Le samedi suivant, je donne le CD promis pour Icare à Hippolyte. J'espère qu'il fera une allusion à son copain au cours de la séance et que je pourrai obtenir une petite remarque que je m'amuserai ensuite à décortiquer et interpréter pendant des heures, comme je l'ai fait durant toute la semaine avec la simple phrase du samedi précédent. En vain. Il reste absorbé dans son travail de débroussaillage en binôme avec Théobald, et ne me transmet pas même un simple bonjour de sa part, ce dont je me serais finalement contentée.
Sept jours plus tard, il me rend mon album, qu'Icare lui a fait passer la veille au lycée, m'apprend-il. Même s'il discute avec nous de tout un tas de choses, toujours pas de bonjour transmis, pas même un petit remerciement pour le prêt. Et ma timidité maladive m'empêche de le questionner. Alors je me force à me rendre à l'évidence, Icare n'en a probablement rien à faire de moi. Après tout, je ne suis qu'une collégienne alors que lui vient de rentrer au lycée. Il voulait certainement simplement réécouter The Offspring sans avoir à acheter l'album.
Je demande son avis sur la question à Théo, après la séance, lorsque nous rentrons chez moi et montons directement dans ma chambre. Il s'installe sur mon petit lit qui occupe le centre de la pièce, décorée depuis ma plus tendre enfance de sa tapisserie rose ornée de petits nuages sur lesquels sont perchés de ridicules nounours. Je tire ma chaise à roulettes de sous mon bureau qui jouxte le lit pour m'y asseoir, tendant les jambes pour poser mes pieds sur ma couette, recouverte de motifs de fleurs rouges énormes.
Il me rassure :
— Peut-être qu'Icare avait demandé à Hippolyte de te remercier et qu'il a oublié de le faire. Ou peut-être tout simplement qu'Icare est un mec comme les autres, grossier et impoli !
Nous rions ensemble et je retire le boîtier de CD de mon sac à dos. Au moment où je l'ouvre, un tout petit bout de papier tombe sur ma moquette élimée sans que je m'en aperçoive. Théo le ramasse, le regarde et me le tend avec un large sourire.
— Ben voilà, on a la réponse.
Sur le morceau de feuille blanche à petits carreaux soigneusement découpé, je lis « Merci pour le CD ! ». Malgré moi, mes lèvres s'étirent. Je fixe l'écriture manuscrite appliquée, avec le M tracé à la manière d'un écolier, au stylo encre. A cet instant, je sais déjà que je veux d'autres petits mots de sa part. Et pour cela, une seule solution, il faut que je lui fasse passer un nouvel album la semaine prochaine, avec une réponse à ses remerciements.
Je bondis littéralement devant mon étagère à CDs, appuyée contre le pan de mur en face du lit, les mains sur les hanches, à la recherche d'un groupe à lui faire découvrir. Je n'ai que l'embarras du choix puisque ce n'est pas la musique qu'il écoute. J'opte pour un album fraîchement sorti, celui de Nada Surf. Il y a peu de chances qu'il soit passé à côté de Popular qui inonde les radios depuis des semaines, mais je suis certaine qu'il n'aura pas eu la curiosité d'écouter les autres titres. Sans que j'aie besoin de les lui demander, Théo a déjà attrapé le bloc-notes posé sur mon bureau et un stylo. Je m'allonge à plat ventre sur le lit pendant qu'il prend place à mes côtés, armé du matériel nécessaire.
— Je lui mets quoi ?
— Je ne sais pas, un truc du style « De rien » et rajoute un truc qui explique pourquoi tu lui passes un autre album qu'il ne t'a pas demandé...
— Ah oui, je vois... « De rien ! Et même si tes oreilles ne le méritent pas, je te fais passer Nada Surf, ça les lavera des bruits que t'osais leur imposer ! ». T'en penses quoi ?
— Je valide ! En même temps, c'était pas pressé, on ne verra pas Hippo avant samedi prochain...
— Pas grave. C'est parti !
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Je croi(s) qu'en fait je t'aime...
RomanceAuxane et Icare se rencontrent en 1996 alors qu'ils sont encore jeunes. Rapidement, ils se tournent autour et tous les prétextes sont bons pour multiplier les contacts, jusqu'à ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre. Mais les années passent sans...