Âmes Liées

Chapitre 6 : Nouveau Dean

Dean était assis dans un diner minable, l'air sombre, contemplant le milkshake à moitié fondu devant lui. Le néon clignotant de l'enseigne dehors jetait une lumière vacillante à travers la fenêtre sale, amplifiant l'atmosphère morose de l'endroit. Il n'avait pas touché à son verre depuis qu'il était arrivé, se contentant de jouer distraitement avec la paille. En face de lui, Eva sirotait tranquillement un café, une paire de lunettes de soleil dissimulant ses yeux malgré la lumière tamisée. Ses lèvres formaient ce même sourire condescendant qui avait hanté Dean depuis qu'ils avaient quitté le bunker.

Le silence pesant régnait depuis plusieurs minutes déjà, et Dean sentait sa patience s'éroder lentement. Jusqu'à présent, il avait fait tout son possible pour rester calme, parce qu'il savait qu'un faux mouvement de sa part pourrait mettre Sam et Elena en danger. Mais cette façade stoïque commençait à se fissurer. Il détestait l'idée de se trouver là, avec elle, loin de ceux qu'il aimait, et cette impuissance bouillonnait en lui comme une rage contenue.

Il poussa un soupir agacé, passant une main nerveuse dans ses cheveux avant de finalement briser le silence. « Ok, assez joué. Dis-moi une bonne fois pour toutes pourquoi je suis là. Il y a des tonnes de chasseurs, alors pourquoi moi, hein ? » demanda-t-il, le ton sec.

Eva abaissa ses lunettes de soleil sur le bout de son nez et fixa Dean de ses yeux perçants. Un sourire espiègle étira ses lèvres rouges alors qu'elle posait délicatement sa tasse. Elle le regarda pendant un instant, comme si elle savourait ce moment avant de finalement parler.

« Ah, Dean... C'est là que tu te trompes. Tu n'es pas juste un chasseur comme les autres. Fut un temps, pas si lointain, ou tu n'étais pas qu'un simple chasseur. N'est-ce pas ? » répondit-elle d'une voix suave, pleine de sous-entendus.

Dean fronça les sourcils, visiblement agacé par son ton. « Et qu'est-ce que ça veut dire, exactement ? »

Sans un mot, Eva ouvrit son sac et en sortit un vieux carnet en cuir usé, aux pages jaunies par le temps. Elle feuilleta rapidement les pages, s'arrêtant à une page en particulier. Elle tourna le carnet vers Dean, le poussant lentement de l'autre côté de la table.

Dean baissa les yeux sur le carnet. L'instant d'après, son expression changea du tout au tout. Son visage passa de l'agacement à une froide compréhension, un mélange de colère et de malaise se dessinant sur ses traits. La page qui se trouvait devant lui était marquée par un symbole qu'il n'avait pas vu depuis des années. C'était un vestige de son passé, un souvenir qu'il avait enterré avec soin, une partie de lui qu'il s'était juré de ne plus jamais réveiller.

Il repoussa le carnet brusquement. « Ça, c'est impossible, » marmonna-t-il, la mâchoire serrée.

Eva sourit en coin, visiblement satisfaite de la réaction de Dean. Elle croisa ses bras sur la table, s'accoudant avec une assurance déconcertante. « Ah, mais c'est bien possible, Dean. C'est même inévitable. Ce que tu étais, ce que tu as fait... Ça n'est pas arrivé par hasard. C'était une partie de toi, une partie que tu as ignorée trop longtemps. Et moi, je suis ici pour la réveiller. »

« Je te l'ai dit, c'est impossible, » répliqua Dean plus fermement, les poings serrés. « Cette partie de moi est morte. Je ne redeviendrai jamais... ça. »

Le sourire d'Eva s'élargit. Elle attrapa son café, en prit une petite gorgée avant de continuer, son ton délibérément lent et mesuré. « Ne sois pas si dramatique, Dean. Je sais que tu essayes de te convaincre que tu es toujours cet homme avec une conscience, cet homme qui se bat pour ce qui est juste. Mais soyons honnêtes. » Elle s'arrêta un instant, scrutant son visage. « Il y a eu un moment où tu étais invincible, non ? Un moment où tu n'avais ni remords ni scrupules, où rien ne t'arrêtait. Tu avais la force, le pouvoir, et personne ne te résistait. Je veux te ramener à ce moment, Dean. »

Dean serra les dents, chaque mot d'Eva résonnant en lui comme une vérité cruelle qu'il s'efforçait de fuir. Il savait de quoi elle parlait. Ce n'était pas seulement une question de pouvoir ou de force, c'était la noirceur qu'il avait ressentie à l'époque. Une absence totale d'humanité qui l'avait consumé, transformé. Ce n'était pas une simple époque révolue, c'était une abomination qu'il avait passée des années à enterrer, une partie de lui-même qu'il avait juré de ne plus jamais laisser ressortir.

Mais Eva continuait, implacable. « Si tu acceptes, tu pourras être plus qu'un simple chasseur, Dean. Tu seras au-dessus de tout ça. Un prédateur ultime, sans remords ni chaînes. Ensemble, on anéantira toutes ces créatures qui hantent l'ombre. Tu n'as plus rien à perdre. Ta famille, ton humanité... Tout ça est déjà compromis. »

Dean serra le bord de la table si fort que ses jointures blanchirent. « Je ne ferai jamais ça. »

Eva poussa un long soupir théâtral, comme si elle était déçue par sa résistance. « Vraiment ? Parce que tu n'as pas le choix. Si tu refuses de travailler avec moi, je n'aurai aucun scrupule à envoyer mes chasseurs s'occuper de Sam et Elena. Et cette fois, Dean, ils n'y échapperont pas. Tu as accepté de venir avec moi. Maintenant, tu vas devoir vivre avec ça. »

Le cœur de Dean se serra. Chaque fibre de son être voulait résister, refuser cette proposition détestable, mais il savait qu'elle avait raison. Eva tenait Sam et Elena en otage, même à distance. Elle pouvait leur faire du mal à tout moment, et il n'avait aucun moyen de les protéger tant qu'il était ici, à la merci de cette folle. Dean savait qu'il était piégé, forcé de revivre des horreurs qu'il pensait avoir laissées derrière lui pour toujours.

Il baissa les yeux sur le milkshake devant lui. Le lait fondu et tiède ne lui donnait qu'un sentiment de dégoût. Et pourtant, en cet instant, ce n'était qu'un avant-goût de ce qui l'attendait.

« Très bien, » dit-il d'une voix grave. « Fais ce que tu voudras de moi. »

Eva sourit, satisfaite. Elle prit une autre gorgée de son café, sa tasse blanche teintée d'un rouge de la couleur du sang là où ses fines lèvres se posèrent.