Chapitre 8

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Le lendemain, Théo m'attend déjà car j'arrive plus tard qu'à l'accoutumée, devant les marches de l'entrée du collège. Nous avons l'habitude de nous retrouver là avant les cours, chaque matin.

- Ça va ?

- Fatiguée. J'ai pas beaucoup dormi. J'ai repensé à hier soir une bonne partie de la nuit. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Pourquoi est-ce qu'il aurait fait venir tous ses amis et sa copine à un concert d'une musique qu'il n'écoute même pas ?

- Peut-être que l'un d'entre eux écoute ce genre de musique et qu'en réalité Icare n'était là que pour l'accompagner à lui.

- Ah oui, j'avais pas pensé à ça. T'as sans doute raison, comme toujours !

La sonnerie retentit et nous nous engouffrons avec les autres élèves sous l'étroit passage d'entrée.

La matinée passe vite. Nous terminons à midi le jeudi, et passons systématiquement notre après-midi ensemble, chez lui ou chez moi. Nous optons cette fois pour ma chambre : il faut que je choisisse un nouveau CD à faire passer à Icare, et, surtout, je dois répondre à son petit mot. Même si le cœur n'y est plus vraiment.

- Et si je lui demandais carrément ce que sa copine pense de nos échanges ?!

- Ça fait vraiment jalouse hystérique, mais c'est comme tu le sens !

- Non, t'as raison, c'est pas une bonne idée. Je pourrais peut-être lui proposer des cassettes vidéo de clips pour changer des CDs ?

- Oui, pourquoi pas. Fais-moi relire son dernier mot, que je réfléchisse à ce que tu pourrais lui mettre.

J'ouvre le tiroir de mon bureau et sors une enveloppe dissimulée sous une pile de paperasse. Il relit à voix haute le bout de papier que je lui tends :

- « Merci pour cette découverte, tu vas finir par me convertir si ça continue. J'ai toujours considéré ce genre de musique comme de la musique de routier, or jusqu'à preuve du contraire je ne pense pas que tu sois routier, donc peut-être que je me trompais. Sinon, à titre indicatif, il y a Nada Surf (il me semble que tu connais) qui passe à Bordeaux mercredi soir. »

Je mâchonne mon stylo en l'écoutant et il ajoute :

- Tu devrais faire une petite allusion au concert, quand même, dans ton mot. Un truc du genre « J'espère que tes oreilles ont survécu à deux heures de vraie musique. »

- Bonne idée ! Je vais commencer comme ça, puis je lui demande s'il veut les clips. Et je pourrais terminer en lui disant que je lui passe un autre album de Deftones, histoire de finir de corriger sa culture musicale ? Et puis surtout il me faut quelque chose à lui faire passer, sinon je n'aurai rien pour mettre mon petit mot.

- Adjugé !

Pendant que je rédige la réponse, Théo prend le CD sur mon étagère.

Deux jours plus tard, je donne le tout à Hippolyte et suis obligée de me mordre la langue pour me retenir de lui demander qui était la fille qui les accompagnait mercredi.

La semaine d'après, il me rend mon CD et j'ouvre discrètement le mot qu'il contient dès qu'il s'éloigne.

« Bonjour ! Ce serait vraiment cool si tu me passais les clips de métal (du moins ceux qui en vale le coup). J'ai quant à moi quelques raretés de Nirvana qui sont de véritables orgasmes auditifs, rien de mieux pour les soirées déprime ; si ça t'intéresses... Tu auras certainement remarqué que l'orthographe et moi, ça fait 1350², je te demanderais juste de ne pas te foutre de ma gueule. »

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant