Chapitre 13 : Ombres passagères

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Dans le bunker, les lumières étaient éteintes et les couloirs silencieux. Tout le monde dormait à poings fermés. Tout le monde sauf Elena, qui se trouvait seule dans le salon, la solitude pesant sur ses épaules. Elle avait trouvé un coin tranquille, entouré de livres anciens et d'artefacts, où elle pouvait s'asseoir et réfléchir. En feuilletant un vieux grimoire, des images floues commencèrent à danser devant ses yeux, et elle se laissa emporter par une vision.

La scène se dessina devant elle. Elle se retrouva dans une maison familière, une petite demeure au style simple, mais empreinte de chaleur. Le parfum de biscuits fraîchement cuits flottait dans l'air, une odeur réconfortante qui évoquait des souvenirs d'enfance. C'était le jour où tout avait basculé, et chaque détail se dessinait avec une clarté terrifiante.

Elena n'avait que dix ans ce jour-là. Elle se tenait dans la cuisine, jouant avec un morceau de pâte à modeler, riant aux éclats avec sa mère, une femme aux cheveux longs et sombres, illuminée par la lumière du soleil qui traversait la fenêtre. Sa mère, une douce lumière dans sa vie, était celle qui lui avait appris à croire en ses visions, à embrasser son don.

Tout à coup, un frisson glacial parcourut son échine. Le rire s'estompa, et une ombre tomba sur la pièce. Le bruit sourd d'une porte qui s'ouvrait brutalement fit sursauter Elena, et elle tourna la tête vers le couloir.

C'était là qu'elle vit l'ombre. Un visage déformé par la colère, des yeux vides, et une aura de douleur et de rage. L'esprit se tenait là, à la croisée des chemins entre le monde des vivants et celui des morts.

« Maman ! » tenta-t-elle de crier, mais sa voix était étouffée par la peur.

Sa mère se tourna, un sourire radieux sur le visage. « Elena, chérie, reste ici ! » ordonna-t-elle, mais les paroles étaient trop tardives. L'esprit se jeta sur sa mère, et dans un instant, l'ambiance chaleureuse de la cuisine fut remplacée par un froid glacial.

Elena, pétrifiée, regarda sa mère se battre contre cette chose terrifiante. Les cris de douleur résonnaient dans l'air, un écho lointain et désespéré. La petite fille, figée sur place, ne pouvait que regarder l'horreur se déployer sous ses yeux. Son cœur battait la chamade, chaque pulsation résonnant comme un tambour de guerre.

La vision s'évanouit dans un tourbillon de lumière, laissant Elena seule dans l'obscurité du bunker. Les larmes coulaient sur ses joues, témoignant de la douleur d'une perte qu'elle n'avait jamais pu vraiment surmonter. Cette expérience l'avait marquée à jamais, façonnant ses pouvoirs, mais aussi la fragilité de son cœur.

Dans un frisson de dégoût, Elena secoua la tête et se redressa pour tenter de fuir ses idées noires. Sa récente quête du rituel avec les frères Winchester et, désormais Castiel, avait fait ressurgir des souvenirs qu'elle préférait ignorer. Durant cet instant elle pensa à Dean, à sa manière de se renfermer sur lui-même dès qu'il approchait du précipice, de son profond dégoût pour les confidences. Au fond, elle était hypocrite. Elle était comme lui ; ou en tout cas elle le serait sûrement, si elle n'avait pas ce don qui la forçait à s'immerger dans la douleur. Ces visions affreuses, qui la plongeaient sans cesse au plus profond de la noirceur humaine.

Pour tenter de se changer les idées, la jeune femme quitta le salon pour rejoindre la cuisine et se servir un thé. Elle fut plus que surprise d'y voir Dean, assis devant le bar, un whiskey sec entre les mains.

En voyant Elena entrer dans la pièce, Dean ne put s'empêcher de remarquer les traces de larmes sur ses joues, comme des souvenirs d'une douleur passée. Sa première réaction fut de se renfermer, feignant d'être indifférent à son état. « Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda-t-il, un ton détaché mais l'œil inquiet. « On dirait que t'as pleuré. »

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