Chapitre 136

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Ysaé

A moins que tu ne me tues de tes propres mains ça n'arrivera jamais Ysaé et tu le sais.

Une fosse s'ouvrit en moi en entendant Salvor me parler ainsi. 

Me défaisant de son étreinte, j'enroulai mes bras autour de moi pour garder ma propre chaleur corporelle. Je ne voulais plus m'emmitoufler dans la sienne. Pas après les propos qu'il venait de tenir. 

Nous nous fixâmes sans ciller.

Ses yeux lançaient des traits enflammés sur moi.

-C'est quand la dernière fois que tu as mangé? Assena t-il d'un ton bourru.

Mes doigts se crispèrent sur mes avant-bras. Le fait qu'il joue l'indifférent se mua en colère.

-Laisse moi partir. Murmurais je, la voix chevrotante, trahissant mon émoi.

-J'ai dit, c'est quand la dernière fois que tu as mangé.

Je me figeai. Son regard resterait rivé au mien tant qu'il n'obtiendrait pas de réponse.

-Je...ne sais plus.

-Bouge pas. Je m'occupe de toi.

-Tu ne t'ai pas occupé de moi quand Mr Wheeler pinçait mes seins! Criai je.

Je ne pouvais plus faire fi de sa trahison. Elle m'incendiait de toute part.

-Tu l'a laissé faire. Tu es resté là à le regarder me faire...ça et puis...et puis tu es partis!

Ses yeux fouillèrent les miens comme si il cherchait un trésor et que des voleurs venaient le lui dérober.

-Je n'ai rien fais, pour ton bien, Ysaé. Si je m'étais interposé à ce moment là les conséquences auraient été terribles pour toi. Tu le sais aussi bien que moi. Réfléchis un peu.

Mon sentiment de trahison s'estompa quelque peu, car au fond de moi je savais que sur ce coup là, il disait la vérité.

Qu'aurait pu t-il faire?

Boxer Mr Wheeler?

Devant son père?

-Tu as peut-être du mal à le croire, poursuivit il, mais c'est la vérité. Tu n'imagines pas à quel point j'ai du prendre sur moi quand je l'ai vu te tripoter.

Je détournai la tête, feignant d'ignorer ses mots.

-Je vais te chercher à manger, dit-il en se levant.

Il sortit du lit, passa une chemise sur son torse nu et m'embrassa sur le front.

-Une fois que tu auras manger tu te sentiras mieux et auras les idées plus claires.

Salvor sortit de la chambre. Et revint de grosses minutes plus tard, un plateau de nourriture à la main. Le posant sur le matelas devant moi, il tira une chaise et s'assit à coté du lit. L'odeur alléchante de la nourriture tortilla mes entrailles.

-Attention, c'est brûlant.

Je me redressai d'un coup et dévorai le repas brûlant à la vitesse de l'éclair. Salvor resta là à me regarder, le sourire aux lèvres.

-Tu ne manches pas? Demandais je la bouche pleine de sauté de poulet aux champignons.

-J'ai déjà manché, dit-il en m'imitant.

J'acquiesçai d'un mouvement de tête, et vidai mon assiette jusqu'à la dernière cuillerée de riz, jusqu'à la dernière miette de pain saucé, jusqu'au dernier bout de poulet juteux. Je mangeai et bu tout ce qu'il m'avait servit. Ce que ça faisait du bien. Après mettre essuyer les doigts et la bouche avec la serviette, je me permis de faire un rot et m'adossai à la tête de lit, expirant lentement.

-Merci.

Salvor se leva, prit le plateau, le déposa sur le bureau, alla se servir un verre d'alcool puis s'assit à coté de moi sur le lit.

-Tu te sens mieux?

-Oui.

-Il faut qu'on parle.

Ma poitrine se mit à monter et à descendre rapidement. La nourriture que je venais d'ingurgiter se transforma en pierre dans mon estomac.

-Tu vas me ramener dans la Boite?!

-Non. Tu resteras avec moi cette nuit. Demain tu iras en cuisine aider la grosse Betsy. Il est hors de question que tu retournes auprès de Felicity.

-Et si elle me demande?

-Je ferais en sorte qu'elle ne te demande pas.

Après avoir dit cela il ne dit plus rien. Son regard restait bloquer sur mon visage. Le silence dura une éternité. Je sentais mon humeur s'assombrir dans la même proportion que mon désespoir montait en flèche. La certitude que ses prochaines paroles m'anéantiraient.

Je savais de quoi Salvor voulait me parler. Il allait m'annoncer son mariage avec Mlle Felicity. Me dire qu'il était obligé de l'épouser pour des raisons sociales mais que je n'aurais rien à craindre de leur union car il n'aimait que moi. Qu'il me garderait auprès de lui exactement comme son père avait gardé Ma.

Mais jamais je ne pourrais vivre une situation pareille. Rien qu'au fait d'imaginer qu'il allait devoir poser ses mains sur son corps, mettre sa langue dans sa bouche, glisser son membre en elle pour consommer leur mariage, était au dessus de mes forces. Je ne le supporterais pas, pas une seule seconde. Je m'enfuirais avant que cela n'arrive. 

La pression monta derrière mes paupières. 

Ma gorge se serra jusqu'à ce que je puisse à peine respirer.

-Tu n'as pas à avoir peur, petite gazelle, lâcha t-il. Je n'épouserais pas Felicity.

Mon cœur implosa dans ma poitrine.  

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant