Chapitre 16

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Trois semaines plus tard, lorsque Théo et moi arrivons devant l'association, Hippo est déjà là, avec Célian, Guillaume et Icare. Mon regard croise celui de Théo qui me prend la main et la presse comme pour me signifier C'est bon il est là, respire !. Les garçons ne nous ont pas vu arriver car ils sont de dos, en pleine écoute de Cléophée. Elle est certainement en train de leur expliquer le déroulement du week-end. Nous nous dirigeons directement à l'arrière du minibus pour y mettre nos sacs. Tout l'équipement et le matériel a déjà été chargé la veille.

— Enfin vous voilà ! Il ne manquait plus que vous, bravo ! Les anciens pourraient au moins montrer l'exemple en arrivant à l'heure !

Cléophée vient à notre rencontre les bras tendus, en rigolant. Le petit groupe de quatre se retourne et la suit pour venir nous saluer. Je réalise tout à coup que je n'ai revu Icare qu'une fois depuis le voyage en Italie il y a quasiment un an jour pour jour. Nous sommes restés en contact depuis, bien sûr, mais nous ne nous sommes finalement vus que deux fois en tout et pour tout. C'est tout bête, mais je suis impatiente de lui faire la bise. Il s'approche en dernier, et lorsqu'il se penche, il pose sa main sur mon épaule et me regarde droit dans les yeux, dont j'avais presque oublié le bleu si particulier. Je sens une vague de chaleur se propager dans tout mon corps. Son visage se fend d'un large sourire et il me demande :

—- Ça va bien ?

J'essaie de masquer mon trouble et lui réponds de la façon la plus neutre possible. Théo se décale alors légèrement, comme pour nous laisser seuls, et commence à discuter avec Hippo, Célian et Guillaume.

— Très bien et toi ?

— Ah oui super ! J'avais hâte !

Je fais le choix de ne voir dans sa réponse qu'un simple empressement à participer au chantier. Après tout, il avait dit à Théo qu'il était passionné de géologie, et nous serons sur un site de moyenne montagne. Peut-être profitera-t-il du lieu pour partir en exploration aux alentours pour observer le paysage et les roches ?

— C'est la première fois que tu participes à un chantier de sauvegarde du patrimoine ?

— Oui, et je sens que le week-end va être génial. Ils annoncent du beau temps et d'après ce que nous a dit la sœur d'Hippo, le site est super agréable. Célian et Guillaume ne m'ont dit que du bien de la dernière sortie. En plus, je vais être bien entouré, donc tout devrait être parfait !

Bien entouré ? Je me concentre pour ne pas sourire bêtement, il ne peut pas parler de moi, il fait forcément allusion à ses amis, ses amis, ses amis, uniquement ses amis. Je me le répète comme pour m'en convaincre. Guillaume ne lui a certainement pas parlé de notre petite conversation, et c'est tant mieux.

— Allez, en route mauvaise troupe ! On est déjà à la bourre !

Cléophée me ramène à la réalité et nous invite à tous monter dans le minibus. Je me faufile tout au fond, contre la fenêtre et Théo s'assoit à côté de moi. Il reste une place à sa droite, et trois places devant nous. Je prie silencieusement pour que ce soit Icare qui se mette à côté de lui, et suis immédiatement exaucée. Nous pourrons discuter plus facilement.

Dès que nous démarrons, il se penche en se tournant vers moi et ouvre d'emblée la discussion :

— Alors, tu m'as pas donné ton avis sur Mass Hysteria !

Je me penche à mon tour, et avant que j'aie le temps de répondre, Théo intervient.

— Un de vous deux veut changer de place avec moi ? Ça évitera que vous vous contorsionniez !

Je réponds immédiatement.

— C'est bon, on se contorsionne pas, non plus !

Non pas que je n'aie pas envie d'être physiquement plus proche d'Icare, mais pour l'instant, je suis rassurée par la barrière de sécurité que forme Théo entre lui et moi. Icare ne bronche pas ; je reprends le fil de notre conversation.

— Je connaissais déjà ce groupe, c'est mon groupe français préféré en fait.

— Ben tu aurais pu me le faire découvrir plus tôt alors !

Je le taquine.

— Non, c'est du caviar, et tes oreilles d'amateur de techno n'étaient pas encore prêtes, désolée !

Il me sourit largement et prend un air de défi.

— Ah ouais, tu veux jouer à ça ?!

Je lui rends son sourire mais Théo coupe court à notre échange :

— Ils passent à Bordeaux en fin d'année. On y va avec Aux, t'auras qu'à te joindre à nous.

Je suis très surprise par sa proposition. Je ne m'attendais pas à ce qu'il l'invite à venir avec nous pour un concert. Il n'a pas compris la dernière fois ? Je ne comprends même pas qu'il le lui ait proposé et lui en veux presque de ne pas m'en avoir parlé avant de le lui demander.

— Oui carrément ! C'est quand ?

— En décembre, j'ai plus la date en tête.

— OK, ben je vais m'occuper d'en parler aux autres et de me prendre une place.

Aux autres ? Quels autres ? J'espère qu'il ne parle que de ses habituels copains...

Ils se mettent alors à parler tous les deux du concert de Nada Surf et je me renfrogne dans mon siège en regardant par la vitre. A quoi Théo joue-t-il au juste ? Pourquoi est-ce qu'il remet ça sur le tapis ? Et brusquement, je comprends. Il tente de le faire parler, et donc de découvrir qui était la jeune fille qui accompagnait Icare ce soir-là. Je tends une oreille mais réalise rapidement que Théo n'obtiendra pas plus d'informations, il ne semble pas parvenir à amener leur conversation précisément où il le voudrait.

Au fil des kilomètres, leur discussion gagne Célian, Hippo et Guillaume mais je me contente d'écouter. Au bout de longues minutes, Théo se tourne vers moi et m'interroge du regard, pour savoir si tout va bien. Nous nous connaissons par cœur, et n'avons même pas besoin de mots pour nous comprendre. Un regard suffit. Je hoche la tête. Il me sourit et me donne un petit coup d'épaule. Il a compris que je boudais et son petit geste me fait réaliser à quel point je suis puérile. Pourquoi rester à l'écart ? Autant profiter de l'instant présent.

Mais quand je me replonge dans la discussion qui anime l'habitacle, je réalise que les quatre garçons sont en train de parler d'anecdotes qui se sont produites au lycée et qui ne concernent que des gens que je ne connais pas. J'appuie ma tête contre l'épaule de Théo et, bercée par les mouvements du minibus, je m'endors rapidement.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant