4. Retour à la réalité

385 53 0
                                    

Nous reprenons notre discussion pendant que le bus avale les kilomètres et, lorsqu'il s'arrête devant notre collège, nous sommes aussi surpris l'un que l'autre d'être déjà arrivés. Nous n'avons pas vu la route défiler. Je suis partagée entre la joie de voir cet interminable trajet se terminer, et le vide que va créer la séparation d'avec Icare. J'ai du mal à réaliser qu'il y a quelques heures à peine, on ne se connaissait même pas. Notre conversation badine a duré toute la nuit, je suis épuisée, les yeux me brûlent, mais j'aurais souhaité la prolonger encore. Je sais qu'il n'y a aucune raison pour que nous la reprenions un jour : dans une semaine ce seront les grandes vacances et à la rentrée prochaine, Icare sera parti au lycée...

Nous sommes arrivés plus tôt que prévu. Aucun parent n'attend à la descente du bus ; les groupes de départ se reforment, Théobald me rejoint, en tirant ma valise qu'il a déjà récupérée dans la soute.

— Enfin je te retrouve ! Je t'avoue qu'Archibald commençait un peu à m'ennuyer. Il est sympa, mais il m'a parlé de science-fiction dès qu'il s'est réveillé, et durant toute la matinée...

— Chacun son tour, moi j'y ai eu droit hier soir !

Nous décidons de rentrer à pied jusqu'à chez lui, car la distance à parcourir est moins longue que d'aller chez moi, surtout avec tous nos sacs à trimballer. A peine nous sommes-nous éloignés de quelques pas que Théo m'interroge.

— Alors, Icare t'as posé beaucoup de questions ?

— C'est-à-dire ?

— Ben je sais pas, il a passé une bonne partie de la soirée à me demander des trucs sur toi.

Mes lèvres s'étirent jusqu'aux oreilles malgré moi et je m'arrête au milieu du trottoir de surprise. Théo se retourne et revient sur ses pas pour se placer à ma hauteur.

— Du genre ?

— Tes goûts musicaux, ce que tu aimes en général, où tu vis, si t'avais un copain...

— Et tu lui as dit quoi ?!

— Eh ! Calme, calme ! Je lui ai juste donné le nom de quelques groupes que tu écoutes, je lui ai dit qu'on faisait tous les deux partie d'une association de sauvegarde du patrimoine et que tu étais passionnée d'histoire.

— Super, je vais passer pour une catho coincée ! Merci Théo...

— Mais non, attends, t'excite pas ! Déjà avec les noms de groupes que je lui ai donnés, c'est pas possible. Même si, d'ailleurs, il n'en connaissait pas la moitié. Il aime la techno figure-toi !

— Oui, oui, il m'a dit ça. On a aussi parlé musique figure-toi. Il a fait un commentaire au sujet de l'asso ?

— Pas vraiment, il a juste dit que son truc à lui c'était la géologie. Alors tu vois, il y a pire que toi !

— Ah ouais ? Intéressant...

Il me regarde en souriant.

— Quoi ?

— Ça y est, t'es à fond sur lui !

Je me remets en marche pour me laisser le temps de réfléchir à ma réponse, Théo sur les talons.

— Quand même pas, mais c'est vrai qu'il est plutôt pas mal. Ses yeux ont un côté mystérieux... Et puis, je sais pas, on a passé toute la nuit à discuter, et j'aurais aimé que ça ne s'arrête pas. J'aurais aimé le connaître davantage.

— Il a du charme. C'est vrai. J'ai jamais fait trop attention s'il avait une copine dans le collège. Mais vu le nombre de questions qu'il m'a posées sur toi, je me demande si tu ne lui as pas aussi tapé dans l'œil !

Nous rions ensemble en passant le seuil de sa maison.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant