17. Montée en puissance

262 45 0
                                    

Le dos d'une main en train de me frôler la joue me tire du sommeil.

— Aux, réveille-toi, on est arrivés.

J'ouvre les yeux et me redresse d'un seul coup. Théo me sourit. Je suis soulagée de voir que ce n'est que lui.

— Ça va, bien dormi Madame la marmotte ?!

Je bâille en m'étirant.

— J'ai mal au cou et j'ai besoin de me dégourdir les jambes.

J'ai somnolé presque quatre heures sans m'en apercevoir. L'arrivée ne m'a même pas réveillée. Nous sommes seuls dans le minibus, tout le monde est déjà descendu. J'espère que je n'avais pas une position ou une tête trop ridicules lorsque j'étais au pays des songes.

Mes yeux s'étant adaptés à la luminosité, je tape brusquement mes mains sur mes cuisses pour finir de me réveiller et nous sortons. Nous sommes sur une grande étendue d'herbe entièrement vide, au bas du versant d'une montagne. A part quelques gros arbres et un bâtiment en fond de terrain, il n'y a strictement rien. L'air est plus frais que chez nous, même s'il ne fait pas froid du tout. Le climat montagnard devrait me redonner de l'énergie assez vite.

Cléophée frappe dans ses mains en mode maîtresse d'école pour rassembler tout le monde et donner les consignes. Nous nous rapprochons tous pour l'écouter. Je ne vois pas Icare mais sens sa présence derrière moi.

— C'est ici que nous camperons. Il n'y aura que notre groupe donc vous pouvez vous installer où vous voulez. Le bâtiment que vous voyez là-bas est le bloc sanitaire. Les toilettes et les douches s'y trouvent. Les jeunes, allez monter vos tentes et y poser vos affaires, on part sur le chantier dans une grosse demi-heure. Les autres, commencez peut-être par garer vos voitures toutes ensembles pour un semblant d'organisation, elles ne bougeront pas du week-end, puis montez aussi vos tentes et venez me donner un coup de main, il faut aussi monter le petit chapiteau pour les repas du soir et les petits déjeuners. Go, go, go !

Théo se charge d'aller récupérer nos affaires à l'arrière du minibus, me les fait passer puis détaille notre environnement du regard.

— Tu veux te mettre où ?

— Je sais pas, j'aimerais voir où vont s'installer Hippo et les autres, histoire qu'on se mette tous ensemble, pas trop proches des adultes pour être tranquilles.

— Facile alors, chaque fois les adultes se collent aux sanitaires, rappelle-toi comment c'est d'habitude.

— C'est vrai. On fait quoi alors ? On attend que les garçons s'installent et on se met pas trop loin d'eux, ou on monte notre tente et on leur propose carrément de venir avec nous ?

Théo et moi regardons en direction du groupe de quatre. Ils sont encore en train de chercher leurs affaires au milieu du matériel dans le minibus en se charriant les uns les autres.

— On s'installe et si on voit qu'ils ne viennent pas dans notre direction, tu iras leur proposer de venir avec nous !

— Ben voyons ! C'est moi qui m'y colle, oui bien sûr !

— Merci mon petit Théo !

Je l'embrasse sur la joue en mettant mon sac sur l'épaule et nous partons à l'opposé du bloc sanitaire, une poignée du sac qui contient la tente et notre matelas gonflable chacun à la main, entre nous. Nous nous arrêtons au pied d'un chêne qui doit être au moins centenaire, ça sera toujours bien d'avoir un peu d'ombre à proximité. Nous posons nos sacs à terre et commençons à déballer notre tente, sa housse imperméable et tous les systèmes de fixation. Nous avons l'habitude de la monter et n'avons même pas besoin de nous répartir les tâches. Sans qu'on s'en aperçoive, Hippo et ses trois copains arrivent à notre hauteur. Nul besoin donc de faire intervenir Théo. Ce coup de pouce du destin me satisfait complètement.

