Trois semaines plus tard, lorsque Théo et moi arrivons devant l'association alors que le soleil n'est pas encore levé, Hippo est déjà là, avec Célian, Guillaume et Icare. Sans même me regarder, Théo me prend la main et la presse discrètement comme pour me signifier C'est bon, il est là. Les garçons ne nous ont pas vus arriver car ils sont de dos, en pleine écoute attentive des consignes de Cléophée. Elle est certainement en train de leur expliquer le déroulement du week-end. Nous nous dirigeons directement à l'arrière du minibus pour y déposer nos sacs. Tout l'équipement et le matériel nécessaire au chantier a déjà été chargé la veille par les adultes qui font partie du voyage.
— Enfin vous voilà ! Il ne manquait plus que vous, bravo ! Les anciens pourraient au moins montrer l'exemple en arrivant à l'heure !
Cléophée vient à notre rencontre les bras tendus, en rigolant. Le petit groupe de quatre se retourne en entendant sa fausse réprimande et la suit pour venir nous saluer. Je réalise tout à coup que je n'ai revu Icare qu'une seule fois depuis le voyage en Italie, il y a quasiment un an jour pour jour maintenant. Et cette entrevue au concert de Nada Surf m'avait laissé un goût amer. Nous sommes certes restés en contact depuis, mais nous ne nous sommes finalement vus que deux fois en tout et pour tout. C'est un acte tout bête, mais je suis impatiente à l'idée de lui faire la bise. Je me sens fébrile. Je ne sais pas comment me comporter face à lui maintenant que je ne peux plus me cacher derrière mes mots. Il s'approche en dernier, et en se penchant vers moi, il pose sa main sur le haut de mon bras et me regarde droit dans les yeux une fraction de seconde avant de me saluer. Je jurerais que ce n'est pas une simple bise rapide de bonjour classique, et qu'il a vraiment pris le temps de déposer ses lèvres sur chacune de mes joues. Mais mon cerveau me joue probablement des tours. J'avais presque oublié le bleu si particulier de son regard. Je sens une vague de chaleur partir de son contact sur mon épaule et envahir tout mon corps. Son visage se fend d'un large sourire et je baisse le regard, gênée par la situation. Comme si nous étions des amis proches et qu'on s'était quittés la veille, il me demande :
— Ça va bien ?
J'essaie de masquer mon trouble et lui réponds de la façon la plus neutre possible. Théo se décale alors légèrement, comme pour nous laisser seuls, et commence à discuter avec Hippo, Célian et Guillaume en les entrainant à sa suite.
— Très bien et toi ?
— Ah oui, nickel ! J'avais hâte.
Je fais le choix de ne voir dans sa réponse qu'un simple empressement à passer du temps avec ses amis, surtout Guillaume qu'il ne voit plus aussi souvent, et peut-être à participer au chantier. Après tout, il avait dit à Théo qu'il était passionné de géologie, et nous serons sur un site de moyenne montagne. Peut-être profitera-t-il du lieu pour partir en exploration aux alentours pour observer le paysage et les roches ? Alors que je connais très bien la réponse, je poursuis la discussion pour maintenir le lien qui se crée entre nous.
— C'est la première fois que tu participes à un chantier de sauvegarde du patrimoine ?
— Oui, et je sens que le week-end va être génial. Ils annoncent du beau temps et d'après ce que nous a dit la sœur d'Hippo, le site est super agréable. Célian et Guillaume ne m'ont dit que du bien de la dernière sortie. En plus, je vais être bien entouré, donc tout devrait être parfait.
Bien entouré ? Je me concentre pour ne pas sourire bêtement, il ne peut pas parler de moi, il fait forcément allusion à ses amis, ses amis, ses amis, uniquement ses amis. Je me le répète comme pour m'en convaincre. Guillaume ne lui a certainement pas parlé de notre petite conversation de la dernière fois, et c'est tant mieux.
— Allez, en route mauvaise troupe ! On est déjà à la bourre ! Je passe devant avec le minibus, tous ceux qui sont en voiture me suivent, comme d'habitude.
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Je croi(s) qu'en fait je t'aime...
RomanceAuxane et Icare se rencontrent en 1996 alors qu'ils sont encore jeunes. Rapidement, ils se tournent autour et tous les prétextes sont bons pour multiplier les contacts, jusqu'à ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre. Mais les années passent sans...