Une semaine passe. Je m'efforce du mieux que je peux de ne pas envoyer de messages à Icare, errant comme un zombie dans mon studio. Alors, un soir, lorsque le signal de réception d'un texto résonne dans mon appartement désormais bien trop vide, et que son prénom s'affiche sur l'écran, mon cœur se remet à battre après une semaine passée au ralenti.
> J'ai envie de te voir...
Pour la première fois de ma vie sans doute, je ne me pose aucune question et lui réponds sans réfléchir.
> Viens.
> J'arrive.
Je sais que c'est pathétique et qu'il n'a qu'à claquer des doigts pour obtenir ce qu'il souhaite mais ça m'est égal. Je ne dispose que d'un tout petit quart d'heure avant son arrivée, mon appartement est rangé car je n'ai pas quitté mon canapé depuis sept jours, alors j'emploie ce petit laps de temps à me rendre présentable pour effacer les marques d'une semaine passée sans sommeil, à pleurer.
Lorsqu'il ouvre enfin ma porte, la vie recommence à couler dans mes veines. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas assisté à cette scène. Il me prend dans ses bras, respire l'odeur de mes cheveux puis me relève le menton. Nous nous regardons droit dans les yeux plusieurs secondes, puis il se penche pour m'embrasser, et je ne le repousse absolument pas.
Exceptionnellement, j'ai troqué ma tenue habituelle sarouel-pull-à-capuche pour une robe noire, afin qu'il croie que je ne me laisse pas aller, et surtout pour lui montrer ce qu'il perd en ayant rompu.
— Waouh Aux ! Franchement t'es trop belle !
Je cache mon sourire en avançant vers le canapé, et en lui passant devant volontairement pour lui laisser le loisir de me contempler.
— Je sais !
Il me prend la main, la soulève et me fait faire un tour sur moi-même.
— Non, sérieux, elle te va trop bien cette robe. Je t'avais jamais vue habillée comme ça, tu devrais le faire plus souvent.
Nous nous asseyons sur ma banquette et Icare continue de me dévorer des yeux en poursuivant.
— Comment tu vas ?
Je lui mens.
— Bien et toi ?
— Ça va. Mais tu me manquais... Je suis désolé, tu vas te dire que je sais pas ce que je veux, mais là je tenais plus, fallait que je te voie, que je te serre dans mes bras, que je sente tes lèvres sur les miennes...
Il parle tout bas en me caressant la joue et je me frotte à sa main sans retenue en savourant son contact familier. Je ne lui réponds rien par crainte de paraître complètement désespérée si jamais je commençais à lui parler de ce que je ressens. Je me blottis contre lui et nous nous embrassons de longues minutes avant de céder à nos pulsions.
Alors que nous venons juste de terminer, il rompt le charme en se levant et commençant à se rhabiller.
— Je reste pas dormir par contre, Aux. Je vais y aller, là.
L'idée d'être un objet sexuel m'effleure vaguement l'esprit mais mes pensées sont tellement en ébullition que je suis incapable de penser raisonnablement.
— OK, pas de souci.
Il se rassoit sur le lit et dépose un baiser sur mon nez.
— Merci pour cette soirée. Je t'appelle.
Il s'éclipse mais tient sa promesse, deux jours plus tard, il m'envoie un message et nous passons à nouveau la soirée ensemble. Nous nous voyons ainsi pendant presque deux semaines, et des questions recommencent à affluer. Où en sommes-nous tous les deux ? Est-ce que je peux considérer qu'on est à nouveau ensemble ? Et si oui, où cela va-t-il nous mener ?
Je lui fais part de mes interrogations alors qu'il est allongé contre moi, à dessiner des cercles autour de mon nombril, la tête relevée appuyée sur sa main, un soir en fin de semaine.
— Je t'avoue que je suis un peu perdu, Aux. Mais je n'ai pas changé d'avis, je veux vraiment vivre plein de trucs tant que je suis jeune.
Il bondit alors brusquement et me fait sursauter.
— D'ailleurs, je t'inviterais bien au resto, on n'y est jamais allés ensemble !
— Ça te prend comme ça ?!
— Oui, Mademoiselle ! Tu pourrais mettre ta belle robe noire de l'autre jour ?
Pour la première fois depuis des semaines, j'ai l'impression d'avoir le dessus dans notre relation, alors je ne gâche pas mon plaisir.
— On verra, si t'es sage !
Il me fait son sourire irrésistible.
— Je suis toujours sage.
— Mouais...
— On dit jeudi soir ?
— Allez, pourquoi pas, si tu veux...
— Cool !
Lorsqu'il m'abandonne une nouvelle fois, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur cette soudaine invitation. Pourquoi maintenant alors que nous sommes officiellement séparés ? Va-t-il m'annoncer quelque chose d'inattendu ? Pourquoi choisir un jeudi soir, jour des soirées étudiantes où l'on risque de croiser des connaissances ? Pourquoi me demander une tenue particulière ? A-t-il en réalité parlé de cette soirée à quelqu'un ? Serons-nous observés et compte-t-il m'exhiber comme un trophée ? A-t-il fait un pari quelconque avec l'un de ses amis ? Je suis complètement noyée sous toutes les questions qui affluent dans ma tête mais arrive à la même conclusion que quelques semaines plus tôt : si c'est tout ce qu'il peut m'offrir, je veux profiter de ce temps avec lui, même si je sais au fond de moi que cette situation est précaire.
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Je croi(s) qu'en fait je t'aime...
RomanceAuxane et Icare se rencontrent en 1996 alors qu'ils sont encore jeunes. Rapidement, ils se tournent autour et tous les prétextes sont bons pour multiplier les contacts, jusqu'à ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre. Mais les années passent sans...