56. Petit trésor

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Je me relève sur un coude et fixe Icare en souriant.

— Tu me prends pour qui au juste ?

— Pour la fille que j'aime. J'ai juste envie de m'endormir en te serrant dans mes bras, Aux.

— Ouais, ouais, c'est ce que vous dites tous et puis...

Il me coupe.

— Non mais c'est toi oui, qui me prends pour qui ?! Je suis un gentleman, moi, ma chère ! Pas avant le mariage !

Je ris aux éclats, à la fois d'amusement et de nervosité.

— Pfff... Au moins !

— Sérieusement, petit ange, reste dormir avec moi cette nuit, Eustache rentre pas de toute façon.

— Non, non, demain t'as ton exam, tu dois te reposer.

Voyant sa déception mal dissimulée, j'ajoute, après une petite hésitation :

— On dormira ensemble demain soir, après ce sera le week-end, on s'en fout d'être fatigués.

Il fait une moue exagérée en faisant ressortir sa lèvre inférieure.

— Demain soir on fête notre exam avec ceux de ma promo...

— Avant les résultats ?

— Oui, c'est juste un prétexte pour faire la fête.

— Et faire ce qui va avec...

Il me sourit, et je fais semblant d'être fâchée.

— T'inquiète pas !

Je me relève.

— Je m'inquiète si je veux ! Bon, allez, je vais te laisser, on se voit samedi ?

— OK, j'insiste pas... Bien sûr qu'on se voit samedi mon ange. Je te raccompagne à ta voiture.

Nous nous séparons sur le trottoir après un merveilleux baiser.

Le lendemain à midi, je reçois un message de sa part.

> J'ai pensé à toi tout le temps, c'était trop facile, j'ai tout déchiré, tu vas me porter chance !

> Tu vas pouvoir "arroser" ça dignement ce soir, chouette...

> Boude pas petit ange, promis je serais très sage !

> T'es grand, tu fais ce que tu veux !

J'espère tout de même au fond de moi qu'il ne fera pas trop d'excès. Je tiens à lui plus que tout et ses addictions ne me plaisent pas. Je suis donc totalement soulagée le samedi lorsque je lis son premier texto de la journée.

> Tu me crois si tu veux, mais j'ai presque pas bu ni fumé et ça m'a pas empêché de passer une bonne soirée...

> Comme quoi tout arrive !

> Il est jamais trop tard pour s'en rendre compte ! Et je me suis aussi rendu compte que tu me manquai trop...

> Toi aussi. J'ai lutté pour pas te bombarder de SMS...

> T'aurais pu, mais j'avais pas mon portable avec moi, alors il aurait fallu qu'il sonne très fort ! Je viens à 20h ce soir OK ? Je t'aime, bonne journée.

> Tout pareil ! A ce soir, bisous.

J'appelle Théo en début d'après-midi pour lui faire part de mes interrogations. Après avoir pris de ses nouvelles et lui avoir raconté où nous en étions avec Icare, je lui demande, surtout pour me rassurer :

— Tu crois qu'il s'attend à ce qu'on couche ensemble ce soir ?

— Je pense pas, Aux, t'as été claire, et je l'imagine mal te forcer.

— Ah non, j'ai aucune inquiétude là-dessus. Je voudrais juste pas qu'il croie que je suis coincée, et qu'on n'ira pas plus loin.

— Ça fait quinze jours que vous êtes ensemble, Aux, c'est bon ! Vous avez le temps !

— Il a bientôt vingt ans, Théo. Il a passé l'âge des bisous-bisous !

— Parce qu'il y a un âge limite ? Vous prenez votre temps, je vois pas où est le problème, vraiment. Arrête de penser au regard des autres. C'est votre histoire, vous la construisez comme ça vous plaît.

— Mais je voudrais pas qu'il raconte à ses potes qu'on n'a toujours rien fait.

— Parce que tu crois vraiment que c'est son style ? Aux, il te préserve de tout comme si t'étais son petit trésor secret, tu crois franchement que ce serait pour aller ensuite raconter ce que vous faites ou ce que vous ne faites pas à qui veut bien l'entendre ?

Je réalise que je m'inquiète une fois de plus pour rien. Théo a entièrement raison. Icare n'est pas du genre à faire quoi que ce soit qui me contrarierait. Je le remercie et nous raccrochons après avoir convenu de nous retrouver le lendemain pour bavarder plus longuement.

Quelques heures plus tard, toutes mes angoisses s'envolent avec l'arrivée d'Icare. Il est visiblement nerveux et s'en explique dès que nous sommes confortablement installés sur mon canapé, tendrement blottis l'un contre l'autre.

— J'ai l'impression que tu as pas mal interprété ma proposition de jeudi.

Je joue l'innocente.

— C'est-à-dire mal interprété ?

— Il n'y avait aucun sous-entendu. Je voulais juste dormir avec toi dans mes bras. Je ne veux te forcer à rien. Et d'ailleurs ce soir, je ne suis pas obligé de dormir ici non plus, je peux très bien rentrer chez moi. J'ai eu l'impression que tu me proposais à contrecœur de dormir avec toi ce soir. Je me trompe ?

Je décide de jouer cartes sur table, sans détacher mon regard de nos doigts entrelacés, n'ayant pas le courage de le regarder droit dans les yeux.

— Pas à contrecœur non, mais c'est vrai que j'étais mal à l'aise, parce que je ne voulais pas que tu t'imagines des trucs. Je vais être honnête, je suis jamais allée plus loin avec un garçon, et je préférerais prendre mon temps.

Icare place sa main sous mon menton pour me forcer à le regarder.

— Eh Aux ! Rien ne presse, je t'aime, on attendra que tu sois prête. Jamais je te forcerais à quoi que ce soit. Je voudrais pas qu'on se précipite et qu'ensuite tu regrettes.

Il me serre plus fort dans ses bras en posant son menton sur ma tête et ajoute :

— Honnêtement j'ai juste envie de m'endormir contre toi et de me réveiller à tes côtés, c'est tout.

Nous passons une soirée parfaite, toute tension s'étant dissipée. Et vers minuit, nous déplions mon canapé, faisons le lit et nous couchons, lui en caleçon et tee-shirt Deftones, moi en pyjama short-débardeur acheté la veille en prévision, pour éviter d'avoir à défiler dans mon habituel affreux modèle en pilou. Nous discutons et nous embrassons jusque tard dans la nuit, et finissons par nous endormir, bercés par la voix de Bertrand Cantat, mon dos calé contre son torse, et nos jambes mêlées.

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant