55. Restera ou restera pas ?

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Le mardi soir, Icare sonne à vingt-et-une heures précises. Je suis surprise qu'il ne vienne pas directement à ma porte comme il le fait d'habitude. Dès que j'arrive au portail, il me fait une moue et m'indique du doigt que la clé habituellement suspendue derrière le poteau ne s'y trouve pas. A peine ai-je ouvert le cadenas qu'il pousse le portail, me prend dans ses bras, me soulève et fait un tour sur lui-même en posant ses lèvres sur les miennes. Je sens mes joues rougir mais ne profite pas vraiment de l'instant, plus préoccupée par la possibilité qu'il me trouve trop lourde que par le bonheur de le retrouver.

Lorsqu'il me pose enfin, après un temps qui me semble bien trop long, nous nous dirigeons vers mon appartement, main dans la main. J'ai très chaud malgré les températures de ce mois de novembre, alors qu'Icare a sa main gelée, probablement refroidie par son trajet en skate.

Nous passons une soirée exquise, allongés l'un contre l'autre, à nous embrasser et nous dire des mots doux, avec Noir Désir en fond sonore, même si aucun de nous n'a le cran de prononcer de vive voix les fameux mots échangés par messages.

Je souhaiterais que ce moment ne s'arrête jamais, mais Icare rompt le charme à deux heures du matin.

— Il faut que j'y aille, on a cours demain, on va être crevés petit ange.

Je me souviens de la journée horrible que j'avais passée à lutter pour ne pas m'endormir dans l'amphithéâtre la fois précédente. Mais bien qu'il ait raison, je préfèrerais prolonger encore ce moment.

— Pas grave !

— Non, bien sûr, mais faut qu'on dorme Aux, surtout que j'ai des oraux vendredi. Si j'arrive avec la tronche fracassée, ça va pas le faire.

Il se redresse et j'en fais autant, puis il se lève en me tendant la main pour m'inviter à le rejoindre. Il prend mon visage dans ses mains.

— Je t'aime tellement Aux.

Il m'embrasse furtivement, un petit baiser tendrement déposé sur mes lèvres.

— Moi aussi.

— Dis-le moi, s'il te plaît.

— Je t'aime, Icare.

Son visage se fend littéralement d'un sourire, qui va jusqu'à lui provoquer des ridules au coin des yeux. Je ne peux que lui renvoyer le même visage heureux. Il me serre fort dans ses bras puis s'en va, à mon plus grand regret.

Le lendemain, vers midi, je lui envoie un message pour savoir à quelle heure il pense passer le soir même. Il ne me répond qu'à dix-huit heures.

> Si ça ne te dérange pas, j'irai plutôt faire du skate du côté de chez toi demain, faut que je prépare mon oral.

Je lui mens, prétextant une soirée prévue avec Théo et ses voisins étudiants, comme ils en organisent chaque jeudi, et lui rappelle que son oral est justement le vendredi matin, donc qu'il aura tout intérêt à se coucher tôt.

> Je suis sûr que tu dis ça pour te venger de lundi où je suis pas venu !

J'insiste, même si c'est faux, afin qu'il ne pense pas que je n'ai aucune vie sociale et que je passe mon temps à l'attendre.

> Non, j'ai vraiment une soirée avec Théo, mais je vais annuler, tant pis.

> T'es un ange... MON petit ange !

> Et toi un démon !

> Ouais, je sais, ton petit démon ! Et je suis super chanceux de t'avoir ! Je t'aime Aux, à demain.

> A demain, je t'aime.

> Ça me fait trop bizarre quant du me dis ça parce que je m'été fait à l'idée que tu m'aimerait jamais... Je voudrai déjà être à jeudi soir.

Le jeudi, à vingt heures trente, Icare me propose pour la première fois de passer chez lui, pour changer, précisant qu'Eustache est absent. Je m'y précipite, ravie de découvrir enfin son univers. Je trouve une place pour me garer dans sa rue, et le temps que je descende de ma voiture, il m'accueille de ses bras réconfortants, sur le trottoir. L'idée qu'il ait pu épier mon arrivée à sa fenêtre me réjouit.

Son appartement est situé au dernier étage d'un tout petit immeuble, juste sous les toits. Il est bien plus grand que le mien. Les pièces sont organisées en enfilade, on pénètre par la cuisine, dont le rangement témoigne parfaitement de la présence de deux garçons avec des notions de ménage approximatives, puis le salon, la salle de bains, et un minuscule couloir qui distribue les chambres d'Icare et d'Eustache.

Icare s'installe dans un des fauteuils du salon et tape sur ses cuisses pour m'inviter à m'asseoir sur ses genoux.

— Je vais t'écraser...

— Au moins ! Arrête, viens là.

Il m'attire contre lui en se décalant légèrement et me serre dans ses bras en m'embrassant sur les cheveux, dont il respire l'odeur bruyamment.

— Tu sens trop bon.

— Je sais, je sais. Parfum Auxane, très rare et très recherché !

— Très recherché j'en doute pas, et c'est moi le seul privilégié à y avoir droit...

Nous nous sourions.

— T'es prêt pour ton exam de demain ?

— Bien sûr, tu penses bien ! Mais on va pas parler de cours. Tu veux écouter quoi ?

Noir Des', j'écoute que ça en boucle depuis que le dernier album est sorti.

— C'est vrai qu'il est génial, j'adore le titre Le vent nous portera, surtout la partie où il chante « génétique en bandoulière, des chromosomes dans l'atmosphère, des taxis pour les galaxies », je trouve ça super beau.

Il se lève et place le CD dans le lecteur, et la musique envahit son appartement. Je me relève et commente :

— On s'assagit musicalement je trouve, on doit vieillir, on est en train de virer plan-plan là !

— C'est pas ça, c'est juste Noir Des' qui fait exception dans notre musique de sauvages...

— Je sais pas ce que c'est, mais en tout je m'en lasse pas !

— On va se mettre dans ma chambre ? On sera mieux installés.

Il me tend la main et je le suis. Sa chambre est tapissée d'affiches publicitaires faisant la promotion de couvertures de magazines people. J'en suis très surprise.

— C'est quoi ces horreurs ?!

Il m'attrape par la taille, me plaque en me faisant tomber sur son lit et se couche sur moi.

— Tu me cherches, là ! On critique pas mes affiches ! C'est des potes qui m'avaient fait une farce quand on a aménagé avec Eustache, et du coup je les ai laissées, ça m'avait bien fait marrer. Fais gaffe ! T'es totalement à ma merci, je pourrais faire de toi ce que je veux, et personne t'entendrait crier !

Je commence à remonter un de mes genoux et lui fais un grand sourire.

— Et moi je pourrais remonter mon genou plus violemment et te faire bien mal...!

Il se décale légèrement pour échapper à ma menace et se met à me faire des chatouilles, que je tente de lui rendre, autant que possible. Nous rions comme deux gamins pendant un moment, avant de nous arrêter couchés sur le dos, côte-à-côte, essoufflés. Icare tourne son visage vers moi et replace mes cheveux décoiffés.

— J'ai pas envie de te laisser partir cette nuit...

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant