Chapitre 17 : Amitiés

176 19 128
                                    

Lisabeth profita de ces longues journées où elle se retrouvait livrée à elle-même au milieu du palais pour mieux s'acclimater à la cour des souverains de Tascanie.

Elle découvrit que malgré le nombre impressionnant d'être humains qui allaient et venaient dans le domaine royal, seul un groupe restreint de nobles se divisait l'influence, groupe au sein duquel chaque membre se connaissait voire partageait des liens de parenté plus ou moins lointains. Lisabeth remarqua qu'habitaient là plus de gens de son âge qu'elle ne l'avait anticipé ; les débuts à la cour se faisaient pourtant classiquement au mois des Laudes, à la fin de l'hiver, et les mariages se scellaient dans la foulée. Elle décida qu'il serait intéressant de tenter d'échanger avec ces « enfants de », avec qui elle se trouverait certainement plus de points communs que les adultes aussi acariâtres que son père ou artificieux que l'Archeduc. Elle n'avait pas oublié que ce dernier avait mentionné une fille de son âge.

Aussi choisit-elle après plusieurs jours d'observation soigneuse de se poster dans l'un des petits salons de plaisance. Elle se plaça sur un divan, face à la fenêtre, rangea proprement ses jupons autour d'elle et s'obligea à fixer la source de lumière la plus proche jusqu'à ce que ses yeux s'humidifient. Elle se frotta un peu les paupières pour les rougir, ce qui provoqua une recrudescence de ses larmes ; tenta un ou deux reniflements expérimentaux ; puis, fin prête, elle attendit.

Son appât mordit plus rapidement que prévu.

— Ça ne va pas ? s'enquit une voix lumineuse dans son dos. Tu t'es fait mal ?

Lisabeth se retourna en s'essuyant les yeux au moment où l'on posait une main sur son épaule. Elle se retrouva face à une fille d'environ quatorze ans, pourtant déjà plus grande qu'elle, élancée sur une taille fine encore à la transition entre l'enfance et l'âge adulte ; son petit visage délicat était encadré de cheveux châtains, qu'elle avait relevés à l'arrière de son crâne avec un peigne en nacre. Elle portait sur ses traits un mélange de curiosité et de sollicitude.

— Je... non, je vais bien, assura Lisabeth en chassant les dernières traces de ses larmes.

— Eh, mais tu es la nouvelle arrivante ! reconnut l'adolescente. Lisabeth, c'est ça ?

L'interpellée hocha la tête.

— Je m'appelle Andrée Ufiant, annonça la plus jeune en s'asseyant à côté d'elle. Qu'est-ce qui te fait pleurer comme ça ?

Lisabeth songea qu'Andrée ne possédait pas l'obséquiosité de son père. Ni, fort heureusement, son regard déplaisant ; les iris de la jeune fille se paraient d'une teinte chaude d'automne.

— Je... balbutia la plus âgée. Je... Ce n'est rien, rien de grave. Je n'aurais pas dû me laisser aller ainsi.

Andrée fronça ses sourcils ronds en se rapprochant un peu, avec prévenance.

— Tu peux m'en parler si tu en as besoin, déclara-t-elle gravement. Je n'irai pas le répéter. Mais si tu n'as pas envie, je ne te forcerai pas.

Lisabeth la jaugea d'un regard méditatif. Avec toutes ces aventures, elle avait perdu l'habitude de lire des émotions aussi honnêtes sur le visage de ses interlocuteurs. Triste de constater qu'elle conclut immédiatement à une supercherie, méfiante ; il était peu probable que l'adolescente tentât de jouer la comédie, mais au vu de la rencontre sinistre avec son père l'Archeduc quelques jours plus tôt, Lisabeth préféra ne pas abattre ses défenses de suite.

— C'est... mon père, avoua-t-elle après une fausse hésitation. On s'est un peu disputés.

— Oh, se surprit Andrée. Il ne t'a pas blessée, au moins ?

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant