Chapitre 26 : Le poids de la faute

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La nouvelle de la disparition de Zecharie Sezaret se répandit lentement à travers le palais royal. L'absence du garçon, dans les premiers temps, n'attisa guère les suspicions en dehors de l'attention élevée par le courroux évident du Viduc d'Hestriat. L'avis général allait à une fugue du cadet Sezaret qui, cela se savait, connaissait certaines divergences d'opinions avec sa famille.

Toutefois, les jours passant et aucun témoignage quant aux agissements du jeune homme ne se présentant, le Viduc finit par déposer une notification officielle auprès de la garde du palais et s'assura par son insistance qu'une enquête s'ouvrît. La requête fut entendue, mais traitée sans urgence par les autorités concernées – en l'occurrence, le ministre des affaires internes, Jeremiah Ufiant d'Oslandres – qui ne croyaient guère à la conjecture exagérée d'un enlèvement ou d'une agression. Comme elles le firent rapidement savoir au parti concerné, elles privilégiaient la thèse d'une dissidence adolescente dépourvue de conséquence, qui se solderait d'elle-même en temps et en heure.

Deny Sezaret, alors sans nouvelle de son second fils depuis près d'une semaine, accueillit l'annonce avec peu de complaisance – sentiment peut-être exacerbé par le fait que la supposition voilée d'une piètre éducation de sa part lui avait été déclamée par son rival de toujours. Il se retint d'injurier l'Archeduc sur le champ mais ne montra aucune patience face au manque d'avancée flagrant de l'enquête. L'absence persistante d'évolution le conduisit à accuser directement Jeremiah Ufiant de ne pas se soucier de cette affaire, d'abord, puis de ne pas s'impliquer pour accélérer le processus, et enfin de délibérément ralentir les investigations dans le but avoué de tourmenter le Viduc. Le dernier scandale en date emprunta une telle ampleur que le roi David lui-même dut intervenir pour calmer les esprits. Après cela, l'hostilité entre Sezaret et Ufiant augmenta d'un cran et les deux hommes ne purent plus guère se tenir dans la même pièce sans que la tension ne devienne explosive.

Bonne ou mauvaise volonté mise à part, l'enquête menée par la garde de l'Archeduc piétinait réellement. Personne ne savait ce qu'il était advenu de Zecharie, personne ne semblait l'avoir aperçu depuis sa disparition et la piste du garçon s'interrompait abruptement avec Louise Gostand, qui avait été la dernière à interagir avec le fils Sezaret de son vivant. La vicomtesse avait évidemment été interrogée plusieurs fois à ce sujet, mais rien n'en était ressorti en dehors du fait que Zecharie et elle avaient entretenu une discussion futile, parfaitement amicale, et qu'il avait fini par prendre congé sans l'informer de sa future destination. La jeune femme avait paru profondément secouée par la situation, plus qu'elle ne désirait le laisser paraître derrière son habituelle façade distinguée et sûre d'elle, et l'instinct de l'Archeduc lui avait soufflé qu'il perdait son temps à surveiller cette écervelée. Non seulement elle ne lui serait d'aucune utilité, mais cette attention pressante commençait visiblement à agacer son mari le Vicomte, qui s'était jusque-là montré assez poli pour ne pas faire obstruction à la garde royale mais qui risquait de se plaindre auprès de la reine dut cette mascarade se prolonger. Et l'Archeduc ne tirerait aucun bénéfice à voir la couronne intervenir pour la seconde fois dans cette affaire.

— Il bout d'exaspération, commenta Andrée à l'adresse de Lisabeth après avoir fini de lui résumer l'avancée de l'enquête. Je n'ai pas l'habitude de le voir dans cet état, lui qui est d'ordinaire toujours si composé, mais il déteste être pris en défaut et il déteste afficher une impression d'incompétence. Et je crois que ses heurts avec le Viduc d'Hestriat ont eu raison de la fin de son sang-froid.

Lisabeth joua distraitement avec l'ourlet de sa manche sans répondre. L'un des fils de dentelle se détachait de la couture et elle le lissait et le re-lissait entre la pulpe de ses doigts. Un nœud étrange lui obstruait le bas de la gorge.

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant