9. Duo de détectives

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A peine les vacances ont-elles commencé que Théo et moi nous penchons sur notre mission : trouver où habite Icare. Théo joue les Sherlock Holmes :

— Bon, déjà, on sait qu'il habite le secteur puisqu'il était dans le même collège que nous l'an dernier.

— Certes, mais c'est vaste...

— Ce qu'il nous faut, c'est l'annuaire. On va chercher son nom de famille dedans, et en fonction des adresses qui seront indiquées, on verra lesquelles se trouvent dans le secteur du collège.

— Punaise, son nom de famille ! C'est tout con ça, mais on ne le connaît même pas Théo ! Mince, sans cette info, ça va être compliqué...

— Sans compter que si ça se trouve, ses parents ne sont pas mariés, qu'il a peut-être le nom de l'un ou de l'autre, qu'ils sont sur liste rouge et ne sont donc pas dans l'annuaire... Auxane, Positiv-woman ! Arrête d'être défaitiste, on va trouver. Bon, commençons par le commencement, il faut trouver son nom.

— Et on fait comment s'il vous plaît, Monsieur le détective ?

— Laisse-moi réfléchir...

Au bout de quelques secondes à peine, il s'exclame :

— Je sais ! Il a passé le brevet l'an dernier, et il l'a obtenu. Le nom des candidats admis est toujours publié dans le journal. Il nous suffit de trouver le Sud-Ouest dans lequel les résultats sont parus, et le tour est joué !

— Pour ça, c'est facile, il suffit d'aller à la bibliothèque. Je sais qu'ils y archivent les journaux. Une fois qu'on a le bon numéro, il suffit de chercher les Icare. Il ne doit pas y en avoir cinquante. T'es trop fort, mon Théo.

Il prend son sac à dos et y fourre un calepin, un stylo, l'annuaire et un plan de Bordeaux. Nous dévalons les marches quatre à quatre et marchons rapidement jusqu'à l'arrêt de bus.

Trente minutes plus tard, nous sommes installés dans une position peu académique à genoux sur nos chaises, le bon journal grand ouvert devant nous. Notre bibliothèque de quartier mériterait d'êtrerénovée, mais elle dispose d'un fonds assez riche pour les quelques recherchesque nous venons y faire de temps en temps. Les tables et chaises sont toutesdépareillées et la moquette grisâtre qui recouvre les murs semble imprégnée depoussière, à tel point qu'on pourrait croire qu'elle était autrefois blanche eta changé de couleur en se couvrant de saletés. Je pointe mon doigt et crie presque, faisant sursauter Théo et se tourner tous les regards vers nous :

— Là !

Je m'excuse, consciente d'avoir troublé le silence ambiant, et poursuis plus bas :

— Regarde, Icare Dudez.

— Attends Aux, ça ne veut pas dire que c'est lui, il y a peut-être d'autres Icare. Je note celui-là, en attendant.

Un quart d'heure plus tard, l'ensemble des noms a été vérifié, sans la moindre trace d'un autre Icare. Nous replions soigneusement le journal et le rendons à la documentaliste en la remerciant. Nous sortons rapidement des lieux et nous installons sur un banc des espaces verts qui se trouvent face à labibliothèque. Il s'agit d'un carré de pelouse quadrillé par un chemin de castinejaunâtre, et dont le périmètre complet est entouré de bancs réalisés dansd'anciennes traverses de chemin de fer en bois. Théo sort l'annuaire de son sac sans plus attendre.

— Bon, Dudez. J'espère qu'il n'y en aura pas toute une flopée, sinon on va avoir du mal à trouver lequel est le bon. Il ne faudrait pas non plus que ses parents soient sur liste rouge. Sinon, on ne les trouvera pas.

La chance nous sourit encore ; il n'y a qu'un Dudez dans l'annuaire à la partie de Bordeaux, un certain Bruno. Je plonge les mains dans le sac de Théo et en retire le plan pour vérifier où se situe l'adresse. C'est à quelques rues à peine du collège, non loin de l'itinéraire que Théo et moi empruntons pour nous retrouver chez l'un ou chez l'autre.

— Je pensais que ce serait plus compliqué que ça.

— Attends, attends, maintenant il va falloir y aller voir, sans se faire voir justement.

— On n'a qu'à y aller en fin d'après-midi, il fait nuit tôt avec le passage à l'heure d'hiver, ce sera plus discret.

— Ça me va.

Nous rentrons chez lui et patientons toutl'après-midi, enchaînant des téléfilms tous plus mauvais les uns que les autressur la petite télévision de sa chambre. Son antre ressemble trait pour trait aumien dans la disposition des meubles. La seule différence tient dans la couleurverte des murs, et dans la taille de son lit, deux places et donc immense parrapport au mien. A dix-huit heures, le soleil a déjà sérieusement décliné, et nous décidons de partir en exploration. Pas besoin de prendre le bus, la rue où Icare habite peut-être se trouve à cinq cents mètres maximum. Nous atteignons le numéro quinze, comme indiqué dans l'annuaire, en moins de dix minutes.

Une imposante maison à deux étages trône dans un grand parc boisé. Elle est entourée d'un muret de pierres surmonté d'une grille en fer forgé. Un haut portail clôt l'ensemble. De grands arbres organisés en bosquets occupent le vaste jardin. Je chuchote :

— Je crois que chez les Dudez, on n'est pas à plaindre !

— Je te confirme !

Théo désigne la grosse berline blanche flambant neuve garée dans l'allée goudronnée et ajoute avec un accent guindé :

— Nous n'avons pas les mêmes valeurs, ma chère !

— C'est clair !

Puis il se tourne vers moi et m'interroge :

— C'est bon, t'as vu ce que tu voulais voir, on rentre ?

— Oui, de toute façon tous les volets sont fermés, on ne verra rien de plus.

J'avoue que la journée m'a épuisée, et je ne suis pas mécontente lorsque je m'écroule enfin sur mon lit.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant