Chapitre 23 : La fleur bleue

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Après plusieurs jours d'absence déconcertante, Zecharie réapparut dans la vie de Lisabeth de la plus impromptue des façons. La jeune femme était en effet allée ouvrir à celui qui toquait à la porte de leurs appartements, et eut la stupéfaction de se retrouver nez à nez avec le garçon. Il semblait un peu nerveux, une attitude qu'elle ne lui avait jusque-là jamais vue, et tenait entre ses doigts la tige d'un petit iris bleu.

Lisabeth se sentit soudainement très satisfaite de deux choses : qu'elle fût celle qui eût ouvert la porte, et que son père brillât présentement par son absence. Elle pouvait sentir le regard curieux d'Isaac lui brûler le dos, mais il s'agissait d'un moindre mal, songea-t-elle.

— Zecharie ? murmura-t-elle, confuse quant à sa présence sur le pas de sa porte.

Le jeune homme inspira.

— Je souhaitais m'excuser, Lisabeth, exposa-t-il. Entre autre chose pour cette sordide rencontre avec mon frère aîné. J'aurais préféré que vous n'assistiez pas à cela.

Il tritura un instant le pédicule végétal qu'il enserrait, puis admit :

— Je serais venu plus tôt, mais j'ai été retenu... par mon père... enfin, je ne veux pas que vous puissiez penser que je vous aie délaissée. Je sais que le geste est bien dérisoire, mais...

Finalement, il décida de se taire – n'était-ce pas la première fois qu'elle le surprenait à manquer de mot ? – et lui tendit délicatement la fleur. Lisabeth s'en empara d'une main hésitante, les yeux écarquillés. Elle sentait que ses joues avaient viré à l'écarlate, mais ne pouvait dissimuler à quel point elle était déroutée par cette scène.

— Euh... merci, hasarda-t-elle.

Elle jeta une œillade derrière elle, puis s'avança sur le palier pour être moins visible depuis l'intérieur de la suite. Elle se mut rapidement pour ne pas se laisser la possibilité de changer d'avis ; en un pas, les mains serrées autour de l'iris, elle franchit la distance entre elle et Zecharie et déposa un bref baiser sur la joue du garçon. Celui-ci eut d'abord un mouvement de surprise, puis afficha une expression qui paraissait singulièrement heureuse de ce dénouement. Lisabeth rit à voix basse, se recula et referma la porte dans le même geste.

Elle se retrouva un peu stupide, une fois dans l'appartement, devant le battant clos, la tige de la fleur toujours écrasée entre ses doigts. En s'efforçant de balayer son hébétude, elle décida de se mettre en quête d'un vase pour y établir son présent.

— Et qui était donc ce jeune homme ? s'enquit Isaac, d'un ton qui ne trompait pas même s'il ne leva pas le nez de l'ouvrage dans lequel il était apparemment absorbé.

Lisabeth se mâchonna le coin de la lèvre.

— Le fils du Viduc d'He... – Elle remarqua enfin le rictus espiègle qu'il dissimulait bien mal. – Vous vous moquez de moi, Isaac ?

— Vous savez bien que je ne m'y oserais pas.

Elle sentit qu'elle s'empourprait encore et maudit cette réaction mal calibrée.

— Je n'apprécie pas beaucoup vos insinuations, lui rétorqua-t-elle d'un ton faussement réprobateur. Et puis, mêlez-vous de vos affaires.

Isaac lui glissa une moue amusée ; il respecta cependant sa volonté de détourner la conversation et retourna à sa lecture sans un mot de plus. Lisabeth installa le vase dans sa chambre, s'empara d'un lainage et retourna dans le salon, où elle s'immobilisa un instant.

— Je vais voir Andrée, annonça-t-elle.

Elle se sentit stupide dès qu'elle eut déclamé ses intentions à voix haute, mais trouva important de le préciser. Elle voulait être bien certaine qu'Isaac ne se méprendrait pas sur sa destination. Elle s'en allait travailler sur cette histoire d'espion, pas... pas courir après Zecharie ou les-cieux-savaient ce qu'il pouvait imaginer.

Avant la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant