Chapitre 31 : Il pleuvait alors

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L'odeur d'humidité était la plus forte, un mélange organique de chanci en voie de prolifération et de pluie dans les interstices d'une pierre poreuse. Situées sous le palais, les geôles admettaient très peu de lumière, quelques rayons depuis les maigres fenêtres creusées juste à hauteur du sol, aggravés par la météorologie médiocre. Ils venaient à peine de refermer la lourde porte rouillée sur lui et James se sentait déjà en ébullition. Il avait besoin de bouger, de courir ou de sauter sur place, d'utiliser ses mains de manière productive. À sa surprise, il trouva ses pensées d'une netteté complète. Il aurait pensé ressentir un léger tournis, a minima. Au contraire, son futur s'étalait devant ses yeux avec une clarté qui ne laissait pas de liberté à l'interprétation.

Il ne resterait pas éternellement dans cette cellule. Les cachots du palais n'étaient pas destinés à accueillir des prisonniers sur le long terme ; il y avait passé les deux jours qui avaient précédé sa condamnation et estimait que c'en était déjà trop. Bientôt, ils le déplaceraient dans la prison de la capitale, un bastion austère perché sur l'une des collines qui entouraient la ville, où il se morfondrait jusqu'à la date de son exécution. À moins qu'ils ne décident de le pendre avant. Cela couperait court à son ennui.

Un gloussement sans joie chuinta entre ses lèvres. Il ne regrettait pas l'enchaînement de décisions qui l'avait conduit à cet état, pas lorsqu'il n'avait existé, selon lui, aucune alternative acceptable. Toutefois, il n'entretenait aucune envie particulière de mourir. Il lui fallait inventer un moyen de sortir d'ici et pour l'heure, l'imagination lui faisait cruellement défaut.

— Hé, cesse ce bordel, tu veux ! s'exclama le garde de quart.

James réalisa qu'il piétinait machinalement en rond dans sa cage et leva un sourcil. Par pur esprit de provocation, il poursuivit ses cent pas – il se trouvait déjà condamné à mort, après tout. Le surveillant était installé à trois cellules de là, dans un repli du couloir qui accueillait une table en bois vermoulue. Avec les reliefs et le manque de jour, James pouvait à peine deviner sa silhouette renversée avec ennui sur sa chaise en fer, là où le garde disposait en revanche d'un point de vue de choix pour chaperonner son prisonnier. Les geôles adjacentes étaient vides, comme il l'avait discerné lors de ses trajets sévèrement encadrés entre la salle d'audience et son cachot ; rares étaient les occasions où la nécessité d'incarcération se faisait sentir au sein même du palais royal. Il avait aussi noté, au cours de ces petites visites, que l'on conservait toutes les clefs dans la salle de la relève, proche de l'entrée, elle-même scellée sous clef dont les deux seuls exemplaires se trouvaient sur le commandant en chef de la garde royale, qui ne descendait jamais se salir les bottes dans cette prison, et sur le quartier-maître en fonction.

Oy, cauçon ! insista le soldat d'un fort accent de la Citadelle, en se levant pour se rapprocher de la geôle du perturbateur. – Je t'ai dit de t'...

L'homme s'écroula mollement à mi-distance, dans une absence déroutante de son. James se rapprocha des barreaux pour jeter un œil interdit à sa masse informe, étalée sur le sol ; de là où il se tenait, il distingua la flaque poisseuse qui se constitua à une vitesse alarmante sous la joue inerte du garde, ainsi que la trouée sombre au bas de sa gorge, juste au-dessus du creux sternal. À la partie la plus faible, droit à travers les cordes vocales, reconnut-il par force d'habitude : un coup conçu par nécessité de discrétion et d'efficacité. Cette observation seule l'empêcha de sursauter lorsqu'Isaac se matérialisa peu ou prou de nulle part, juste devant la porte de sa cellule, sa main droite maniant la garde souillée d'un couteau et une clef mangée par la rouille.

James retint de justesse un commentaire ironique – tu as pris ton temps, ou assimilé. Un autre endroit, un autre moment. Isaac tourna doucement la clef et déplaça son poids sur la porte pour atténuer la majorité de son grincement lorsqu'il l'ouvrit. Sans échanger un mot, le vidomne suivit son assistant hors de la cellule et sur la route inverse à celle qu'il venait d'accomplir.

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant