Chapitre 45 : Dieu les connaîtra

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— Je t'en prie, Aife, dòna, laisse-moi rester ! Je te jure que je serais sage comme une image ! Tu verras même pas que je suis là !

Le vent méridionnal s'engouffrait dans les boucles de cuivre d'Edie, qui voletaient sans ordre et lui fouettaient le visage. Même depuis l'autre bout de la place, Lisabeth remarqua ses yeux brillants, presque humides ; malgré son habituelle attitude taquine, les suppliques de l'enfant portaient un désespoir honnête.

— C'est pas un manque d'envie, pitchoune, mais j'ai des trucs à faire, soupira l'apothicaire.

— Alors laisse-moi rester à la boutique tout seul !

Aife ne fit même pas semblant de réfléchir à la proposition.

— Hm, non. Vraiment, ce ne serait pas la plus brillante de mes idées.

La suite des protestations d'Edie fut noyée par l'approche de Lisabeth, qui accapara l'attention d'Aife. Un sourire étira les lèvres fines de l'apothicaire.

— Ben tiens, Junior ! ironisa-t-elle. Je pensais qu'on ne te reverrait plus jamais, vu comme tu m'as laissée en plan depuis notre dernière petite balade nocturne.

Lisabeth baissa les yeux pour ne pas afficher la rougeur honteuse qui s'empara de son visage, bien qu'Aife la devinât tout de même. Malgré tout, la plus âgée la tira à elle et la serra dans ses bras.

— Désolée, marmonna Lisabeth en lui rendant l'étreinte avec une ferveur soulagée. Elle ne pouvait pas avouer à Aife ses craintes sur Silant. – Merci pour tout.

— Y a pas de quoi. J'avais mes doutes mais on s'en est sorties, pas vrai ?

Lisabeth lui répondit d'un sourire rayonnant.

— J'ai un cadeau pour vous, de la part de la reine, annonça-t-elle.

— Ouh, rien que ça ! s'émerveilla moqueusement Aife.

Sa gouaille laissa place à un ébahissement non feint lorsqu'elle s'empara de la somme léguée par la couronne.

— Eh beh, siffla-t-elle. On est moins chiche que je pensais, chez les Soleigre. – Elle escamota la bourse avec un clin d'œil. – Ça tombe bien. J'essaie de relancer les affaires, quelques fonds ne feront pas de mal.

— Vous voulez redevenir apothicaire ? s'intéressa Lisabeth.

— Je vais pas crécher aux frais de la princesse jusqu'à ce que mort s'ensuive, haussa-t-elle les épaules en désignant la boutique de photographie d'un pouce. Silant finira bien par plus pouvoir blairer ma tronche et me sortira un jour à coups de savate. Je préfère anticiper.

Reprise par la culpabilité d'avoir participé à la perte de son premier commerce, bien qu'elles aient déjà eu cette conversation bon nombre de fois, Lisabeth se tordit les doigts et suggéra :

— Si je peux vous aider, pour quoi que ce soit...

Aife leva un sourcil d'ébène.

— Ben oui, tiens, puisque tu proposes. Tu veux pas t'occuper du gamin pour la journée ?

Le visage penaud d'Edie s'illumina aussitôt qu'il entendit ces mots. Lisabeth pâlit mais ne parvint pas à étouffer la joie soudaine de l'enfant en refusant. Aife, très fière de son petit piège, lui sourit de ces dents très blanches. Vraiment, pourquoi s'obstinait-on à lui confier des gosses ?

Plàn ! s'exclama Edie. Oui, ça va être marrant !

— Mais qu'ai-je fait au ciel... déplora Lisabeth alors que le garçon l'entraînait par la main avec une énergie inquiétante.

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant