Le samedi, nous gardons les mêmes équipes. J'avance encore plus au ralenti que la veille, Icare et Guillaume aussi. Notre nuit raccourcie a laissé des traces. Nous faisons péniblement trois allers-retours dans la matinée, et sommes soulagés de voir que l'autre trio est non seulement en vue, mais se rapproche de nous. Dans le courant de l'après-midi, nous nous rejoignons enfin et sommes ravis tous les six car nous savons que c'est le signal de la fin de notre travail. Hippo propose que nous montions à flanc de montagne jusqu'au niveau d'un bosquet de genévriers pour nous allonger dans l'herbe et profiter de la vue dans le calme. Nous passons là la fin d'après-midi à discuter, en attendant que les adultes aient terminé leur travail pour nous ramener à l'auberge de jeunesse.
Ils finissent plus tard que le vendredi car il ne leur reste qu'une courte portion à consolider pour que le muret soit entièrement réparé. Ainsi, notre groupe au complet n'aura pas besoin de revenir le lendemain.
Lorsque que nous reprenons le minibus, Cléophée nous apprend qu'ils ont prévu de passer la matinée du dimanche en Espagne, pour aller faire le plein d'alcool, de cigarettes et de tout un tas d'autres articles dans les ventas de la frontière. Elle nous propose de nous joindre à eux. Hippo, Célian, Icare et Guillaume sont très enthousiastes à cette idée. Théo et moi sommes davantage sur la réserve. Hippo nous demande :
— Ça vous dit pas de venir avec nous ? Vous allez faire quoi, tous seuls ?
Je réponds.
— On pensait aller marcher demain. On a prévu nos affaires de rando.
— Sympa ! Et ça vous gêne si je me joins à vous, plutôt ? interroge Icare.
— Pas du tout ! lui répond Théo en me pinçant discrètement l'avant-bras.
— Moi aussi je peux venir ? questionne à son tour Guillaume.
— Bien sûr, plus on est de fous...
Théo ne finit pas sa phrase et se tourne vers Hippo et Célian :
— Vous êtes sûrs de vouloir aller en Espagne ? Parce que tant qu'on y est on peut vous rajouter aussi !
Ils se regardent et font une moue.
— Non, nous on va se contenter de se faire porter, marcher, c'est pas notre truc !
Arrivés à l'auberge de jeunesse, chacun part se doucher, et nous enchaînons rapidement avec le repas. Tout le monde est fatigué, pas de tennis de table ni de babyfoot ce soir, nous optons pour une partie de belote, beaucoup plus reposante.
Icare se révèle être un adversaire redoutable, il mémorise avec une facilité déconcertante les cartes qui sont déjà passées et joue en fin stratège. J'ai du mal à me concentrer et le jeu m'ennuie relativement vite, si bien que je cède ma place à Hippo. Théo laisse la sienne à Célian et me rejoint sur un des fauteuils gonflables après être monté dans la chambre pour aller chercher son baladeur. Un écouteur chacun à l'oreille, nous nous assoupissons, vautrés l'un sur l'autre.
Nous nous réveillons en sursaut lorsque nos corps touchent le sol. Les quatre garçons sont littéralement pliés en deux de rire. L'un d'entre eux a ouvert la valve de gonflage du fauteuil où nous nous trouvions, et il s'est dégonflé entièrement.
— C'est malin, dis-je avec un sourire. Vous avez gagné le droit de le regonfler maintenant !
— C'est Célian qui va le faire, il s'est gentiment proposé ! dit Guillaume alors que ce n'est visiblement pas le cas.
Mais ce dernier s'y colle docilement, et Théo et moi montons dans la chambre, rapidement suivis des trois autres garçons. Je m'installe dans le lit de Théo pour continuer d'écouter de la musique, pendant qu'Icare, Guillaume et Hippo décident d'attaquer Célian à coups d'oreillers lorsqu'il mettra un pied dans la chambre.
Dès que ce dernier passe la porte, les coups pleuvent et une véritable bataille s'organise. Théo se joint à eux. Je reste en haut du lit, à moitié cachée pour me faire oublier. C'était sans compter sur la taille immense d'Icare qui me lance un traversin pour me faire réagir. Comme je reste tapie entre le mur et le sac de couchage de Théo que j'ai relevé en guise de bouclier, Icare met ses pieds sur mon lit, arrache le sac de couchage, m'attrape les mains et me tire vers lui. Quand je suis tout au bord du lit, il me charge sur son épaule mais me pose rapidement par terre à cause de mes protestations.
— Allez, viens t'amuser avec nous !
— Non, je vais encore m'en prendre une ! Je te rappelle qu'en deux sorties avec vous, j'ai eu droit à deux orteils cassés et une raquette de ping-pong dans le front !
— Mais non, je te protège, on attaque juste Célian !
J'adore la façon dont il a prononcé sa phrase. Je te protège. J'ai l'impression d'être une petite chose fragile dont il essaie de prendre soin. Sa carrure invite à la protection, on ne peut qu'avoir envie de se blottir dans ses immenses bras rassurants.
Je suis rapidement tirée de ma rêverie par un coup d'oreiller en plein visage. Guillaume rit de son assaut et lance à Icare :
— Pour un qui devait la protéger, c'est réussi !
Ces deux-là continuent à se chercher, et Icare s'acharne sur lui, dans la foulée, à coups de traversin. Mais Guillaume a rallié à sa cause Hippo et Célian. Les coups pleuvent sur Icare qui en perd son pantalon de jogging un peu trop lâche. Et lorsqu'il fait une petite pirouette pour éviter les oreillers, il tombe à la renverse et son caleçon se retrouve baissé. Je n'ai le temps de rien voir qu'il l'a déjà remonté, mais Hippo, Célian, Guillaume et Théo ont du mal à respirer tellement ils sont hilares. Je garde les yeux détournés ostensiblement pour qu'Icare comprenne que je n'ai rien vu, je ne veux pas le mettre mal à l'aise. Mais ce dernier rit lui aussi et ne semble pas le moins du monde gêné par la situation.
Cependant, l'excitation retombe peu à peu dans la chambre. Chacun finit par regagner son lit, et comme la nuit précédente, nous bavardons de tout et de rien, et finissons par nous endormir tour à tour.
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Je croi(s) qu'en fait je t'aime...
RomansaAuxane et Icare se rencontrent en 1996 alors qu'ils sont encore jeunes. Rapidement, ils se tournent autour et tous les prétextes sont bons pour multiplier les contacts, jusqu'à ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre. Mais les années passent sans...