L'emplacement du tamisage étant relativement proche, j'entends toujours ce qui se passe autour du tas de terre. Célian est en train de reproduire mes gestes et demande à Théo :
— Comme ça ?
— Oui, nickel.
Puis Théo ajoute à l'attention des trois autres :
— Par contre, on doit tous avancer à la même vitesse pour éviter qu'il y en ait un qui soit à une couche plus profonde que les autres.
Guillaume demande :
— Pourquoi ?
— Parce que si jamais on trouvait quelque chose, Cléo devrait en répertorier l'emplacement exact. Et pour ça, il faut fonctionner par strates. Donc s'il y a un trou au milieu, ça fausse les données, pour la datation notamment.
— Putain, tu es expert !
— Non pas vraiment, mais je suis ami avec Aux depuis toujours, et l'archéologie, c'est une de ses passions. Elle m'a traîné sur bon nombre de chantiers déjà. Elle aime que les choses soient faites dans les règles de l'art.
Je choisis ce moment-là pour revenir.
— Je rêve ou j'ai entendu mon prénom ?
Théo relève la tête.
— Non, tu n'as pas rêvé, on parlait archéologie, donc forcément j'ai mentionné ton nom.
Icare, visiblement intrigué, me demande :
— Tu veux être archéologue plus tard ?
— Non, c'est juste une passion.
— Ben justement, pourquoi ne pas en faire ton métier ?
— J'ai le temps de penser à ça, non, tu ne crois pas ?
— Oui, c'est sûr que tu es encore jeune toi.
— Parce que toi tu es vieux peut-être ?!
— Ben plus vieux que toi, en tout cas.
Je ne sais pas trop comment interpréter sa dernière remarque. Est-ce qu'il considère sincèrement que je suis trop jeune... tout court, ou trop jeune... pour lui ? On n'a que deux ans de différence. Ma machine à questions est interrompue en pleine mise en route par Théo.
— Si vous voulez savoir comment tamiser, mon seau est plein donc vous pouvez venir voir, je vais aller le vider.
Guillaume, Célian et Icare posent leur matériel et suivent Théo. Hippo rompt le silence :
— C'est la première fois que je fais ça. On le fait pas souvent avec l'asso, si ?
— Non, c'est vrai, c'est rare. Mais ça dépend des années, en fait.
— Comment ça se fait que tu aies déjà fait des chantiers de fouilles alors ?
— C'est parce que pendant les vacances d'été, on part avec Théo faire des sortes de stages. C'est comme partir en colo, sauf qu'on joue à Indiana Jones !
— Ah OK, je connaissais pas. Honnêtement, pour le moment, je suis pas convaincu, parce qu'à part gratter de la terre...
Je lui souris.
— C'est normal, c'est un peu répétitif. Mais tu vas voir, quand tu vas trouver quelque chose, tu seras trop content. Moi quand je trouve un truc, même minuscule, j'ai presque l'impression d'avoir gagné au loto !
— Et, à ton avis, on pourrait trouver quoi là dedans ?
— Alors là, aucune idée ! Le problème avec les fouilles clandestines, c'est que c'est souvent des gens qui n'y connaissent rien qui retournent tout, en croyant trouver un trésor ou je ne sais quoi, alors que c'est jamais le cas. Donc soit ils ont été minutieux et mis de côté le moindre petit objet et on ne trouvera rien, soit ils y sont allés à la barbare et on pourra trouver des trucs. Mais quoi, mystère...
— T'as l'air à fond en tout cas !
— Ah oui, si tu me branches sur l'archéo, ou l'histoire en général je m'arrête plus !
— C'est marrant.
Théo, Célian, Icare et Guillaume reviennent à cet instant.
— Qu'est-ce qui est marrant ? demande Icare.
— Si on te le demande, tu diras que tu sais pas ! lui répond Hippo, ce qui lui vaut le jet d'une poignée de terre qui lui passe juste à côté.
— Manqué !
— Je t'aurai plus tard...
Chacun reprend sa place. Nous passons l'après-midi à parler musique avec Icare et Guillaume, tandis que Théo, Célian et Hippo commentent la fin de la saison de football.
Un peu avant dix-sept heures, comme tout le monde est fatigué, Cléophée sonne le rassemblement et nous nous arrêtons tous. Après avoir attaché le matériel à nos sacs, nous empruntons le sentier qui nous ramène au terrain de camping. Théo est devant moi et continue sa discussion avec Célian et Hippo, qui semblent plus à l'aise dans la descente. Guillaume s'est joint à eux au moment où Icare s'est arrêté pour refaire ses lacets.
Rapidement, je sens quelqu'un s'approcher derrière moi et n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit.
— Tu sais que Deftones doit sortir un nouvel album ce mois-ci ?
Je fais semblant de sursauter et Icare ajoute :
— Excuse-moi je croyais que tu m'avais entendu, je ne voulais pas te faire peur.
— J'étais dans mes pensées, j'ai pas fait gaffe, c'est tout. Tu disais ?
— Rien d'important, tu pensais à quoi ?
Voilà ce qui arrive quand on ment, on se fait prendre à son propre piège ! Vite, une réponse !
— Euh... rien en particulier, j'étais juste perdue dans le vague.
Il semble déçu, et se répète :
— Je te demandais si tu étais au courant que Deftones sortait un nouvel album dans quelques jours.
— Ah oui je sais, ce sont mes dieux !
— Carrément ?!
— Oui, il n'y a pas de mot pour décrire ce que je ressens quand j'écoute ce groupe.
— Eh ben. Effectivement, ça a l'air intense !
Il me fait un grand sourire que je lui retourne. Il marque une pause, comme s'il hésitait avant de poser sa question.
— C'est pas bizarre pour une fille d'écouter ce genre de musique ?
— C'est-à-dire ? C'est quoi de la musique de fille au juste ? Tu considères que je devrais écouter quoi ?!
— T'emballe pas ! Je sais pas, un truc moins... bourrin ? C'est un truc de mec ça !
— Mais peut-être que je suis un mec alors, au fond.
Il me regarde, sceptique.
— Ça me ferait bien chier...
Je ne relève pas et il reste silencieux.
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Je croi(s) qu'en fait je t'aime...
RomanceAuxane et Icare se rencontrent en 1996 alors qu'ils sont encore jeunes. Rapidement, ils se tournent autour et tous les prétextes sont bons pour multiplier les contacts, jusqu'à ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre. Mais les années passent sans...