70. Catalina Da Silva;

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( Bonne lecture ) 💓







Catalina :



Les bras autour de mes jambes, je me colle dans le coin du lit, contre le mur. Le froid de la nuit caresse mes bras nus, Gabriella, allongée de l'autre côté, dort à point fermé.

J'ai encore et toujours le même réflexe : je me réveille à la même heure avec des sueurs froides, avec une angoisse que je connais par cœur, je finis par me lever et je me colle contre le mur froid dans le coin du lit.

Me recroqueville sur moi-même.

Et je laisse mes pensées fuser comme une tornade qui ne veut pas s'arrêter, je pense encore et encore jusqu'à ce que le jour se lève.

Quelques mèches de mes cheveux tombent sur mon visage, j'ai chaud, mais je ne veux pas enlever le drap qui couvre mes jambes, car je garde encore cette peur en moi, une peur qui ne veut pas me quitter.

Peut-être parce que c'est récent ? Je ne suis pas encore habitué à une si grande chambre, je ne me sens pas comme chez moi, mais en même temps, est-ce que je me suis déjà senti comme chez moi un jour ?

L'impression d'être qu'un objet qu'on déplace sans cesse.

Les bruits incessants, des bruits de pas au-dessus de ma tête sont ancrés dans mon esprit. Pourtant, je sais qu'au-dessus il n'y a personne, mais je ne peux m'empêcher de penser que je suis encore emprisonnée.

Gabriella n'a peut-être pas la même peur que moi, car je l'ai protégé durant toutes ses années, j'ai pris sa place pour que elle au moins puisse dormir paisiblement la nuit.

J'ai sacrifié mes heures de sommeil et sacrifié mon innocence.

Je regarde l'horloge contre le mur, juste au-dessus de la télé qui passe un programme sur une émission de cuisine que je découvre, il est 3 heures du matin.

C'est encore compliqué de me dire que je suis enfin éloigné de tout ça, mais ma mère est encore en vie, et j'ai peur qu'elle revienne me chercher.

Les souvenirs que j'ai d'elle enfant restent flous, je sais qu'elle nous prenait dans ses bras, mais c'est Angel qui s'occupais toujours de nous.

Ensuite, je ne me rappelle plus de rien, car j'ai eu un grave accident : selon ma mère, je suis resté longtemps dans le coma.

J'ai eu une perte de mémoire et je l'ai retrouvé à 15 ans à peine. Avec Gabriella, on a vécu dans une pièce sombre, remplie d'humidité, on avait des cours pour parler correctement à domicile.

On a été élevé dans un environnement qui nous a détruit mentalement. La manipulation était monnaie courante dans cette famille. On a appris que c'était normal pour des femmes d'être enfermées et de n'avoir pas d'amis. On nous apprit que c'était normal pour des filles comme nous de toucher des hommes plus vieux, car oui, on nous a souvent vendu contre de vulgaires billets.

Comme des objets, du bétail qu'on donne aux animaux sans aucune once de pitié ou d'humanité.

Notre mère nous considérait plus comme ses enfants et elle nous utilisait pour gagner de l'argent. J'ai appris le sexe à travers les films.

Et j'ai toujours su que toucher un homme plus vieux que moi n'était pas normal, je déteste ça et j'ai encore l'impression de ressentir leurs grandes mains sur mon corps.

La seule chose dont je peux remercier ma mère, c'est qu'on ne nous a pas pris notre virginités. C'est la seule chose qui me permet de dire qu'ils ne m'ont pas tout pris.

Ma pudeur a été arrachée et normalement, à cette heure-ci, je suis avec un client de maman qui me demande de me déshabiller.

La raison pour laquelle je déteste la nuit, c'est à cette heure exactement.

Tant que j'écoutais, je pouvais épargner Gabriella de cette violence mentale et physique qui m'a détruite.

Tous ses hommes qui me regardaient danser, sourire quand je pleurais et cette femme qui était censée être ma mère qui me regardait de loin pour surveiller que je fasse bien les choses.

Je ressens encore cette pression, cette position me donne l'impression de me protéger, j'aime mes bras autour de moi qui me sécurisent. J'ai vécu dans un monde qui n'était pas réel, on n'a pas voulu nous faire croire le contraire, mais je savais au plus profond de moi que c'était mal.

Je n'ai jamais voulu faire ce genre de chose, je n'ai jamais voulu me donner à un groupe d'hommes assoiffés ce qu'un mineur peut leur procurer.

J'ai essayé de m'enfuir une seule fois et je l'ai regretté, car c'est Gabriella qui a subi.

Je voulais partir pour aller chercher de l'aide, je m'en rappelle toujours, j'avais seulement 17 ans. J'ai profité du calme, ouvert la porte et une fois le pied dehors, j'ai couru le plus vite possible.

Au milieu de la forêt, qui m'écorchais la plante des pieds, j'ai atterri sur une route, arrêtant la première voiture en suffoquant, rien de d'y penser, je sens ma respiration s'accélérer.

Un vieil homme s'est arrêté et m'a regardé comme si j'étais une folle, sortie d'asile. J'avais du sang sur ma joue à cause d'une branche qui m'a giflé, j'ai hurlé de m'aider, qu'il appelle les secours et la seule chose qu'il a réussi à faire, c'est de me prendre par la main et d'indiquer l'intérieur de sa voiture.

Je l'ai écouté, paniqué en espérant qu'il m'emmène dans un poste de police qui pourra m'aider. Il m'a dit qu'il allait m'aider et que je devais l'écouter.

On a roulé pendant un moment jusqu'à arriver devant une maison.

Je l'ai de suite reconnue, c'était cette maison que je cherchais à fuir. J'ai froncé les sourcils et j'ai hurlé en me débattant quand soudain j'ai aperçu ma sœur sous le porche, avec un couteau sous la gorge.

Mes gestes se sont figés et j'ai regardé cette scène devant moi, sans réfléchir. Je suis sorti de la voiture et j'ai traversé le jardin, et je suis retourné dans la maison sans parler, sans un mot ou un regard.

Ma mère avait du monde sous sa botte et j'ai été naïve de faire confiance à un inconnu, et puis cette maison était au milieu de nul part, derrière une forêt, les habitants qui l'habitent connaissaient surement ma mère.

Depuis, je n'ai plus rien tenté, j'ai obéi à tous ses ordres, le soir, je vomissais tout ce que j'avais vécu la journée et le lendemain, je recommencai ce qu'elle me demandait de faire.

Cet enfer, je pensais que je n'allais plus jamais m'en sortir. Les années ont passé, les jours étaient toujours pareils, clients, dormir, client, dormir.

Jusqu'au jour où j'ai écouté à la porte de Denaro, je l'ai entendu parler avec quelqu'un, j'ai entendu dire qu'il disait qu'on étaient vivantes et à la seconde où j'ai entendu son prénom, j'ai eu espoir de sortir d'ici.

Angel était notre espoir, le seul, je me rappelle de lui grâce au collier qu'il nous a offert, son visage enfantin et ses mots doux pour nous endormir.

J'avais 6 ans quand j'étais censé mourir, mais je me rappelle de cet enfant qui nous a donné de l'amour.

Le seul qui nous aimait vraiment.

Et j'ai espéré qu'il se souvienne de nous, j'ai espéré qu'il nous aimait toujours et qu'il allait nous sortir de là.

Ça a pris du temps, mais j'avais confiance en ce frère que je n'ai pas vu grandir, j'avais confiance en ce seul lien de famille qui nous rester. On a patienté, et nous voilà maintenant libres, mais contre quoi ?

À cause de nous, lui et sa femme sont dans un coma horrible, ils vont peut-être mourir juste pour deux filles comme nous.

Deux filles rejetées de la société.

Ce lien de parenté, je veux le garder, donc je prie pour qu'ils reviennent tous les deux. J'ai peur, c'est effrayant, une larme solitaire longe ma joue.

Gabriella bouge nerveusement sur elle-même et elle tâte la place qui devient froide à côté d'elle. Elle frotte ses yeux et se redresse en regardant directement dans le coin du lit.

Tu es encore là, dit-elle avec sa voix cassée, viens dormir, Catalina t'en a besoin.

Elle a l'habitude de mes insomnies, j'en ai toujours fait.

J'essuie ma joue et je me déplace vers elle, je m'allonge juste à côté, à ma place habituelle.
Je tends le bras et elle vient poser sa tête dessus.

Sa main se pose sur ma poitrine, elle aime sentir mon cœur, c'était une sorte de réconfort pour nous deux dans l'obscurité de cette chambre où tout pouvait arriver et cette habitude est restée.

C'est fini, chuchote-t-elle en fermant les paupières, tout est fini, maintenant on est libre.

Je sais, mais imagine que maman revienne et recommence..

Cette stupide salope n'est rien pour nous, et puis on est protégé, la maison est entourée d'hommes armés, je pense qu'on peut enfin vivre.

Oui, c'est vrai, on peut enfin vivre avec ses angoisses, mais notre vie commence maintenant, je pose ma main sur ses cheveux et je lui fais des caresses pour qu'elle s'endorme.

Catalina, je vais peut-être pouvoir connaître l'amour... Dit-elle en souriant.

Peut-être, ma sœur.

Gabriella a toujours été une grande fane d'histoires d'amours, elle regardait beaucoup de séries quand c'était autorisé et elle pense qu'elle trouvera une personne qui l'aimera comme elle est, on est jumelles, mais on est complètement différentes.

Moi, je ne crois pas en l'amour, pourtant mon frère est la définition même, mais je ne pourrais jamais aimer un homme, ils m'ont fait trop souffrir pour que je puisse accorder ma confiance à une personne.

Je sais que c'est complètement bête, car tout le monde est différent, mais moi, je me suis toujours juré de ne faire entrer personne dans mon monde.

Ma sœur me suffit, mon frère à présent et les personnes qui l'entourent, je ferais passer le bonheur de tout le monde avant le mien.

Gabriella m'a toujours dit ses scénarios dans son esprit, des histoires qu'elle crée dans sa tête avant de dormir, ça lui permet de s'évader de la réalité.

Quand on était enfermée, elle me disait souvent qu'elle imaginait un homme grand et fort, brun de préférence, qui venait la sauver de cet endroit. Elle et moi.

Son sourire me donnait espoir qu'un jour ça se réalise. Finalement, c'est bien un homme grand et fort qui nous a sauvés, mais notre frère est une parti de nous, donc son grand amour, je ne suis pas sûr qu'elle le trouvera avec tous les traumatismes qui sont restés gravés en elle.

Je la regarde et je vois qu'elle vient de s'endormir à nouveau. Je me lève discrètement et je quitte la chambre, parcourant le sol froid sous mes pieds.

Je marche dans cette maison qui me donne l'impression de m'écraser.

Je vais dans la salle de bain et je regarde mon visage dans le miroir. Les cernes, les cicatrices, tout mon corps est catastrophique. Comment trouver un homme avec une gueule pareil ?

Je soupire et je m'asperge un peu d'eau fraîche sur le visage. Je laisse l'eau couler sur ma poitrine et je sors, direction la cuisine, quand soudain je vois une ombre dans le salon.

Mon cœur rate un battement, mon corps se fige, seule une lueur rouge se dégage de cette silhouette, une cigarette.

C'est moi, crache cette voix faible et fatiguée.
Je reconnais rapidement Delmano, je reprends une bouffée d'air et je vais me servir un verre d'eau.

Tu n'es pas resté à l'hôpital cette nuit ?
Demandais-je en le rejoignant dans le salon, je m'assois sur le fauteuil à l'autre bout.

Je suis juste venu voir si tout allait bien, et toi, tu ne dors pas ?

Delmano est un homme assez charmant, non, je dirais qu'il est vraiment beau, il nous intimide à Gabriella et moi, il est grand, musclé, malgré son œil aveugle et sa cicatrice, tout est charmant chez lui.

J'avais soif.

Je sens mes joues chauffées, c'est la première fois que je parle seul à seul avec un homme sans qu'il me fasse quoi que ce soit, j'ai une conversation normale avec un homme et c'est totalement nouveau pour moi.

J'ai pu comprendre qu'il est en couple avec Mélinda, une belle blonde qui n'a rien à voir avec moi. La façon dont il la regarde est incroyable.

Avec le corps que j'ai, personne n'osera me regarder, Gabriella s'est faite aussi cette réflexion plus tôt.

Je soupire et je bois mon verre d'eau en entier puis le pose sur la petite table basse en verre devant moi.

Tu fumes ? Demande cet homme complètement à l'aise de ma présence.

Vu l'odeur, ce n'est pas une cigarette.
J'accepte en hochant la tête, il se lève et s'assoit un peu plus près de moi, il me tend le joint et je prends une taffe avant de lui rendre.

J'en volais souvent au client quelques fois et cette merde me permettais de me sentir bien. Je laisse la fumée dans ma bouche en fermant les paupieres, puis je la crache délicatement.

Si ton frère le sait, il va me tuer.

Je ne dirais rien, dis-je en souriant.

Je laisse mon corps tomber en arrière et je m'allonge sur le fauteuil, bercé par le crépitement de son joint. L'air frais m'enveloppe et je me sens flotter avec tout ce nuage de fumée qui nous entoure.

Je me sens bien, en sécurité pour la première fois de ma vie.

Une fois Angel réveillé, tu sais qu'il va buter ta mère. Prononce Delmano en me faisant réaliser la dure réalité.

J'avale difficilement ma salive, je sais que cette femme m'a détruit ma vie, mais sa manipulation a bien réussi, tout était calculé, elle savait ce qu'elle faisait, dans les moindres détails, mais je dois maintenant réaliser que c'est un monstre sans âme.

Je m'accroche à elle alors qu'elle s'en fou de moi, de nous.

Je m'en fou, ce n'est plus rien pour moi.

Tu sais que les personnes qu'on pense aimer ne sont pas toujours des gens bien, je sais qu'au fond de toi, ça reste ta mère, car tu n'as connu qu'elle pendant toutes ses années.

Une larme, après une autre, s'échappe de mes yeux.

Elle t'as fait souffrir, mais je sais ce que tu ressens, elle était ton seul repère, la seule personne liée à ton sang, tu as le droit de dire que tu l'aimes même si tu lui en veux, tu es humaine, Catalina.

Je souris en me redressant.

Tu vois, je ne me suis pas trompé de prénom cette fois, reprend Delmano en crachant sa fumée.

Est-ce que je l'aime encore ? Je ne sais pas, mes sentiments sont complètement chamboulés. Je sais qu'elle est horrible, je sais que c'est un monstre, je la déteste, je la hais, elle me répugne au plus point.

Mais je dois accepter qu'elle était quand même mon seul repère pendant toute ma vie pratiquement. Le seul visage qui me ressemblait, c'était elle.

Je soupire et je me rallonge en posant le devant de ma main sur mes yeux.

C'est vrai, mais j'ai une famille à présent, et une vraie. Dis-je.

Je l'entends écraser son joint dans un cendrier et prendre appui sur le dossier du fauteuil.

Ça va prendre du temps, mais tu vas réussir à te reconstruire, tu vas faire des études et tu vas tout niquer autour de toi. Ta sœur et toi, vous êtes sous ma responsabilité, Angel est comme un frère, donc vous êtes comme mes petites sœurs.

Peut-être que je me suis faite SisterZoner, je ris à ma propre blague en soupirant.

L'amour n'a pas d'avenir pour moi, c'est déjà écrit.

Mes paupières sont lourdes, je me laisse aller et je m'endors paisiblement pour la première fois, sans angoisse.




...



Le lendemain;




Je prends une grande inspiration, je prends mon courage à deux mains et je rentre dans cette boulangerie. Quand je pousse la porte, une sorte de cloche retentit.

Peu de personnes sont présentes et je suis hypnotisé par toute la nourriture derrière la vitrine.

Bonjour, je vous sers quoi ? demande la caissière en souriant.

Je pince mes jambes nerveusement pour éviter de faire une crise, mais l'angoisse encore présente me prend aux tripes.

Moi, je veux la tarte au fraise, intervient Delmano en me doublant. Il se retourne vers moi en souriant chaleureusement, t'aime les fraises ?

Je hoche la tête pour confirmer.

Deux, non trois tartes au fraise, demande Delmano en sortant un billet qu'il tend à la dame.

Je fais demi-tour et je sors de la boutique en respirant l'air de dehors, l'air frais du matin qui me donne envie de courir pour fuir. Mais je dois réaliser que je suis chez moi à présent.

La porte émet un bruit et quand je me retourne, je vois Delmano qui entame déjà sa tarte en foutant des fraises sur le sol.

Merde, c'est bien mis, mais après un croc, il y a tout qui tombe, putain.

Je ricane en récupérant la boite pour l'aider, puis on marche direction l'hôpital où tout le monde nous attend.

J'ai réussi à dormir 3 heures, et ça m'a fait du bien. Quand je me suis réveillée, j'étais couverte d'une couverture et Delmano est revenu pour nous récupérer Gabriella et moi, puis on est venu directement à l'hôpital et pour vaincre ma phobie sociale, j'ai voulu l'accompagner à la boulangerie, mais visiblement, je ne suis pas encore prête.

Pourquoi deux tartes ? Demandais-je en rentrant dans le parking de l'hôpital.

Pour ta sœur, vous êtes jumelles, donc deux tartes aux fraises.

Elle déteste les fraises, dis-je en souriant, on a des goûts différents malgré notre ressemblance.

Il entame son dernier bout de tarte et soupire en me regardant.

J'avoue que c'est con, bah elle goutera.
Il fouille dans sa poche et sort cette fois une cigarette. Il la coince entre ses lèvres pour l'allumer avec un briquet par la suite.

On marche dans le silence et mon esprit est calme, apaisant, c'est agréable. Quelques minutes suffisent pour qu'on arrive dans l'hôpital.

On traverse les couloirs quand je vois une blonde sauter au bras de Delmano, je remarque vite que c'est Mélinda et elle l'embrasse à pleine bouche, il enlace ses bras autour de sa taille, après leur baiser rapide, il la regarde.

Un regard que je n'ai pas encore vu sur lui, et sans que je m'en rende compte, je souris en les voyant, mes joues s'échauffent.

Oh Catalina ! Prononce Mélinda en souriant, tu veux boire quelque chose ?
Je reste surprise quelque seconde en rougissant comme une enfant, je suis un peu intimidée par ses yeux bleus et sa gentillesse dont je n'ai pas l'habitude.

Je regrette immédiatement ce que j'ai pu dire dans ma tête en regardant Delmano, je suis pathétique.

Non, merci, dis-je en évitant son regard, c'est gentil...

Ta sœur est plus loin avec Marco, tu sais, le frère de Dalia, et Lorena, la sœur de Delmano, tu peux les rejoindre si tu veux ?

Je souris, mais j'ai l'impression que je peux lui parler, c'est comme si je pouvais lui faire confiance, une impression que derrière ses yeux bleus se cache un vécu.

J'ai toujours réussi à lire à travers les lignes des personnes.

Euh.. Est-ce que je peux te demander quelque chose ?

Oui ? répond-elle en avançant d'un pas.
Je bouge un peu nerveusement en tenant le tissu de ma robe qui tombe sur mes chevilles et mon regard va sur Delmano.

Quoi ? Crache-t-il en passant de Mélinda à moi. Ah, j'ai compris, je me casse. Il part en direction du couloir et nous laisse entre filles.

Mélinda me fait signe de la suivre et on va sur un balcon qui donne vue sur l'hôpital. Je prends une grande inspiration et je me lance.

- Je.. Comment dire, Bégayais-je, j'ai du mal avec l'extérieur, le niveau social, tu sais, c'est nouveau pour moi et toi, tu es tellement...

Je n'arrive pas à sortir la suite de ma bouche, c'est comme bloquer, impossible de parler de ma phobie. Je me suis dis comme c'est une femme qui n'a pas peur de venir vers les autres, je pourrais peut-être avoir des conseils, mais je regrette immédiatement.

Laisse tomber, je...

Non, c'est entre nous, je te le promets, c'est peut-être ce que tu as vécu dans cet endroit où cet homme t'as gardé, tu sais, ta peur de parler ou ton hésitation à répondre.

Je fréquenter des hommes, en fait non, ma mère me vendais à des hommes. Dis-je en prenant une grande inspiration, je m'ouvre sans hésiter et sans prendre de pincettes. Je n'ai jamais connu l'extérieur et tout ça, c'est nouveau pour moi. Gabriella a plus de facilité, car c'est tout ce qu'elle a toujours rêvé, mais moi, j'ai l'impression de ne servir à rien, je n'ai pas de but. En plus de ça, j'ai condamné des personnes qui s'aiment et...

Elle pose sa main sur la mienne et elle me regarde dans les yeux. Ses yeux bleus sont humides et je sais qu'elle se retient de pleurer. Je serre sa main dans la mienne.

J'ai subi un abus il y quelques années, dit-elle en reculant tout en lâchant ma main, elle va contre la rambarde et regarde au loin, les collines qui font un magnifique paysage.

Je retiens mon souffle pendant qu'elle poursuit. Je sens mon cœur tambouriner contre ma cage thoracique.

Bien sûr, ce n'est pas comparable à ce que tu as vécu, moi je l'ai vécu une soirée et toi une vie entière, et j'aimerais tellement faire quelque chose pour ce que tu ressens. Je suis tombé en dépression pendant un an, je ne dormais plus, ne mangeais plus et j'avais l'impression constante qu'on me suivait, j'étais devenu complètement parano.

Elle prend une pause et je vais la rejoindre contre la rambarde en respirant l'air frais qui parcourt nos cheveux. Puis elle continue.

J'étais devenu tellement folle que je dormais avec un couteau sous l'oreiller. Avant de dormir, je mettais un meuble devant ma porte et j'appelais Dalia pour qu'elle reste avec moi au téléphone. C'était dur, atroce, je n'avais plus de vie sociale mais je me suis relevée, car j'avais des personnes autour de moi, une meilleure amie sur qui je pouvais compter, ses petits frères qui me faisaient sourire quand je n'allais pas bien. J'avais une deuxième famille en dehors de mes parents.

Tu as réussi à retrouver le sourire ? À dormir sans problème ? Demandais-je.

À sourire oui, bien sûr, à dormir non, je fais encore des cauchemars de temps en temps, mais Delmano a réussi à vaincre ma peur, cet abus que j'ai vécu est ancré en moi, je ne peux pas dire que je l'ai oublié et que tout est cicatrisé, car c'est faux, mais je peux te dire que tu te relèveras, tu arriveras, car une femme, tu es forte, tu vas réussir ma chérie, on est là, on est tous là, on va t'aider, d'accord ? Tu n'es plus seule.

S'en ai trop, cette fois, je ne peux plus retenir mes larmes, ça coule tout seul et sans que je me rends compte, je prends Mélinda dans mes bras et elle me serre fort contre elle.

J'explose et je laisse couler mon désespoir, mon mal à l'aise, mon mal-être, toutes les douleurs que je retiens en moi.

C'est dur, tellement dur, je suis anéanti et ses paroles ont glissé sur ma peau comme de l'huile, ça fond sur moi et je les absorbe comme je peux.

On se lâche enfin quand j'ai fini de me calmer et je la regarde dans les yeux pour la remercier, mais je me rends compte qu'elle pleure elle aussi.

Oh non, je suis désolé, je ne voulais pas que tu te souviennes de ça.

Non, me coupe-t-elle, je suis juste triste de toute cette situation, désolé de ce que tu as vécu.

J'essuie ses larmes et les miennes par la suite, je me sens bien ? C'est bizarre.

Et ton... agresseur, il a eu quoi ? Demandais-je en reniflant.

Oh Dalia l'as tué, dit-elle comme si qu'elle me racontait ce qu'elle manger. Elle pense que je ne le sais pas, mais vue la façon dont ils ont retrouvé son cadavre, je sais que c'est elle.

Je me rends compte à ce moment précis que je veux être comme Dalia, je veux être cette femme qui est prête à tout pour les personnes qu'elle aime, je veux protéger tout le monde comme elle le fait.



Je veux qu'elle m'aime comme elle aime tout le monde.



Je veux sincèrement faire partie de cette famille.



Je veux tellement reprendre ma vie que ça en devient suffocant.




À suivre... 




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Une petite pépite cette Catalina, beaucoup de courage. 💕

J'aimerais soutenir les personnes qui ont subi un abus peu importe le quel, je vous respecte pour votre courage, votre patience, vous êtes tellement fort/es ! ❤️‍🩹❤️‍🩹

Ne vous laissez pas écraser par des cons, relevez vous et reconstruisez vous ! N'oubliez pas de dénoncer il y a beaucoup de personnes qui peuvent vous aider ❤️

( mes dm sont ouvert si besoin ) 😘

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La Demoiselle De La MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant