Isaac contempla longtemps les lambrissures écaillées du plafond avant de comprendre qu'il était réveillé.
D'un élan pénible, il tenta de se redresser pour observer la pièce. Le lit sous son dos était raide, le tissu des draps rêche, accroché à la sueur de sa peau. La tête lui tourna dès qu'il voulut bouger. Une luminosité brutale perçait par les fenêtres, lui esquintant les rétines.
Il ne se souvenait pas véritablement de pourquoi, mais il fallait absolument qu'il s'en aille.
— Ah, fotra, jura quelqu'un, dans le lointain et bien trop proche à la fois, une distance qu'il était incapable d'évaluer.
Il arracha la perfusion qui lui perçait le bras sans réfléchir, sans voir le sang qu'il éparpilla dans les draps en une pluie carmin. Des mains lui saisirent les épaules, essayant de le plaquer à nouveau contre le matelas. Il contra l'appui – l'effort lui parut intense, sapant brusquement toute son énergie mais il n'allait pas se laisser entraver, pas lorsqu'il était déterminé à... à... Il ne savait pas vraiment, il lui fallait juste se lever et sortir d'ici. Quelqu'un l'attendait, peut-être ?
— Isaac, putain de merde, rallonge-toi, pesta une voix aux accents arrondis.
— Aurèle, reconnut-il, sans savoir de quel limbe de son cerveau il sortait cette information. Laisse-moi partir.
Un petit rire revêche.
— Bien sûr, mon cher, dans tes rêves. Tu n'es pas du tout en état de – fotra, maudit à nouveau son veilleur lorsqu'Isaac profita d'un instant de relâchement pour le bousculer et tenter de s'extirper du drap.
Il ne prit conscience de l'aiguille dans son épaule que lorsque celle-ci y fut entièrement enfoncée. Agacé, il voulut arracher la seringue, mais l'apprenti médecin l'escamota avant qu'il ne puisse s'en servir comme d'une arme improvisée.
— Traître, marmonna-t-il.
— Bonne nuit, lui rétorqua Aurèle. On discutera quand tu seras moins sur les dents.
Le sédatif imbiba ses veines d'une euphorie torpide. Il essaya de résister un instant, s'accrochant aux bribes de la réalité malgré la béatitude qui grignotait son chemin jusqu'à son crâne, mais l'ataraxie le submergea très vite et il se laissa noyer. Le coma dans lequel il coula était noir et confortable, sans rêve.
La deuxième fois qu'il se réveilla, le monde lui parut bien plus net. Il cligna des yeux, réalisant que l'intégralité de son corps était brisée de courbatures. Une douleur sourde, acide, pulsait dans sa jambe droite en continu. Sa bouche lui semblait désespérément sèche.
L'infirmerie royale était calme, comme souvent. Il en était le seul patient ; les autres lits, bien alignés et bien faits, les coins des draps soigneusement repliés, reflétaient de leur blancheur la luminosité vacillante de l'extérieur. Il ne devait être guère plus de midi, mais des nuages grisâtres s'entassaient dans le ciel, poussés par le souffle d'un vent violent. On entendait le claquement des bourrasques contre le verre épais des fenêtres, à l'extérieur.
A côté de son lit, Aurèle Morante était négligemment étalé dans une chaise, ses pieds hissés sur le bord du matelas. Un traité d'anatomie plus épais que lui était ouvert sur ses genoux ; il gribouillait parfois quelques notes illisibles sur les pages d'un carnet, le coin de son crayon coincé entre ses dents.
Isaac racla sa gorge aride. Les yeux olivâtres de l'étudiant glissèrent brièvement sur lui, étincelant lorsqu'ils s'aperçurent qu'il était conscient.
— Ah, la belle endormie est de retour parmi les vivants, s'égaya-t-il en refermant son bouquin dans un clappement volumineux. – Tu t'es calmé, champion ?
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Avant la pluie
FantasyEn tant que fille unique du Vidomne d'Artemoires, Lisabeth a passé son enfance dans la solitude, enfermée sur les terres de son géniteur à subir une éducation destinée à la transformer en parfaite héritière : jolie, polie, sans cervelle. Elle rêve d...
