Enfin, Lisabeth parvint à obtenir sa balade avec Andrée comme elle l'avait originellement souhaité.
L'adolescente ne sembla pas lui tenir rigueur de son absence de ces derniers jours ; l'habitude d'Andrée de papillonner entre les différents membres de son expansif groupe de fréquentations l'avait empêchée de trop se languir de sa nouvelle amie. Malgré tout, les deux jeunes filles se retrouvèrent avec ravissement.
— Que dirais-tu d'une promenade en voiture ? suggéra Andrée avec enthousiasme alors qu'elles dissertaient toutes deux sur la façon dont elles pourraient occuper leur journée.
Le beau temps était toujours au rendez-vous et il en découlait l'envie naturelle de profiter de ce redoux. L'occasion inespérée d'explorer la capitale un peu plus assidûment qu'en se cantonnant aux quelques rues qui encadraient le palais. Lisabeth haussa un sourcil devant la proposition de son amie.
— Mon père a fait l'acquisition de cette nouvelle berline, impossible de l'en faire démordre depuis qu'elle est au garage, justifia Andrée en roulant de ses yeux bruns vers le ciel avec une mimique théâtrale. – Ces hommes, alors. Comme si nous avions vraiment l'utilité d'une voiture de plus. Enfin, quitte à dilapider mon héritage dans des futilités, autant apprécier par nous-mêmes si cette toquade vaut vraiment le coup, qu'en dis-tu ?
Lisabeth se laissa entraîner par le sourire allègre de sa camarade sans protester. La jeune femme put constater devant l'excitation mal dissimulée d'Andrée à l'idée d'essayer ce nouvel engin que, malgré son prétendu désabusement, l'adolescente partageait visiblement l'appréciation de son père pour les jolies hippomobiles. Lisabeth se sentait peu touchée par ces considérations – il devait s'agir d'une fantaisie de citadin –, mais elle admira malgré tout poliment l'élancé rutilant de la voiture, afin de ne pas abandonner Andrée à ses émotions.
Le châssis avait été façonné dans un alliage léger, afin de permettre de transporter quatre personnes et leurs bagages sans pour autant augmenter la taille de l'attelage. Lisabeth contempla la teinte cobalt, rehaussée de dorures qui enrobait la berline, ainsi que la finesse accordée aux détails. Son regard tomba sur la porte du véhicule, où le constructeur avait apposé son nom dans une gravure coquette. Usines Destastres.
La jeune femme fronça les sourcils en reconnaissant le nom. Sylvien Destastres. Elle l'avait entendu dans la bouche de Michael de Talemarne au bal des Glaces – « l'escroc », l'avait-il qualifié.
Le troisième des hommes qui discutaient avec son père.
Elle étudia cette découverte en montant dans la voiture, invitée par Andrée qui lui tendit la main depuis la cabine pour l'aider à franchir la marche. La plus jeune s'occupa de pépier pendant toute la durée du voyage, comme quoi elle aurait préféré que son père achète un landau parce qu'il aurait été agréable de pouvoir retirer les capotes du véhicule et profiter du soleil. Une idée pour un prochain investissement, rit-elle. Lisabeth lui demanda l'air de rien s'ils achetaient toujours leurs voitures dans la même usine et Andrée répondit qu'a priori oui, puisque son père et ses tendances monomaniaques favorisaient en général la même ligne de modèles, dès lors que sa première expérience lui avait plu.
L'attelage parvint au lac de Vaulxfrey en peu de temps. Éloigné du centre de la capitale, il se situait tout de même assez proche des riches faubourgs pour attirer la plupart des nobles lorsqu'ils désiraient baguenauder en plein air. En ce mois de Glaces, la destination si prisée par les hautes sphères était quasiment déserte, bien que quelques audacieux avaient décidé, comme Andrée et Lisabeth, de profiter de ces dernières miettes de beau temps pour admirer les reflets de la lumière sur les rides limpides du lac. Les températures réputées froides de l'eau et la proximité avec les sources minérales de montagne tendaient à rendre l'onde d'un bleu cristallin, presque irréel.
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Avant la pluie
FantasyEn tant que fille unique du Vidomne d'Artemoires, Lisabeth a passé son enfance dans la solitude, enfermée sur les terres de son géniteur à subir une éducation destinée à la transformer en parfaite héritière : jolie, polie, sans cervelle. Elle rêve d...