— On peut se mettre avec vous ?

Théo réagit au quart de tour.

— Bien sûr ! Il y a de la place ! On n'a qu'à installer nos tentes en cercle, ce sera plus sympa. On pensait mettre la nôtre pas trop loin du chêne.

— La vôtre ? interroge Icare. Style, vous dormez ensemble ?

— Oui, pourquoi ? Vous avez amené une tente pour chacun, vous ?

— Ben oui ! On n'y a pas réfléchi, à vrai dire. On est cons, si ça se trouve on n'avait pas besoin de déménager tout ça. Moi, par exemple, c'est une tente deux places.

— Deux places c'est le minimum pour avoir aussi de l'espace pour stocker tes affaires. Notre tente à Aux et moi est une trois places, justement pour avoir de quoi mettre nos sacs, les habits, un peu de nourriture...

— Un vrai petit couple, quoi !

— Tout à fait, répond Théo en riant.

Je ne bronche pas et fais mine de continuer le montage pour me donner une contenance. Quelques instants après, chacun se bat avec ses piquets, ses sardines ou son gonfleur à matelas. Au bout de vingt-cinq minutes, les cinq tentes sont montées, solidement fixées au sol, à peu près en cercle, avec toutes les entrées tournées vers le centre imaginaire du rond qui a plutôt une forme ovale. Théo et moi avons fini en premier, nous sommes déjà changés et chaussés, nos sacs vissés sur le dos avec une grande bouteille d'eau chacun. Nous rejoignons les adultes pour prendre une partie du matériel et Cléophée nous explique que le chantier se trouve juste au-dessus de nos têtes, en haut de la butte voisine. Nous devrons chaque matin emprunter un chemin de randonnée pour trois quarts d'heure environ de montée, chargés de nos sacs contenant le pique-nique, et de tout le matériel nécessaire sur place, à savoir des truelles, des seaux, des brosses, des tamis et des boîtes de stockage pour redescendre d'éventuels vestiges. Théo se charge de notre matériel tandis que je prévois de quoi manger pour nous deux dans les glacières collectives, et que je prends finalement nos deux bouteilles dans mon sac. Les garçons nous rejoignent au moment où nous commençons l'ascension. Ils ont couru dans tous les sens et semblent déjà fatigués, mais ils ont le sourire.

Le sentier est raide et parsemé de roches qui affleurent, alors je me félicite intérieurement d'avoir pensé à prendre mes chaussures de randonnée, qui tiennent parfaitement mes chevilles pour éviter toute chute. Rapidement, le groupe se disloque et la colonne que nous formions au départ s'étire. Théo et moi sommes au milieu de la file, Icare et Guillaume sont juste derrière nous, alors que Célian et Hippo traînent bien plus bas.

Icare demande tout à coup :

— Vous êtes déjà venus ici ?

Cette fois, je prends sur moi et lui réponds.

— Non, mais ça a l'air génial. Je pense que la vue sera belle une fois qu'on sera arrivés en haut.

— On attaque directement quand on arrive ?

— Ah non, on mange d'abord vu l'heure qu'il est ! On travaillera en suivant.

— Vous savez comment ça se passe ?

— Oui, on va être dispatchés en petits groupes sur tout le site, me coupe Théo.

— Ce sera des groupes de combien ?

— Ça je ne sais pas, Cléo nous le dira en fonction de la quantité de travail sur les différents postes.

— OK, et ça vous dirait qu'on se mette ensemble ?

— Tous les six tu veux dire ?

— Oui, ou même que tous les quatre, en fonction de ce qu'il faudra.

— Pas de souci.

Heureusement que c'est Théo qui a finalement continué la conversation, et surtout que nous sommes devant eux et qu'ils ne peuvent pas voir mon visage, car un sourire niais s'y est installé. Je ne sais pas pourquoi Icare tient à tout prix à se placer dans notre groupe, mais j'essaie de faire se calmer les papillons qui dansent dans mon ventre.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant