Chapitre 69

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Nous sommes mi-janvier, c'est une nouvelle année qui commence, l'occasion de repartir à zéro. J'ai passé bien trop de temps à me laisser submerger par mon désespoir.

Je dois travailler pour préparer mes partiels et me plonge à corps perdu dans mes révisions en faisant des recherches interminables à la bibliothèque universitaire pour ne plus avoir de temps libre, ne plus avoir de temps pour penser, ne plus penser à lui. Je valide brillamment mon premier semestre et aborde le second avec un objectif bien éloigné des cours : je décide que le premier garçon qui me fera un peu de rentre dedans sera mon pansement anti-Icare. Après tout, il y en a un qui, dans mon groupe de travaux dirigés, en début d'année scolaire, n'arrêtait pas de me faire des allusions grivoises et me tournait autour sans grande subtilité, il conviendra parfaitement. Il est blond, tout ce que je déteste, ce qui constitue un bon point car je n'ai aucune envie de m'y attacher.

Comme il le fait régulièrement, la semaine où nous reprenons les cours après les examens, il s'assoit juste derrière moi dans l'amphithéâtre et cherche à attirer mon attention par tous les moyens. Je l'invite à se déplacer et à s'installer à côté de moi. Il enjambe la planche qui sert à la prise de notes et me rejoint, un peu surpris mais le sourire jusqu'aux oreilles. Le soir même, nous finissons dans les bras l'un de l'autre et je ne le repousse pas lorsqu'il passe à la vitesse supérieure.

Nous nous voyons ainsi tous les soirs, allons à des soirées ensemble puis passons la nuit soit chez lui, soit chez moi, et allons à la faculté main dans la main. Des soirées dont je n'ai pas l'habitude, en couple. Au bout d'une quinzaine de jours, il me fait la plus belle des déclarations alors que nous sommes en route pour le campus. Il m'avoue qu'il m'aime et je ne peux retenir mes larmes. Non pas parce que je trouve son aveu émouvant, mais parce que la situation me renvoie à un passé récent bien trop douloureux, où j'aurais tout donné pour que celui que j'aime me dise la même chose. Le soir venu, alors que nous avons rendez-vous, je lui pose un lapin et le quitte lâchement par texto.

J'enchaîne ainsi trois relations jusqu'à la fin du second semestre universitaire. Mon comportement me dégoûte, et il n'a même pas le mérite de porter ses fruits. Pas une minute ne passe sans que je ne pense à lui. Théo et Théophane me remontent le moral autant qu'ils le peuvent, mais dès que je me retrouve seule, les petits murs fragiles que je tente de construire autour de moi pour me protéger s'effondrent, et je me laisse aller à lire, relire et re-relire ses innombrables messages et courriers religieusement conservés.


Au mois de juin, je décide de me rendre seule à Poitiers, bien qu'Icare m'ait proposé sa compagnie pour des concerts, dans son avant-dernière lettre. En effet, le groupe Deftones vient exceptionnellement y jouer pour une unique date en France et je ne manquerais leur venue pour rien au monde.

Être une fille, qui plus est seule, à ce genre de concert, favorise les rencontres, dans un public majoritairement composé de garçons. C'est ainsi que je fais la connaissance d'un jeune homme, Lazare. Son prénom me fait bien évidemment penser à quelqu'un d'autre mais j'essaie d'y faire abstraction. Lazare est non seulement craquant, mais en plus très sympathique. La coïncidence fait qu'il soit originaire de Bordeaux, et ceci, ajouté à notre goût musical commun, fait que nous ne nous lâchons pas de la soirée, échangeons nos numéros de téléphone et nous promettons de nous appeler.

Ce que nous faisons dès le lendemain. Nous apprenons ainsi à nous connaître petit à petit et passons chaque jour plus de temps au téléphone, jusqu'à ce que nous décidions de nous revoir. Nous débutons alors une relation empreinte de respect mutuel et prenons notre temps. Il effectue l'aller-retour Bordeaux-Pau chaque week-end et je commence à m'attacher à lui, même si mes Je t'aime en réponse aux siens sonnent faux, la plaie dans ma poitrine étant toujours béante.


À la fin du mois d'août, alors que je ne m'y attendais plus, je reçois un message sur mon téléphone. Un message de lui. Icare. Je suis seule à ce moment-là et mon cœur s'emballe. Il me demande des nouvelles comme pourrait le faire n'importe quel ami, mais après un si long silence, mes émotions prennent le dessus, je ne peux m'empêcher de voir là un signe positif de sa part. Il me raconte qu'il va commencer une nouvelle année universitaire bien loin de Pau, puisqu'il va déménager à Paris. Je me convaincs dès lors qu'un tel éloignement doit définitivement arrêter tous mes espoirs de voir un jour notre histoire reprendre. Il me propose que nous nous voyions, en amis, une dernière fois avant qu'il ne parte, ce que je m'empresse bien évidemment d'accepter, en le cachant à Lazare, qui ignore tout de cette relation passée et de l'enfer dans lequel elle m'a plongée.

Il me rejoint ce soir-là devant le portail de la propriété où se trouve mon appartement pour que nous nous rendions ensemble au restaurant, dont nous avons convenu qu'il serait le même que la seule et unique fois où nous étions sortis ensemble en public car nous y avions très bien mangé, même si pour moi, ce lieu ne fait que renvoyer l'écho de sa voix m'affirmant « Je ne t'aime plus ».

Dès que j'aperçois sasilhouette et son visage familiers, je meurs d'envie de me blottir contre luiet d'appuyer mes lèvres contre les siennes, mais pour la première fois depuisbien longtemps, nous nous contentons de nous faire la bise sur la joue. Jem'efforce toute la soirée de jouer à la bonne copine et ne fais aucune allusionà notre histoire passée. Nous parlons de tout et de rien, rions ensemble etparlons musique comme nous le faisions auparavant. Tout paraît simple et limpideentre nous, à tel point que je me demande si Icare perçoit la facticité de mesréactions. Et lorsque je lui propose de le poser chez lui en voiture à la finde notre soirée en centre-ville, il accepte et me demande de rester avec luipour la nuit, en tout bien tout honneur, juste pour profiter une dernière foisde la sensation de mon corps dans ses bras. J'en rêve depuis tellementlongtemps que je ne cherche même pas à lutter. Je sais que quoi qu'il se passe,ce sera pour la dernière fois. Cette soirée est une soirée d'adieux. 


(Dernier chapitre demain matin puis Epilogue vendredi, et fin de l'aventure !)

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant