Chapitre 50 : Le jour d'après

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Lisabeth laissa entrer Embret dans la boutique de photographie avec un sourire fatigué.

— Comment va-t-elle ? s'enquit-il.

À deux, ils avaient porté la blessée jusqu'à la Citadelle, après cette nuit mouvementée. L'aube avait peu aidé leur discrétion mais ils n'avaient pas d'autre choix : Salomé ne pouvait demeurer dans l'infirmerie royale, sous peine de soulever des questions embarrassantes, aussi s'étaient-ils résolus à la ramener chez elle. Morante était resté sur place pour ranger, et surtout affronter les foudres de Devarnes, qu'il avait vaguement tenter de baratiner ; très peu crédule, son maître lui avait passé le savon du siècle. Il en payait encore les conséquences – les corvées les plus sales abondaient depuis l'incident. Embret avait écopé de la punition par ricochet mais s'en sortait un peu mieux, ce qui lui permettait de visiter leur patiente avec régularité.

Lisabeth avait depuis élu résidence dans la petite boutique. Elle ne pouvait livrer Salomé à elle-même dans cet état : terriblement affaiblie, l'épéiste avait à peine repris conscience. Elle avait survécu, cependant. Embret estimait qu'elle était sortie de la phase à risque.

— Comme hier, estima Lisabeth. Et Morante ?

L'apprenti sourcilla.

— Devarnes lui fait récurer les sols. Il y a eu un accouchement au palais cette nuit – un beau carnage.

Lisabeth tira une grimaça de dégoût.

— Je m'en veux un peu, déplora-t-elle.

— Moi aussi. Je lui ai proposé de l'aider mais il m'a envoyé promener. Ne t'inquiète pas trop, le connaissant, il trouvera un moyen de nous le faire payer.

Habitué des lieux à présent, il se dirigea de lui-même vers la petite mansarde dont Salomé se servait comme chambre à coucher.

— Bonjour, salua-t-il en toquant à la porte.

Du fond du lit aux draps froissés, Salomé émit un bref grognement. Ses yeux clos dans son visage contracté ne s'ouvrirent pas. Lisabeth s'était accoutumée à ce tableau : elle n'avait pu entretenir de véritable conversation avec la propriétaire des lieux depuis l'accident. Elle s'écarta pour leur accorder l'intimité nécessaire.

Embret ressortit après un petit quart d'heure. La jeune femme lui tendit une tasse du thé qu'elle avait préparé dans l'intervalle, qu'il accepta avec un sourire.

— L'une des sutures est un peu limite mais il est trop tôt pour aviser, décrivit-il. On les enlèvera la semaine prochaine. Honnêtement, je crois qu'elle reprend du poil de la bête. – Comme Lisabeth lui retournait un regard interloqué, il démontra : – Elle a refusé l'anti-douleur. Et elle veut te parler.

— Vraiment ?

La gorge de Lisabeth se noua. Elle avait redouté comme elle anticipait ce moment. La culpabilité lui dévorait la conscience depuis qu'elle avait découvert le corps poignardé de Salomé dans les bas-fonds de Cov-Rò. Elle rassembla son courage en se dirigeant vers la petite chambre.

Elle lui devait au moins ça.

L'épéiste tenta de se redresser dans son lit lorsqu'elle l'entendit arriver. Une grimace immédiate lui tordit les traits et elle plia un bras protecteur par-dessus sa cicatrice. Ses efforts s'interrompirent aussitôt.

Rai, ils m'ont pas ratée, tes potes, expira-t-elle d'une voix rauque.

— Comment vous sentez-vous ? s'inquiéta Lisabeth.

— J'ai l'impression de m'être fait rouler dessus par un chariot.

Ses boucles rousses s'emmêlaient sur son oreiller, leur éclat terni. La douleur accentuait toutes les rides de son visage. Lisabeth glissa sur ses genoux à côté du lit.

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant