Âmes Liées

Chapitre 27 : Liberté illusoire

Dean errait sans but depuis des jours maintenant. Chaque nouvelle ville se ressemblait, mais aucune ne l'arrêtait. Il passait d'un motel miteux à un autre, traînant son sac de vêtements froissés comme un fantôme sans attache. Ce mode de vie, pourtant vide et destructeur, lui procurait une étrange satisfaction. Une liberté qu'il n'avait jamais connue auparavant, un sentiment d'être enfin libéré de ses chaînes.

Son rituel était toujours le même. Dès qu'il arrivait dans une nouvelle ville, il trouvait un bar quelconque, souvent sale et bruyant, où l'odeur de la bière se mêlait à celle de la transpiration et de la fumée. Il s'installait au comptoir, commandait un verre, puis attendait que l'une des femmes présentes dans la salle vienne l'aborder. Cela ne prenait généralement pas longtemps. Avec son sourire en coin et son regard ténébreux, il attirait facilement l'attention. Et il ne se privait pas d'en profiter.

Assis dans un bar, ce soir-là, Dean sirotait tranquillement son verre de whisky, ses doigts jouant avec le bord du verre, un sourire satisfait flottant sur ses lèvres. Une jolie femme s'était approchée de lui quelques minutes auparavant, engageant la conversation d'un ton charmeur. Elle riait à ses blagues, posant régulièrement sa main sur son bras pour établir un contact. Dean n'avait aucun problème à entrer dans son jeu. Il aimait cette liberté, cette absence totale de responsabilités. Il n'avait plus à se soucier de sauver des innocents, de se battre contre des créatures surnaturelles ou même de protéger ceux qu'il aimait.

C'était sa vie, à lui, désormais. Une vie de fêtes sans fin, de rencontres éphémères, et surtout, de violence sans conséquences.

Alors qu'il était en pleine conversation avec la femme, un homme s'approcha, visiblement en colère. Dean le remarqua à peine, trop concentré sur la manière dont la femme battait des cils en lui parlant. Mais l'homme, lui, ne l'ignorait pas. Il se planta devant Dean et dit, d'une voix rauque : « C'est ma copine. »

Dean leva enfin les yeux vers lui, un sourire narquois aux lèvres. « Et alors ? » répondit-il en haussant les épaules.

L'homme se mit à grincer des dents, la tension montant rapidement. « T'es sourd ou quoi ? Lâche-la. »

Dean se leva lentement de sa chaise, ajustant sa veste. Il était calme, trop calme. Ce genre de confrontation l'amusait. L'ancienne version de lui aurait peut-être essayé de désamorcer la situation, mais cette partie-là de Dean était morte. Il n'avait plus de patience pour ces histoires. « Si tu veux qu'on se batte, on va se battre. »

L'homme n'eut pas le temps de répondre que Dean l'attrapa par le col et le jeta contre une table, renversant verres et chaises dans le processus. Le bar devint brusquement silencieux, les clients autour se reculant instinctivement pour éviter la bagarre. Dean sentait l'adrénaline monter, ses muscles tendus et son cœur battant fort. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti une telle montée d'énergie, et il en jouissait pleinement.

L'homme se releva, le visage rouge de rage, et se précipita à nouveau sur Dean. Mais celui-ci l'attendait. Avec une aisance presque surnaturelle, Dean esquiva son coup et répliqua en envoyant son poing droit dans la mâchoire de son adversaire. Le craquement sinistre des os se fit entendre et l'homme tituba en arrière, le nez en sang.

Dean s'avança lentement, un sourire cruel étirant ses lèvres. Il aurait pu arrêter là, mais il n'en avait pas envie. Il voulait voir jusqu'où il pouvait aller, jusqu'où cet homme pouvait supporter. Avec une rapidité déconcertante, il lui décocha un nouveau coup, cette fois dans l'estomac. L'homme s'effondra sur le sol, gémissant de douleur, incapable de se relever.

Dean se tenait au-dessus de lui, respirant calmement, le sang de l'homme tachant ses mains et son t-shirt. Il essuya distraitement ses mains sur le tissu, comme si ce sang n'était qu'une tache mineure, une simple nuisance à éliminer. « C'est tout ? » demanda-t-il en regardant autour de lui, le bar encore sous le choc. Aucun des clients ne bougea. Personne n'osait intervenir.

Il retourna alors au comptoir, calmement, comme si rien ne s'était passé. Il fit signe au barman de lui resservir un verre et ce dernier, trop effrayé pour refuser, s'exécuta immédiatement. Dean prit une gorgée, savourant la brûlure du whisky dans sa gorge, son sourire toujours figé sur son visage.

Le regard perdu dans son verre, Dean se remémora ses paroles à Elena. « Dean Winchester est mort. » À cet instant, il comprit à quel point c'était vrai. Il avait abandonné tout ce qui faisait de lui un homme. Ce démon qu'il était devenu n'avait plus aucune attache. Plus de famille, plus d'amis. Et surtout, plus d'humanité.

Chaque jour, il s'enfonçait davantage dans cette noirceur. Chaque coup de poing, chaque blessure infligée, chaque femme avec qui il passait la nuit le détachait un peu plus de la personne qu'il avait été. Et il aimait ça. Il aimait cette sensation de contrôle, cette liberté dévastatrice.

Peu importe où il allait, qui il rencontrait ou ce qu'il faisait, il savait une chose avec certitude : il ne reviendrait jamais en arrière.