Chapitre 40

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Je garde les albums d'Icare jusqu'aux vacances de la Toussaint, où je rends le tout à Hippo avec plus de trois mois de l'émission de clips de métal que j'enregistre chaque mercredi, sur cassettes, toutes calées aux endroits des morceaux que je souhaite qu'il regarde en priorité, avec le traditionnel petit mot. J'y fais quelques commentaires sur les CDs qu'il m'a passés, lui dis que j'espère que sa nouvelle vie se passe bien, et qu'il n'hésite pas à faire signe quand il rentre à Bordeaux.

J'obtiens sa réponse aux vacances de Noël. Il m'apprend qu'il a encore plus d'heures de cours qu'au lycée mais que son cursus est passionnant. Il parle pour la première fois de ses parents et explique, sans entrer dans les détails, que sa relation avec eux est compliquée et qu'il ne pense pas rentrer avant l'été prochain, mais qu'il nous verrait, Théo et moi, avec grand plaisir, ce qui me réjouit.

Aux vacances d'hiver, je transmets à Hippo de nouvelles cassettes juste avant qu'il ne parte pour Pau, et la réponse d'Icare me revient pour les vacances de printemps. Elle ne traite que de musique, mais compte encore plus de fautes que d'habitude. Dans un post scriptum, il m'en explique la raison : il a volontairement fait des erreurs pour que je m'entraîne à les corriger avant l'épreuve de français du baccalauréat, pour laquelle il me souhaite bonne chance, ce que je trouve adorable.


Les vacances d'été sont déjà bien entamées lorsqu'un mercredi soir, Hippo vient accompagné d'Archibald, Guillaume, Célian et Icare sur les terrains de beach-volley. Je n'avais pas du tout pensé à cette éventualité et suis presque déçue de n'avoir pas pu me préparer davantage : je me serais probablement habillée différemment, et j'aurais essayé d'anticiper la soirée. 

Le contact des lèvres d'Icare sur ma joue lorsque nous nous faisons la bise m'électrise. Un sourire débile se fixe sur ma bouche et mon esprit s'envole directement sur un petit nuage lorsqu'il propose de jouer avec Théo et moi contre ses quatre acolytes. Et même si j'ai du mal à me concentrer sur le jeu, j'essaie de faire de mon mieux pour ne pas faire perdre mes partenaires. Les sourires que me lance Icare me boostent. Il a l'air sincèrement heureux de nos retrouvailles et je ne peux m'empêcher d'y voir un signe positif. 

Après trois parties, Archibald propose que nous allions tous nous chercher des sandwiches pour manger ensemble en bordure de la Garonne, mais Théo et moi avons pour habitude de dîner avant de venir, ce qui a pour conséquence, une fois que nous le leur apprenons, de nous attirer les railleries d'Archibald qui nous traite de papi et mamie. Théo nous défend en disant que la semaine suivante, nous pourrions remettre ça. Mais Icare répond que ce sera sans lui, car il sera déjà rentré à Pau.

Je souhaite donc prolonger au maximum le peu de temps dont nous disposons ensemble. Malheureusement, Archibald en a décidé autrement, il accapare Icare qu'il n'a pas vu depuis longtemps lui non plus, toute la soirée. Nous nous séparons peu avant minuit, mes parents et ceux de Théo n'étant pas prévenus de notre retour si tardif. Icare n'a pas l'air de chercher à nous retenir, et je finis par réaliser qu'il est certainement passé à autre chose. Ses sourires irrésistibles étaient sincères, mais ne signifiaient rien de particulier.


L'année de terminale passe aussi rapidement que celle de première, et, sans que nous ne nous en rendions compte, Théo et moi en sommes déjà à chercher un appartement pour Pau, le bac en poche.

Nos parents ont accepté que nous allions étudier là-bas à la rentrée à la condition que nous trouvions un appartement pas trop cher. Nous en cherchons en priorité un qui serait assez grand pour nous accueillir tous les deux, mais en vain. Nous faisons nos recherches depuis Bordeaux, avec les annonces que nous lisons chaque jour dans le journal spécialisé qu'un buraliste de notre quartier nous fait généreusement venir.

Un jour que nous sommes installés dans le parc proche de chez nous, journal grand ouvert sur une table de pique-nique et surligneur à la main, Adréane passe et s'approche de nous. Nous sommes restées trois ans dans la même classe sans jamais avoir réellement pris la peine de faire connaissance. Le fait qu'elle vienne vers moi me surprend totalement. Elle s'assoit à notre table et entame la conversation en me demandant quelles notes j'ai obtenues au bac, et ce que je compte faire l'an prochain. Lorsque je lui explique que je vais partir étudier l'archéologie à Pau, elle m'apprend que son frère quitte l'appartement qu'il y occupait depuis deux ans pour s'installer quelques rues plus loin en colocation avec un copain qu'il s'est fait sur place, et qu'elle pourrait certainement me donner les coordonnées du propriétaire pour savoir si son appartement actuel est déjà loué ou pas. Même si l'idée est complètement folle, je saute sur l'occasion et accepte sa proposition.

Le lendemain, elle nous retrouve au même endroit avec le numéro de téléphone griffonné sur un papier.Je me demande bien sûr si ce sont ses parents qui le lui ont donné ou si elle a appelé Icare pour qu'il le lui communique, sans obtenir plus d'indices. Dès qu'elle nous quitte, Théo et moi nous rendons dans la cabine téléphonique la plus proche : l'appartement est non seulement libre, mais le propriétaire en possède d'autres qu'il loue aux étudiants pour une bouchée de pain. Nous avons convenu ensemble d'un rendez-vous deux jours plus tard pour aller les visiter tous les deux. Théo et moi prendrons le train et utiliserons les transports en commun sur place pour nous y rendre. Nous trépignons déjà d'impatience.    

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant