36. What ??

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Je reste chez moi le lendemain, feignant me sentir mal auprès de mes parents. Je n'ai quasiment pas dormi de la nuit, et ma tête épouvantable joue en ma faveur pour les en convaincre. Je passe la journée à tourner en rond en attendant que Théo rentre du lycée pour me raconter comment il a fait pour donner mon mot à Icare, et quelle a été sa réaction.

Lorsque je vois enfin sa tête passer la porte de ma chambre, je bondis sur mes pieds.

— Alors ?

— Je n'ai pas vu Icare.

Je retombe directement assise sur mon lit. Je n'avais absolument pas envisagé cette éventualité. On s'est vus tous les jours sans exception depuis la rentrée de septembre, comment se fait-il que Théo ne l'ait pas croisé aujourd'hui ? Peut-être qu'Icare a eu la même idée que moi et n'est pas venu au lycée pour éviter toute réponse ? Ou alors peut-être que c'était moi et uniquement moi qu'il cherchait à voir chaque jour, et que, ne me voyant pas aux côtés de Théo, il ne s'est pas déplacé pour le saluer ?

— Je plaisante, Aux ! Tu verrais ta tête !

Je pousse un profond soupir que j'avais inconsciemment retenu et lui donne une tape sur l'épaule.

— T'es con ! Tu m'as fait peur ! J'étais déjà en train de me poser mille questions !

— Je sais, je l'ai vu à ta tête ! Bon, alors, on s'est rencontrés devant le self. C'est lui qui est venu vers moi en me demandant où tu étais.

— Tu lui as répondu quoi ?

— Je lui ai dit que tu étais malade. Mais il m'a demandé ce que tu avais, du coup, j'ai été pris de court, j'ai bafouillé que c'était certainement une intoxication alimentaire.

— Très crédible, Théo ! Et très glamour, s'il imagine que je passe mon temps à vomir ou à me vider...

— Tu n'avais qu'à me donner des instructions plus précises !

— Oui, oui, excuse-moi. Continue.

— Comme il avait l'air sceptique, j'ai ajouté que tes parents étaient malades aussi, et que c'était certainement un truc que vous aviez mangé hier soir.

— Bien rattrapé mon Théo, merci !

— Ensuite, j'ai ouvert mon sac et lui ai tendu ton petit mot en lui disant que tu me l'avais fait passer ce matin pour que je le lui donne.

— Il a été surpris ?

— Non, il m'a juste dit « Je suppose que tu l'as lu ».

— Et tu lui as répondu quoi ?

— Que tu me faisais toujours lire ce que vous vous faisiez passer, qu'on n'avait aucun secret l'un pour l'autre.

— Et il a réagi comment ?

— Il a juste souri. Mais ensuite il m'a posé une question super bizarre.

— C'est-à-dire ?

— Il m'a demandé pourquoi je le détestais.

— Hein ?!

— Oui, je lui ai fait répéter, parce que je ne comprenais vraiment pas ce que j'avais pu faire qui lui aurait laissé croire ça. Mais Archi est arrivé à ce moment-là, donc Icare a fourré rapidement le mot dans sa poche de pantalon et a immédiatement changé de sujet, il m'a juste dit de te passer le bonjour et de te souhaiter un bon rétablissement en commençant à s'éloigner. Je pense qu'il ne voulait pas qu'Archi s'immisce dans la conversation. Sauf qu'en entendant sa dernière phrase, Archi lui a demandé si sa « petite chérie » était malade.

— Et t'as entendu ce qu'il lui a répondu ?

— Non, j'ai vu. Il lui a fait un doigt !

Je souris. Et je commence à regretter de lui avoir fait une réponse aussi sèche. Peut-être que Théo avait raison... Mais pourquoi pense-t-il que Théo le déteste ? Ça m'ennuie vraiment de ne pas avoir les réponses à mes interrogations.

Le mercredi suivant, fait rare, je reçois du courrier à mon nom. Une lettre avec l'adresse manuscrite attend sur mon bureau lorsque je rentre de cours à midi. Je reconnais immédiatement l'écriture. Mon cœur s'emballe. C'est celle d'Icare.

Avant d'ouvrir l'enveloppe, les questions se bousculent déjà. OK, il a dû voir mon nom de famille sur la liste des classes, mais comment connaît-il mon adresse ? Il a forcément lui aussi mené une petite enquête. S'il prend la peine de m'écrire, c'est qu'il doit avoir quelque chose d'important à me dire, mais quoi ? J'hésite à appeler Théo et à l'attendre pour décacheter ce courrier inattendu. Mes mains tremblent. Et machinalement, elles déchirent le haut de l'ouverture. Je n'ai aucune volonté. Je prends une profonde inspiration et déplie la feuille qui s'y trouve.

« Salut...

Je vois pas trop pourquoi tu penses que je te prends pour une conne ni ce qui te fais penser ça parce que déjà, si je te prenais pour une conne je ne t'écrirais pas des phrases aussi tordues et puis je pense que je ne me tracasserais même pas à écrire à une conne. Donc non, je suis très loin de te prendre pour une conne. Par contre, t'es quand même carrément pas prévisible comme fille. La dernière fois, quand j'ai fait mon allusion qui volait super bas je pensais que t'allais t'enflammais et que j'allais me faire incendiais et puis rien. Et là, t'a l'air de t'être vexée pour rien. Attention, c'est pas une critique, hein, c'est même plutôt un compliment, comme ça c'est d'autant plus intéressant de t'écrire.

Je voudrais aussi m'expliquer pour ce que j'ai dit à Théobald qu'il t'aura forcément raconté j'en suis sûr.

Bon, je tiens quand même à te préciser que ce jour-là je n'étais pas très clair. C'était notre dernier jour de cours donc on s'était un peu mis la tête. En fait je voulais savoir ce que Théobald pensait de moi mais je n'allais pas directement lui demander (ça se fait pas trop). Alors pour le faire réagir, je lui ai demandé pourquoi il ne m'aimait pas, tu comprends, j'allais tout de même pas dire "ouais, Théo tu m'adore, hein, dis des trucs cool sur moi à ta copine stp !". J'avoue que c'était un stratagème bien foireux. Surtout qu'Archi nous a coupés. Bref, oublie tout ça s'il te plaît.

Je te souhaite de bonnes vacances.

P.S. : aujourd'hui j'avais vraiment pas envie de me prendre la tête sur les conjugaisons

alors j'ai fait un peu au pif. »

Je croi(s) qu'en fait je t'aime...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant