait en retrait.

— Eliance, toujours dans les mauvais coups, salua-t-il.

— Et toi donc. Fais quelque chose !

Fotra, tu te calmes, oui ? J'ai déjà aucune envie d'être là, alors si c'est pour t'entendre me casser les esgourdes !

— Monsieur Morante, s'il vous plaît ! appela l'accoucheuse avec urgence, coupant court aux politesses. Il se présente en siège !

L'apprenti maugréa une obscénité dans sa barbe en s'approchant.

— Bon sang, je déteste la maïeutique, déclara-t-il à la sage-femme comme si cela était de sa faute.

— Ce n'est pas le moment pour vos petites sensibilités ! houspilla-t-elle en retour.

— Ah, ne commencez pas à me les brasser, Béthanie ! Trouvez-moi plutôt de quoi me laver les mains ! Et cessez donc de la faire cavaler, cela n'arrangera pas la situation !

Béthanie fusilla l'aspirant du regard en retenant visiblement une insulte, sentiment que Morante lui retourna d'un air assassin. N'ayant d'autre choix que de lui obéir, elle guida tout de même gentiment Louise jusqu'à l'installer sur le siège pliant réclinable qu'elle avait amené avec elle, en sus d'une mallette emplie d'instruments barbares. La vicomtesse prit place tant bien que mal, le visage déformé d'une grimace lorsqu'il fallut hisser ses pieds dans les jambières.

— Vous avez essayé les manœuvres externes ? rouscailla Morante.

— Vous vous doutez bien que je ne vous ai fait appeler que parce que cela était strictement nécessaire !

Fan dè puta, qu'est-ce que vous avez bouffé, ce matin ? Vous n'êtes jamais très aimable mais on crève des records !

La sage-femme laissa échapper un hoquet incrédule alors qu'il enfilait les gants qu'elle lui tendait.

— Venant de vous... ! s'outra-t-elle.

— Dîtes-moi si je vous dérange, siffla Louise dans un sanglot furieux.

— Maintenant que vous le mentionnez, lui rétorqua Morante.

Lisabeth se détourna avec précipitation en le voyant s'agenouiller devant la vicomtesse et préféra quitter les lieux. Elle avait rempli son rôle, Louise était désormais entre de bonnes mains – compétentes, quoiqu'impolies ; elle ne se sentait certainement pas le cœur assez accroché pour assister à la suite de la scène.


*****


Il y avait quelque chose de cocasse à voir un homme de la stature de Michael de Talemarne tenir dans ses bras épais la petite silhouette rondelette d'un nouveau-né. C'était la première fois que Lisabeth découvrait l'enfant, bien qu'elle eût été la première sur les lieux ; l'accouchement s'était a priori déroulé sans heurt, au terme de plusieurs heures et malgré la mauvaise volonté de Morante. La convalescence de Louise avait ensuite perduré quelques jours. Le temps passant, Lisabeth avait abandonné l'idée de visiter son ancienne amie. Elle n'était certainement pas la bienvenue.

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant